Hier soir, Yo La Tengo investissait la scène parisienne du Bataclan. Le trio en provenance du New Jersey nous servait double dose – set acoustique puis électrique – lors d’une soirée exceptionnelle. On y était, on vous raconte.
Lundi 18 mars,19h30. L’excitation de retrouver le trio américain sur la scène du Bataclan nous taraude depuis plusieurs mois mais cette fin de journée a été entachée par la triste annonce de la disparition de Jason Molina, le leader de Magnolia Electric Company. Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew nous réconfortent dès 19h50 avec un set semi-acoustique. Pour cette nouvelle tournée qui vient couronner (déjà) 29 ans de carrière, Yo La Tengo se charge aussi de la première partie.
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L’obsédante Ohm, subtile pop song qui ouvre leur treizième album Fade, plonge le public droit dans la mélancolie avec ses paroles autant combatives que résignées : « We try not to lose our hearts, not to lose our minds« . Comme si la beauté contenue par leurs morceaux n’était pas suffisante, la timidité (et l’humilité) dont ils font perpétuellement preuve les rend touchants et proches du public. Jouée en 1990 lors de leur premier concert à Paris, Did I Tell You – la plus parfaite des déclarations d’amour, issue de l’album New Wave Hot Dogs (1987) – résonne une nouvelle fois dans la capitale pour le bonheur de spectateurs incapables de réprimer quelques cris de joie. On profite pleinement de cette mélodie qui rappelle autant The Verlaines que le Velvet Underground.
Avec l’enchaînement des intimistes The Point of It, Cornelia and Jane et I’ll be around – trois morceaux de leur dernier album Fade – la délicatesse de l’écriture du trio américain est encore plus poignante. La dextérité et la retenue du jeu de guitare d’Ira Kaplan contribue aussi à rendre le moment un peu plus magique. On décide alors de ne plus compter les frissons dont on sera victime. Le moindre répit laissé par le groupe est comblé par des salves d’applaudissements nourris et chaleureux. Après une trentaine de minutes Nowhere Near vient clore cette première partie semi-acoustique et l’electricité s’invite progressivement dans le concert.
21h. Après leur premier set à dominante acoustique, voilà la scène aménagée pour subir les épopées éléctriques de Yo La Tengo. L’efficace et noise rock Paddle Forward ouvre cette seconde partie du concert. On retrouve ensuite avec tendresse Stockholm Syndrom – durant laquelle le bassiste James McNew chante – ce qui permet à Ira Kaplan de se laisser aller à des embardées de guitares dissonnantes et torturées. Sur disque comme sur scène, l’habileté et la facilité avec laquelle le trio américain passe d’un style à un autre est assez unique pour être signalée. On aura donc droit à l’électronique Autumn Sweater – issue de l’album I Can Hear the Heart Beating as One (1997) – avant de sombrer avec jubilation au coeur du sombre noise-rock d’Electr-O-pura (1995) avec Flying Lesson (Hot Chicken # 1) puis d’enchaîner avec la dissonante From Motel 6 issue du ténébreux Painful.
Les interprétations des imparables Is That Enough, Before We Run, puis une nouvelle fois du morceau Ohm – en version électrique et progressif – sont de nouvelles preuves que Yo La Tengo tient la distance avec ce treizième album. Ira Kaplan en profite alors pour flanquer sa guitare par dessus son épaule, la tenir par le manche, avant de se contorsionner afin de la gratter hargneusement pendant plusieurs minutes. L’ex-chroniqueur musical rayonne même si on le soupçonne d’avoir perdu certains spectateurs en route. Pas beaucoup, puisque après avoir quitté la scène parisienne le trio du New Jersey revient pour un ultime rappel.
A la manière du Freewheeling Tour de 2009, Ira Kaplan demande à un spectateur proche la scène ce qu’il souhaite entendre avant de dégaîner une reprise énergique et joyeuse de With a Girl like You ? des Troggs. Les chansons folk Summer et Griselda, tirées de Fakebook (1990), permettent de retoucher terre dans le calme. Le concert se termine en apothéose avec Big Day Coming. Ira Kaplan ne peut s’empêcher de réprimer un sourire communicatif. On aurait bien passé la nuit en leur compagnie mais l’heure est à la séparation… Aussi pénible et difficile que de laisser partir un ami après d’intenses et trop courtes retrouvailles.
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