Contre vents et marées, en ce premier week-end de juin, on a assisté à la onzième édition du festival parisien amputée d’une partie de sa programmation à cause des intempéries. Récit des soirées sauvées de jeudi et dimanche, sans vraies déceptions et pleines de bonnes surprises.
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Jorja Smith nous échappe
Pour inaugurer notre premier festival de l’année, on s’est faufilé sous le chapiteau de We Love Green qui exhalait déjà la chaleur d’une foule compacte, commençant à entonner le nom de la starlette britannique. Sous un bouclier de cris, Jorja Smith sillonne son album Lost & Found (2019) à grands coups de tubes comme Teenage Fantasy ou Be Honest. Mais le charme fonctionne moyennement (pour ne pas dire pas du tout) sur nous, qui commençons à plisser les yeux en se demandant pourquoi la chanteuse reste aussi lymphatique au fil d’une performance ennuyeuse qu’on a fini par suivre de loin. JP
Gorillaz, tout feu tout flammes
Gorillaz fait désormais partie des incontournables, des icônes, des classiques – même si ce groupe “virtuel” et foisonnant reste évidemment inclassable. On nourrit donc quelques espoirs pour le concert. Au-delà de nos espérances, la bande britannique la plus en avance sur son temps mène un show considérable et déroule le tapis rouge à sa carrière, de Last Living Souls et du fameux Feel Good Inc. (issu de Demon Days, paru en 2005) à Strange Timez (figurant sur Song Machine: Season One – Strange Timez, dernière livraison de 2020), en passant par Clint Eastwood (sur l’inaugural Gorillaz datant de 2001) ou encore Stylo, On Melancholy Hill et Rhinestone Eyes (extraits de Plastic Beach en 2010). Le tout orchestré par un Damon Albarn plutôt en forme, vêtu d’un survêt’ rose assorti à ses lunettes de soleil et à sa casquette et qui lâche à n’importe quelle occasion des checks aux premiers rangs surexcités. Entre interludes au piano et plongées sur écran géant dans leur légendaire univers échappé d’une bande dessinée rétrofuturiste, Gorillaz finit par écumer les feats (peut-être un peu trop) avec, entre autres, Fatoumata Diawara et Bootie Brown. Un vrai rêve de gosse. JP
Moderat, magiciens électroniques
Difficile de quitter Damon Albarn et son orchestre plus de trente minutes avant la fin officielle mais on le sait : le set de Moderat, duo formé par Gernot Bronsert et Sebastian Szary de Modeselektor et Sascha Ring alias Apparat, est à apprécier du début à la fin. À l’image du récent album du groupe, More D4ta, Moderat réconcilie (presque) tout le monde sur le spectre électronique : des puristes techno aux clubbers un peu moins expérimentés. “J’ai le cœur qui bat”, souffle un jeune garçon à son pote lors de l’intro (sublime) du trio. Le cœur qui bat, certes, mais pas de façon régulière : on monte très vite lors d’impeccables transitions suivies des beats techno effrénés, puis, brusque descente, lorsque Sascha Ring chope son micro pour des incartades mélodiques dont lui seul a le secret. Lorsque le groupe entame son dernier morceau, l’indémodable A New Error, on frôle l’arrêt. EH
Floating Points, la boum avant la tempête
En allant voir Floating Points un samedi à l’heure du soft, juste avant celle de l’apéro, on s’imaginait glisser dans la torpeur bienfaisante à laquelle nous avait habitués Sam Shepherd entre Elaenia (2015) et Crush (2019). L’an dernier, le producteur britannique nous a également bluffé·es avec Promises, une triple collaboration époustouflante aux côtés du saxophoniste de jazz Pharoah Sanders et de l’orchestre symphonique de Londres. Mais c’est tout l’inverse qui s’est produit. Floating Points a attelé son set à Grammar et Vocoder, ses deux nouveaux singles, pour envoyer des basses qui tabassent et galvaniser la foule agglutinée sous les boules disco. Si la première heure contenait un sacré lot de réjouissances, quasiment techno et idéales pour amorcer un bon début de soirée, la seconde partie du set s’est soudainement assoupie. S’embourbant dans des contrées peu maîtrisées (du zouk, par exemple), Floating Points s’est retrouvé un peu essoufflé. L’Anglais a clôturé son concert juste avant que le temps ne tourne à l’orage apocalyptique et conduise à l’annulation des festivités du samedi soir, à commencer par le retour attendu de Phoenix à Paris, après deux premiers concerts à Nîmes et Art Rock. JP
Wet Leg, sans faire de vagues
C’est un peu par surprise que Wet Leg a rejoint la programmation de la dernière journée, les deux amies de l’île de Wight remplaçant au pied levé Girl in Red sur l’impressionnante Prairie, plus grande scène du festival. Si une bonne partie de l’auditoire semble découvrir le duo anglais, pour beaucoup, la surprise est belle. Après avoir balancé Being In Love, dont les notes de guitare viennent agir sur le public comme une décharge électrique, le groupe enchaîne les tubes (Chaise Longue, Wet Dream, Ur Mum) issus de leur premier album et se permet même de dévoiler deux titres inédits. Mais l’intensité retombe vite, trop vite. Alors que la pluie s’invite (encore) en milieu de concert, Rhian Teasdale et Hester Chambers semblent se cacher derrière leur guitare et laissent paraître une certaine timidité, touchante certes, mais tout aussi frustrante : on sent que, ce jour-là, le tandem avait beaucoup plus à offrir. EH
Arlo Parks, décollage imminent
Entre les instruments enrobés de fleurs de toutes les couleurs, la Londonienne débarque en s’excusant pour son accent british alors qu’elle débite un sémillant discours de bienvenue dans un français parfait. Sur son premier disque, Collapsed in Sunbeams, paru l’an dernier, la chanteuse de 21 ans conte les désillusions et la morosité de l’adolescence arrivée à maturité avec une voix enchanteresse qui s’immisce entre les interstices pop et jazz. Pourtant, ces incartades jazzy peinent à faire décoller le concert et laissent une Arlo un peu engourdie traverser la scène de long en large, bien agrippée à son micro. Le public gondole légèrement et se distrait quand la pluie se (re)met à tomber. Alors, de son français impeccable, Arlo Parks motive les troupes pour chanter haut et fort Caroline puis fait défiler ses meilleurs titres comme Hurt accompagné de son passage parlé-chanté à la Patti Smith, Hope et son piano envoûtant ou encore le nuageux Black Dog, avant de finir en beauté sur son nouveau single, le superbe Softly. JP
Juliette Armanet, un peu, beaucoup, à la folie
Sur un deuxième album qui n’aura échappé à personne depuis sa sortie à l’automne 2021, Juliette Armanet met en relief l’amour sous toutes ses coutures avec un piano et une flambée disco, sans jamais se vautrer dans les excès, ni la mièvrerie. Ceci dit, on ne s’attendait pas à ce qu’elle prenne son titre Brûler le feu au pied de la lettre et embrase le chapiteau de We Love Green en rockstar éblouissante. Sans perdre de vue son élégance, la chanteuse lilloise mène la danse dans tous les sens et éclabousse le début de soirée en sillonnant son répertoire, de Qu’importe à L’Amour en solitaire en passant par L’Indien ou À la folie, scandé par une foule hystérique qui redouble d’efforts sur le désormais célébrissime Dernier jour du disco. Filant la métaphore jusqu’au bout, la reine de la soirée finit par brandir une véritable flamme qui aurait pu ne jamais s’éteindre. JP
Shygirl, shine girl
Plutôt surprenant de voir la Londonienne débarquer sur la scène Lalaland, dominée depuis le début du festival par d’implacables sets house et techno (cf. Floating Points et Sofia Kourtesis). Mais dès les premières notes, on comprend : devant un public chauffé à blanc, la chanteuse frappe très fort en alternant morceaux R&B et tubes électroniques, le génial mélange de ses deux EP Cruel Pratice, puis Alias. De quoi aussi tester, sans trop prendre de risques au vu des cris stridents résonnant à chaque fin de morceaux, quelques singles de son premier album, Nymph, à paraître fin septembre. Cheveux multicolores, aussi à l’aise et souriante qu’on peut l’être, glissant au public quelques blagues bien amenées : Shygirl rayonne et vient aisément confirmer sa réputation de reine des dancefloors. EH
Sofia Kourtesis, disco groove
La DJ avait la lourde tâche de remplacer Grimes, qui avait annoncé quelques jours avant le festival son besoin de repos. Après une énième averse, le soleil revient ; prenant un plaisir évident, la Gréco-Péruvienne se déchaîne derrière ses platines et inonde la piste d’ondes disco, afro et tropicales. Visiblement réjouis par ce moment lumineux, deux garçons font irruption sur scène et improvisent quelques pas de danse, bien que très rapidement interceptés par la sécurité. Scandalisée, Kourtesis surgit de derrière ses platines, s’interpose, et permet aux deux lascars de poursuivre leur joyeuse chorégraphie. Sauveuse. EH
Slowthai en roue libre
Ce sale gosse allait forcément retourner la baraque. En plus, on viendrait l’aider. L’an dernier, le lascar d’outre-Manche a lâché TYRON, un second album jalonné d’invités de luxe comme Skepta, A$AP Rocky, James Blake ou Denzel Curry (pour ne citer qu’eux) qui a remporté tous les suffrages. C’est donc un Slowthai gonflé à bloc qui parade sur scène torse nu, le corps blindé de tatouages, en balayant ses tubes – Cancelled, Mazza, Feel Away et Doorman en tête. Le temps d’inviter Shygirl pour un featuring un peu gênant (elle, totalement impassible et lui, complètement allumé) et de parfaire sa collection de provocations (le micro dans le pantalon, évidemment), l’énergumène se désape sous une salve de cris amusés et finit par danser en caleçon sur Barbie Girl de Aqua. Avant de se tirer en coulisses comme si de rien n’était. Du grand Slowthai. JP
La transe de Bicep
Entre une boue épaisse au sol rendant chaque pas plus difficile et une foule déjà très agitée en ce début de soirée, difficile de se frayer un chemin jusqu’au grand chapiteau pour y écouter Bicep. Mais une fois rentré, impossible de s’en extirper. Le duo irlandais plonge la foule dans une étrange et heureuse communion lors d’un set chirurgical, mêlant morceaux house, beats techno et des envolées mélodiques qui nous laissent tous encore un peu rêveur·euses. EH
PNL, en terrain conquis
À peine remis de deux concerts dantesques à l’AccorHotels Arena, PNL retrouvait le public parisien. Difficile de se tromper en entendant, au loin, les premières mélodies vaporeuses du duo, qui en 2015, venait gentiment bousculer le rap game avec un premier album d’un genre nouveau. Assurément l’un des concerts les plus attendus ce soir-là, PNL joue à domicile. Accompagnés par une scénographie impressionnante, Ademo et N.O.S. déroulent leur dernier album, Deux frères, avec sérénité (presque trop ?). Une prestation aux allures robotiques qui prend un peu plus d’épaisseur lorsque le duo décide d’entonner un vieux classique (Le Monde ou rien) venant au passage nous rendre un peu nostalgiques des premières (et meilleures) sorties du groupe. EH
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