Pendant un temps, nous avons cru au burn-out du gang londonnien mais avec ce second album, le groupe assure la relève et propose une suite cohérente et fougueuse. Rencontre, critique et écoute.
Quand on déclare à Chilli Jesson, le bassiste et cochanteur des Palma Violets, que les seconds albums sont souvent des déceptions mais que le leur déroge à la règle, il pousse de façon théâtrale un soupir de soulagement. “Sinon, lâche-t-il en riant, j’aurais fait ça.” Il se lève et fait mine de courir se jeter par la fenêtre, un geste grandiloquent à la hauteur de leur musique. Derrière leurs visages ingénus et leur énergie juvénile, les quatre Londoniens ont fait preuve d’une sagesse étonnante pour défier le fameux syndrome du deuxième album, cette tendance trop courante de donner une suite indigne, bâclée ou boursouflée à un premier album pourtant prometteur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Après deux ans de tournée ininterrompue à vivre les uns sur les autres, on ne pouvait plus se supporter, explique Chilli Jesson. Ça n’a pas été facile de faire ce nouvel album, à vrai dire. En y pensant, avec le recul, on a pris une décision un peu étrange : au lieu de partir chacun de son côté, on est allés vivre tous ensemble dans une sorte de grange au fin fond du pays de Galles, parmi les chevaux sauvages et les champignons magiques. Le groupe s’est ressoudé et on a réappris à s’aimer.”
Il est bien question d’affection chez ces rockeurs au cœur tendre. Cette amitié fraternelle qui lie Chilli Jesson au guitariste et coleader Sam Fryer est la base fondatrice du groupe. Dans la lignée de ces innombrables duos complices qui ont enflammé le rock anglais (Joe Strummer et Mick Jones, Peter Doherty et Carl Barât…), ces frères d’armes ont créé Palma Violets par dépit. Ils se sont d’abord improvisés directeurs artistiques à la recherche de nouveaux talents, écumant les salles londoniennes toutes les nuits jusqu’à être dégoûtés par le manque de sincérité et de spontanéité qu’ils constataient sur toutes les scènes. Décomplexés par cette expérience, ils se lancent.
En aucun cas canaliser la flamme du groupe
“Pour notre premier album, on avait l’idée romantique de se laisser des messages sur nos répondeurs pour s’échanger des idées de chansons, poursuit Chilli. Cette fois-ci, on a procédé différemment, avec des guitares acoustiques, face à face. Quand tu ne t’es pas encore complètement réconcilié avec quelqu’un, c’est comme si tu lâchais tout ce que tu avais sur le cœur, en espérant que l’autre ne va pas détester. Will et Pete (respectivement batteur et claviériste – ndlr) ont brodé sur ces bases pour transformer nos idées en vrais morceaux.”
C’est le légendaire John Leckie qui les a épaulés pour l’enregistrement de ce nouvel album. L’Anglais a déjà participé à plusieurs chapitres importants de l’histoire du rock made in Britain, des Stone Roses à Felt, de Radiohead à The Coral. Il a eu l’excellente idée de ne pas canaliser la flamme des Palma Violets. Résultat : les quatre Londoniens subliment leur énergie brute et passionnée sur Danger in the Club, en jouant comme si leur vie en dépendait.
“Il est le dernier grand producteur de rock britannique, à l’ancienne. Pour être honnête, personne d’autre ne voulait s’en charger à part des Américains. Plein de groupes vont enregistrer à L. A. mais ça ne nous correspond pas du tout. On porte le drapeau britannique et on en est fiers !”
Se réconcilier avec les solos d’harmonica
Avant d’en devenir le bassiste, Chilli était le manager des Palma Violets. Il a de qui tenir : son père, décédé en 2007, était le manager de Nick Cave. Quand Chilli a quitté l’ombre pour intégrer le groupe pour de bon, il était tellement terrifié à l’idée de jouer en live et avec un instrument dont il ne maîtrisait que les rudiments qu’il jouait en tournant le dos au public – difficile à imaginer aujourd’hui quand on voit ses prestations exubérantes.
Si les concerts bouillonnants sont devenus l’une des forces incontestables du quatuor, Danger in the Club en capte le dynamisme explosif, en empruntant à leurs héros les différentes composantes de ce feu sacré : les guitares surf, les claviers des Doors, les refrains à reprendre en chœur du pub-rock, la tendresse fanée du music-hall (sur l’introduction, Sweet Violets) et la rage du punk. Le single épatant qui donne son nom à l’album parvient même à nous réconcilier avec les solos d’harmonica.
Le charme d’une urgence impossible à feindre
“Je ne comprends pas pourquoi le pub-rock a une si mauvaise réputation. Beaucoup de gens décrivent ça comme du pré-punk pour avoir l’air plus cool. On a énormément écouté Dr. Feelgood en écrivant cet album, ou des artistes comme Ian Dury & The Blockheads, Graham Parker & The Rumour… Ils ont composé des pop-songs géniales, bien ficelées, en mélangeant des influences américaines des fifties à une identité bien britannique. On entend presque leur transpiration !”
Les références sont forcément omniprésentes. On pense souvent à The Clash époque London Calling (notamment sur Gout! Gang! Go!) et aux Libertines (The Jacket Song, acoustique et écorchée, rappelle Radio America sur le premier album de ces derniers). Des groupes chaotiques mais brillants, qui préfèrent l’enthousiasme fiévreux à la perfection technique et dont le charme provient d’une urgence impossible à feindre.
Né dans la sueur, la passion et la complicité retrouvée, Danger in the Club assure la relève avec un certain panache. Le seul danger qui existe ici, c’est celui du coup de foudre.
{"type":"Banniere-Basse"}