Alors que le rock semble avoir disparu des plateaux télé, notre journaliste François Moreau s’interroge sur les raisons d’une telle désertion.
“Pourquoi la musique ne passe plus à la télévision ?”, titrait-on en 2015. Sous-entendu : où trouver de l’indie rock à des heures décentes à la télé française ? À l’époque, notre ex-collègue Azzedine Fall avait eu la bonne idée d’aller poser la question à Stéphane Saunier, alors aux manettes de l’émission L’Album de la Semaine sur Canal+ – qui a depuis cessé d’émettre après 14 ans de bons et loyaux services en juillet 2018 –, de La Musicale – arrêtée en 2012 – et ancien programmateur de Nulle Part Ailleurs au mitan des années 1990.
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Parmi les divers éléments de réponse égrenés tout au long de l’interview, deux nous semblent centraux. Le premier : Saunier n’était pas tenu à des objectifs d’audimat précis. Le deuxième, sans doute le plus important : quand Rodolphe Belmer prend les rênes de la stratégie du groupe Canal+ en 2003, celui-ci demande expressément à l’ancien punk du Havre de réfléchir à de nouveaux formats d’émissions musicales. La persistance de la musique en général, et de la musique indépendante et anglo-saxonne en particulier, sur la chaîne cryptée était le résultat d’une décision venue de tout en haut. Il s’agissait donc d’une volonté affirmée de la direction.
Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Nulle part, ou presque. L’indie rock ne jouit plus d’aucune exposition télévisuelle, ou si peu : occasionnellement chez Taratata, une fois par mois, ou chez les amis de Echoes with Jenny Beth, excellent show retransmis malheureusement très tardivement sur Arte une poignée de fois par an seulement. Les labels anglo-saxons en France en font le constat : il n’y a plus de créneau, plus de lieux privilégiés pour offrir à une heure de grande écoute un peu de bruit, de fureur et de malice.
Même Quotidien ou C à vous – qui ont le mérite d’offrir un peu d’exposition live à des artistes parfois plus confidentiels sur un créneau access prime-time – ne s’aventurent pas à programmer des groupes étrangers : les gens zappent pendant les intermèdes musicaux, paraît-il, et le minutage (moins de trois minutes de show) ne vaut pas toujours la chandelle d’un déplacement onéreux.
Quelle ne fut donc pas notre surprise d’apprendre que Wet Leg, fleuron de l’indie made in UK du moment, ou que la jeune Londonienne Nilüfer Yanya allaient jouer sur le plateau du Late avec Alain Chabat, déclinaison française réussie des late shows à l’américaine, sur TF1. L’espace de deux minutes, on s’est mis à rêver d’une autre télévision, ouverte sur la culture et ouverte sur l’ailleurs, loin des abjections de 20 h sur C8. Une bonne nouvelle même si la fête ne devrait pas durer, l’émission du pote Chabat ne ressemblant pour l’heure qu’à un one-shot prodigieux, voué à ne pas être réitéré. Il n’empêche, de la même manière qu’il suffirait que les gens ne regardent pas Hanouna pour qu’Hanouna n’existe plus, un seul type bien intentionné suffirait pour décider que la musique indie a droit de cité à la télé.
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