Avec « Garden of Delete », le producteur Américain crée un arc électrique reliant les années 1990 aux années 2050. Critique.
Difficile d’accès, le nouveau dédale de Daniel Lopatin ? Pourtant, l’architecte électro multiplie les portes d’entrée : sur le web fleurissent de ludiques balises à mi-chemin de la pop-théorie savante et de la blague méta. Garden of Delete serait inspiré par une rencontre avec l’extraterrestre Ezra, qui donne son nom à un titre en effet très X-Files. Ou bien : il s’agirait d’un hommage à Kaoss Edge, groupe “hypergrunge” fictif mais en écoute sur SoundCloud. Et il puiserait sa source cryptée au cœur des années 1990.
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De fait, l’influence de Nine Inch Nails, avec lesquels l’artiste a collaboré et tourné, se fait sentir au fil d’un disque qui relie la décennie du grunge et de l’indus à un saisissant futur. Au milieu de cet arc, l’auditeur se retrouve traversé par un stream of unconsciousness délivré par le plus joycien des musiciens. Car ce Garden of Delete est aux gimmicks des nineties ce que le livre de Joyce, Finnegans Wake, est au folklore irlandais : une extrapolation soûle, un miroir déformant, un mash-up érudit, drôle et flippant.
Pour rester dans l’analogie littéraire, on remerciera Lopatin d’offrir un stupéfiant équivalent musical aux labyrinthes d’un Mark Z. Danielewski. Comme l’auteur de La Maison des feuilles, Oneohtrix est un artiste contemporain d’une folle ambition formelle, doublé d’un essentiel inventeur pop.
De son geste, on sent d’abord les coups de hache – ces cuts qui ne nous ménagent en rien –, puis le travail d’orfèvre : beats sculptés, compositions qui semblent s’égarer pour mieux retomber sur des pattes entre-temps devenues ailes. Freaky Eyes et ses interférences, ou Sticky Drama en tube mutant, possèdent un incroyable pouvoir de reconfiguration. L’histoire secrète de notre ère tient là son chef-d’œuvre.
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