C’est un truc bien américain, ça : en rentrant du boulot, on branche la guitare et, avec sa femme ou une copine, quelques voisins et un chien, un canard, on fait de la musique. Même quand son boulot est justement de brancher une guitare et de faire de la musique. Ainsi, quand ils se retrouvent […]
C’est un truc bien américain, ça : en rentrant du boulot, on branche la guitare et, avec sa femme ou une copine, quelques voisins et un chien, un canard, on fait de la musique. Même quand son boulot est justement de brancher une guitare et de faire de la musique. Ainsi, quand ils se retrouvent dans leur campagne, Mark Olson et son épouse Victoria Williams invitent leur copain Razz Russell et son bastringue (violon, harmonica, accordéon, banjo il habite Deliverance ou quoi ?) et chantent de douces et antiques chansons américaines. Le genre de merveilles fragiles que leurs albums respectifs et officiels leur interdisent d’enregistrer. Ces chansons nues, on en rêvait, avec un peu d’imagination, quand on les voyait crâner, le muscle saillant et le son endimanché, dans les albums des Jayhawks. On rêvait de déchirer ces habits de ville que Mark Olson s’entêtait à imposer à cette country rustre, engoncée en prêt-à-porter. On en rêvait aussi en écoutant la production inutilement clinquante des folk-songs de Victoria Williams, sabotées par l’urbanisme. Mais sur ces deux albums sortis à quelques mois d’intervalle, le couple s’est replié dans sa cabane en rondins de Joshua Tree, en Californie, et enregistre des chansons sans âge, sans enjeu, par jeu aux Etats-Unis, ces deux albums ne sont vendus que par correspondance et aux concerts. Des chansons où la technologie a été priée de rester passer le week-end en ville, l’occasion de sortir du grenier les banjos, les tympanons, les violes, les orgues à soufflet… Et si les paroles de Prayer of the changing leaf ont été empruntées à Tennessee Williams, on est ici très loin des duos virtuels offerts par la technologie : Mark Olson et Victoria Williams ont réellement quelque chose de Tennessee. Car ici, rien n’a vraiment changé depuis les années 30 : les villes continuent de mépriser les campagnes, l’industrie d’ignorer ces magnifiques hobos et leur cabane n’a pas l’électricité. Ce qui laisse, comme chez les voisins de Calexico, beaucoup de place à l’imagination, aux cavalcades de conversations, aux veillées ferventes. Avec, sur le gramophone, quelques chansons de la Carter Family, de Neil Young ou du Band.