Génies sans le vouloir ni l’avoir appris, personnages au destins délirants, musiciens du n’importe quoi : ce sont les « outsider musicians ». D’Hasil Adkins à Florence Foster Jenkins, portraits et extraits.
MINGERING MIKE
Mingering Mike est, sans nul doute, le plus prolifique des stars soul de l’histoire de la musique. Entre 1968 et 1977, le Washingtonois a conçu la bagatelle de 50 albums, au moins autant de singles, des bandes-originales de film, un hommage à Bruce Lee –en tout près de 200 disques, sur près de 35 labels lui appartenant tous. Mingering Mike est la plus prolifique des stars soul de l’histoire de la musique, mais vous n’entendrez sans doute jamais plus que quelques « morceaux » du bonhomme : l’œuvre de celui dont le véritable nom est Mike Stevens, la somme de ce très doux rêveur issu d’un ghetto américain moyen, est intégralement fictive. Ou n’est, du moins, que le fruit d’une imagination apparemment aussi cohérente que fertile : sans doute un peu dérangé du ciboulot, le garçon n’a fait que se concevoir une carrière de rêve, avec ses petits doigts et pas grand-chose de plus. Ses disques ? Des bricolages en carton, très élaborés, des pochettes dessinées avec ses petits crayons de couleur, feutres et tubes de gouache, comprenant des notes de pochettes précises et complètes, mais faisant souvent référence à d’autres inconnus complets (sa famille, ses copains), intégrant même des faux vinyles –en carton aussi, évidemment. Du pur art naïf, un univers intégral et passionnant, redécouvert en bloc au début des années 2000 par Dori Hadar and Frank Beylotte, deux collectionneurs flânant leurs passions obsessives dans un marché aux puces anonyme. Seuls quelques morceaux ont réellement été écrits et enregistrés par le bonhomme, et l’étrange greatest hits d’une star fictive a été publié, disponible sur la plateforme de téléchargement eMusic.
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Album disponible à cette adresse.
Quelques « morceaux » en écoute en cliquant ici.
WING
Les fans de la série se souviennent encore, la banane accrochée au visage, de l’épisode de South Park intitulé Wing. Cartman, Kyle, Stan et Kenny y décident de monter une agence de talent scout, se morfondent de leur échec quand le patron du resto chinois de la ville leur présente sa femme, Wing. Chanteuse affreuse dont la voix suraigüe et les chinoiseries hérisse-poils auraient pu briser en deux le Titanic avant même qu’il ne quitte le port, elle finit après moult rebondissements dans l’émission The Contender de Sylverster Stallone, où elle se fait démonter la gueule dans un combat d’anthologie, mais finit par gagner 4000$ en chantant au mariage de l’ex-Rocky. Rires.
Mais précision : dans le générique final, la voix de Wing est créditée à… Wing. Et l’histoire apparemment absurde de Tray et Parker n’est finalement qu’une légère adaptation d’un conte plus réel. Car, au grand désespoir des tympans fragiles, Wing existe réellement. Originaire de Honk Kong via la Nouvelle-Zélande, elle est une outsider musician devenue véritable vedette de la pop culture au quatrième degré. Avant cela, elle chantait dans des maisons de retraites –on ne doit plus compter les victimes de ses hululements horripilants. Après ses premiers vagues succès, elle enregistre des tonnes d’albums de reprises, toutes plus folles les unes que les autres, apparaît à la TV, est même invitée par la BBC pour ouvrir le Radio 1’s Big Weekend Festival.
SHOOBY TAYLOR
Pour découvrir William « Shooby » Taylor, l’une des petites star de l’outsider music, on vous conseillera de vous précipiter sur les vidéos ci-dessous. Né en 1929 en Pennsylvanie, mort à Harlem en 2003 après quelques années de disparition publique totale, le bonhomme a fait sa (grande) réputation sour le nom de « The Human Horn », soit « Le cor humain ». Et le cor humain recèle des trésor d’inventivité insoupçonnés, voire des organes totalement branques et inédits. Taylor fait ainsi de bien drôles de choses avec sa bouche, des trucs encore plus bizarres avec ses cordes vocales, une sorte de scat onomatopé et sens-dessus-dessous, des bruitages proche du nawak absolu, des morceaux qui ressemblent à peu près à pas grand chose, ou à des délires vocaux absolument fascinants. Ce qui ne l’a pas empêché de connaître sa petite heure de gloire, de passer à la TV, d’apparaître sur quelques disques de têtes plus fameuses que lui (The Ink Spots, The Harmonicats…), et d’enregistrer d’un album, le bien nommé The Human Horn, que les amateurs de bizarreries cultes se passent sous le manteaux, en MP3 surtout.
http://www.youtube.com/watch?v=4o7VqYPJrRY&feature=player_embedded
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