Sur son quatrième album, l’Australien orne ses doutes existentiels d’une musique lumineuse. Un équilibre précaire et assumé.
Une seule constante dans la carrière d’Alex Cameron : ses déhanchés précieux et étranges en marcel blanc. Pour le reste, l’Australien consolide son succès à travers un quatrième album qui aborde des thèmes et des personnages totalement différents. Pour le comprendre, revenons un peu en arrière.
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En 2013, Alex publie son premier LP, Jumping the Shark, sur son propre site web. En huit chansons puissantes et autant d’histoires tordues, il dévoile un univers unique, ode aux freaks du monde entier, où règne un sens du second degré mordant. C’est justement avec les dents qu’il faut aller chercher le public.
Accompagné de son inséparable ami saxophoniste Roy Molloy, il enchaîne les concerts et les galères. Tout cela traîne trop pour lui, mais à force d’acharnement, il décroche une signature sur l’excellent label Secretly Canadian en 2016, et un succès tardif.
Alex a senti la pression sur ses frêles épaules
L’Australien aurait pu continuer à répéter avec succès la formule de son electropop minimaliste, mais Cameron, derrière son image de loser magnifique, est un intrépide qui préfère emprunter le chemin périlleux du renouvellement artistique.
Enregistré avec l’aide de Jonathan Rado de Foxygen, Forced Witness (2017) est une proposition osée pour un second album. Le disque est gorgé de mélodies 80’s, de refrains lumineux, de saxo (assumé) pour des compositions qui osent désormais la clarté.
“Je suis très critique envers mes compositions et mes textes”
Deux ans après, Alex Cameron ressort son costume à épaulettes et sa pop FM décomplexée. Miami Memory prend la forme d’une longue déclaration d’amour à sa compagne, l’actrice Jemima Kirke.
Alors, qu’attendre d’Oxy Music aujourd’hui ? Durant la préparation de ce nouveau disque, Alex a senti la pression sur ses frêles épaules : “Je suis très critique envers mes compositions et mes textes, nous confie-t-il. J’ai aussi dû travailler sur moi car j’ai pu détester les pensées que j’ai eues et les décisions prises par le passé. Ma musique est relativement simple. Il n’y a pas de mélodies ou d’arrangements très complexes, mais j’essaie de mettre beaucoup d’âme dans ce dénuement.”
Quelques chansons pop parfaites
Sans concessions, ses textes dressent le portrait d’inadapté·es et de romantiques cabossé·es qui s’agitent dans un monde à la dérive, sur fond de pandémie mondiale. Ici, la tension est palpable, la violence, diffuse, mais elle reste magnifiée par une musique plus lumineuse que jamais. “Sur chaque album, ma musique me sert à essayer de comprendre quelque chose, à creuser des questions qui me hantent. Certains morceaux traitent des personnes qui m’entourent, d’autres d’idées plus larges.
Sur Oxy Music, j’aborde l’isolement, les addictions, l’introspection, le jugement… C’est une drôle d’œuvre de fiction qui se mêle à des questionnements personnels et des vérités que j’amplifie au maximum. Et comme à chaque fois, c’est un nouveau personnage que j’invente pour les porter. Je n’envisage l’écriture qu’ainsi. Il y a peut-être une réelle part de déni dans cette manière de faire. Mais ce déni est aussi beau que dramatique”, explique-t-il.
Oxy Music livre quelques chansons pop parfaites. Une musique étincelante conjuguée à une lecture piquante et brute du monde. La peur de l’effondrement mental n’est jamais bien loin. C’est un moment d’introspection sur les échecs et les chances d’une jeune vie. Tragique et léger à la fois.
Un talent mélodique et une fragilité indéniables
Alex Cameron est le chaînon manquant entre Bryan Ferry, Nick Cave, Michael Hutchence et Randy Newman (son idole). Le disque enchaîne les mélodies entêtantes et compte deux belles collaborations avec le Californien Lloyd Vines et Jason Williamson (Sleaford Mods). Cette dernière clôt l’album en apothéose, comme aime à le faire l’Australien.
Si certain·es regrettent la période où Alex Cameron portait ses (fausses) cicatrices et ses (vrais) échecs en bandoulière, ces nouvelles chansons prouvent qu’il n’a rien perdu de sa capacité à jongler entre sublime et ridicule.
Et même si l’ambition des productions a légèrement noyé l’authenticité, il n’est définitivement pas devenu le personnage qu’il parodiait. Il conserve ce talent mélodique et cette fragilité indéniables. Alors, oui, il s’agit bien d’une nouvelle réussite.
Oxy Music (Secretly Canadian/ Modulor). Sortie le 11 mars. Concerts le 21 mars à Paris (La Cigale), le 22 à Reims (La Cartonnerie), le 23 à Feyzin (L’Épicerie Moderne).
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