Bloodsugarsexmagik avait eu le rare mérite de conjuguer la brutalité et l’imagination. One hot minute, de bruit et de fureur banals, assure le minimum syndical d’inspiration. Il existe une raison indiscutable à considérer la sortie du nouvel album des Red Hot Chili Peppers avec la vigilance inquiète du démineur mis en présence d’un colis suspect. […]
Bloodsugarsexmagik avait eu le rare mérite de conjuguer la brutalité et l’imagination. One hot minute, de bruit et de fureur banals, assure le minimum syndical d’inspiration.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il existe une raison indiscutable à considérer la sortie du nouvel album des Red Hot Chili Peppers avec la vigilance inquiète du démineur mis en présence d’un colis suspect. Pendant les quatre années que nécessita sa réalisation, la planète s’est soudain mise à grouiller de vaines copies encouragées par le succès de Bloodsugarsexmagik et dont il a fallu éponger les incontinentes démonstrations de force, accuser réception des holocaustes sonores, dresser rapport des homicides par décibels. Toutes ces Lollapalouseries à trois joints, ces groupes dits de fusion auront -avec la ferveur décomplexée de Wisigoths à qui l’on offre un village en pâture-joui du bref plaisir de l’incendiaire avant de disparaître. Que restera-t-il demain des pauvres combustions de Clawfinger, Silmarils ou Whale ? Rien. One hot minute arrive ainsi sur le champ encore fumant des exactions commises par ces consciencieux élèves en balistique qui ajoutèrent le boucan au bruit et assortirent le vide au néant.
De ce nouveau Red Hot Chili Peppers, nous espérions au moins qu’il nous dédommage, qu’il paye à nos oreilles l’indemnité due aux victimes d’un terrorisme flatté par latine fleur du marketing et donne, sinon un sens, tout au moins une justification aux ravages ostentatoires de musiciens qui ont élevé l’efficacité au rang des vertus artistiques cardinales. Si Bloodsugarsexmagik avait eu le rare mérite de conjuguer la brutalité et l’imagination, su trouver un rusé équilibre entre agression et séduction, celui-ci rentre dans le rang du bruit blanc. Foin de ces païennes ritournelles montées à cru à dos de guitares acoustiques ébrouant leurs cordes comme des crinières de centaures et qui ravivaient par contraste ces tranches de funk cuites à la barbare. Nous attendions une pointe de folie pour crever l’aliénant barouf des suiveurs, nous voici en présence d’un album carré comme une division romaine, un monstre, comme on dit dans le métier, qui – pour peu que l’on oubliât que ce groupe s’illustra par le passé en montant à poil sur scène, la quéquette habillée d’un bas de laine – se révèle vite un monstre de conformisme.
Ces Red Hot Chili pépères -là trahissent la paternité croisée des Mothers of Invention et de Funkadelic, influences qu’ils caressent ici et là (Aeroplane, Walkabout) sans jamais en violer l’esprit, ni dépasser la forme. Les insultes et la stupidité affichée sur Plea sont fatigantes, les ballades Tearjerker ou My friends prévisibles comme le vent d’ouest sur les côtes d’Armor. Apparaissent les limites d’auteur, l’exiguïté du chant d’Anthony Kiedis, l’absence maladive de sensualité. D’avoir fait poireauter leur public aussi longtemps devrait concéder à ces professionnels toutes les indulgences dues aux grands fauves du rock. Qu’ils rugissent après quatre ans de sommeil, et le critique devrait se sentir obligé d’applaudir. Eh bien, non. Des Red Hot Chili Peppers, il en pleut par moussons. Rien que dans la cave de l’immeuble du coin, il y en a douze qui répètent. Et qui, même pour rien, font encore plus de bruit.
Francis Dordor
{"type":"Banniere-Basse"}