Le Canadien livre un nouvel album à la fois sophistiqué et accrocheur, oscillant avec maestria entre jazz orchestral, musique de film, pop et easy-listening. Une parfaite bande-son pour l’été.
Compositeur, producteur, arrangeur, multi-instrumentiste, chanteur, Mocky – Dominic Salole pour l’état civil – offre un exemple archétypal du musicien complet. Doté d’un appétit créatif qui semble insatiable, il développe une œuvre solo, compose pour le cinéma ou la télévision, signe des remixes et collabore à un rythme soutenu avec d’autres artistes sur disque ou sur scène. “Selon moi, le but de la musique, c’est de travailler avec d’autres personnes, en particulier en live”, nous déclare-t-il via Zoom, depuis Los Angeles, où il s’est installé en 2012.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Auparavant, parti rejoindre là-bas ses compatriotes et amis Peaches et Gonzales, le Canadien a vécu une dizaine d’années à Berlin et a participé activement à la folle effervescence musicale de la capitale allemande à l’orée de ce millénaire. “Comme beaucoup de gens, je n’ai pas eu une très bonne première impression de Los Angeles, à cause du trafic automobile notamment… Plus tard, j’ai découvert la partie est de la ville, où la scène artistique est très riche et vivante. Ça m’a vraiment fait penser à Berlin, avec la même sensation de liberté et d’espace. De nombreux musicien·nnes sur la même longueur d’ondes et venu·es de partout dans le monde vivent à L.A. actuellement. J’y retrouve ce que j’avais trouvé à Berlin au début des années 2000 – le soleil en plus (sourire).”
Vers la voie orchestrale
Musicalement, Mocky s’est d’abord illustré dans un registre electro-pop-funk-hip-hop avec une tonique inventivité empreinte d’excentricité. Ses deux premiers albums – In Mesopotamia (2002) et Are + Be (2004) – reflètent très bien cette période initiale, le troisième – Navy Brown Blues (2006) – apparaissant moins consistant. À partir de son quatrième album, le luxuriant Saskamodie (2009), paru chez Crammed Discs, il a bifurqué vers une forme de musique orchestrale, majoritairement instrumentale, quelque part entre jazz, bande originale de film, tropicalisme et easy-listening.
>> À lire aussi : Catherine Ringer évoque Sparks : “Deux Américains europhiles”
Depuis, il a poursuivi dans cette direction avec Key Change (2015) et A Day At United (2018), tous deux réalisés avec une pléiade d’invité·es et parus chez Heavy Sheet, sa propre maison de production. Son nouveau disque, Overtones for the Omniverse, approfondit la voie orchestrale de manière magistrale. Il a été enregistré à Los Angeles (à Barefoot Studios, où Stevie Wonder a gravé son classique Songs in the Key of Life) en mars 2020, juste avant le premier confinement, avec un ensemble de 16 interprètes – instrumentistes ou vocalistes – en seulement deux jours. Mocky en a constitué le matériau de départ en 2019, lors d’un exil temporaire au Portugal. Une fois revenu à Los Angeles, il a travaillé seul durant un mois pour transcrire ses compositions sur papier puis il s’est lancé dans l’aventure collective en studio.
Les joies de l’improvisation
“Il faut rester le plus ouvert possible durant le processus créatif, être dans l’instant présent – exactement comme pour un concert. Il y a un balancement continu entre composition et improvisation. Chaque interprète peut amener un caractère particulier à l’ensemble. Dans le travail de production entre aussi une part d’improvisation. Jusqu’au bout, tout peut bouger. L’improvisation est très importante pour moi, je ne peux pas jouer deux fois la même chose.” La production a été assurée conjointement par Mocky, Justin Stanley et le fidèle Renaud Letang, ce dernier s’étant également occupé du mixage aux studios Ferber à Paris. “Renaud joue un rôle crucial dans chaque projet. C’est un producteur et mixeur vraiment incroyable, avec une grande capacité prospective. Il sait transmettre parfaitement l’émotion contenue dans une chanson. Dans mon monde idéal, il serait toujours à mes côtés.”
Contenant 8 morceaux, Overtones for the Omniverse démarre en beauté avec Ouvertures, instrumental zénithal qui évoque un Steve Reich converti au spiritual jazz : bienvenue dans les étoiles. Lui succèdent Bora!, irrésistible plage chaloupée (à la Señor Coconut) traversée de chœurs folâtres, et Stevie’s Room, entêtante pièce vaporeuse nimbée d’une mélancolie légère. Arrive ensuite Humans, merveilleuse ballade féerique sur laquelle Mocky exprime tout son talent de crooner. Ape-ifanys et Well Tempered Lament (appréciez les titres au passage) – deux instrumentaux planant entre jazz orchestral, exotica et musique de film – font la jonction avec la seconde chanson de l’album, Wishful Thinking, qui sonne comme du pur velours. Enfin, Désirée (Piano version), instrumental minimaliste et rêveur, apporte une conclusion idéale, tout en douceur.
Overtones for the Omniverse (Heavy Sheet Music/Bigwax). Sortie le 30 juillet.
>> À lire aussi : Anika est de retour avec “Change” (et ça valait le coup d’attendre)
{"type":"Banniere-Basse"}