Les chansons dandys-rurales d’un couple voluptueux : avec les Français de 21 LOVE HOTEL, c’est Paris, Texas.
(Out Of The Blue)
21 Love Hotel, c’est un peu le saloon de Joan Crawford dans le film Johnny Guitare : une oasis de sophistication et de classe dans le grand désert américain. On a beau connaître par cœur ceux qui, dans ce sable hostile, continuent de dénicher des pépites pures – de Mazzy Star à Shannon Wright –, on continue de s’étonner : comment des chansons exténuées, en haillons, maltraitées, bourlinguées, peuvent-elles recevoir dans un tel luxe, une telle quiétude, une telle volupté ?
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Duo érudit, militant même de ce son dandy et effondré, 21 Love Hotel a aussi les défauts de sa culture massivement importée, fantasmée dans les romans, les films et les albums. Sa musique, aussi solaire que parfois scolaire, n’évite pas toujours les travers du spaghetti-western, vénérant sans doute avec trop de religiosité les saintes-écritures de Tucson ou les chroniques de San Francisco.
N’empêche : les Parisiens font partie de ces gens qui rêvent tellement fort que la réalité préfère rebrousser chemin, abandonnant le couple à ses belles chimères, ses rêves de grands espaces depuis une mansarde. Velours, strass, costumes froissés et murmures langoureux : 21 Love Hotel est bien un luxuriant lupanar entouré de cactus et crotales. Mais on a regardé ici autant Lynch que Peckinpah, autant écouté Portishead que Johnny Cash et on beau porter santiags et costumes de prêcheur, l’onirique, voire le paranormal, surgissent à tout instant dans ces natures faussement mortes, grouillantes de spectres et de trompes-l’oreille.
Souvent égrénées plus que jouées, psalmodiées plus que chantées, plus laconiques qu’ouvertement mélodiques, ces chansons jouent avec les nerfs, à la roulette russe avec le silence, musicien le plus bruyant de cette troupe. La climatisation à fond, ils font ensemble descendre la température de la chambre 21 au dessous de zéro – alors que les ébats restent torrides, tempétueux. Beauté diabolique des chansons de couples, qui ordonnent de rejoindre la valse des corps et transforment en voyeur. “Nos cœurs appartiennent à la tempête.” Dehors, lent et écrasant, l’orage explose enfin.
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