Les Nantais viennent de sortir un nouvel album, et jouaient hier soir au Trianon, à Paris. Une grand-messe de l’absurde avec des bodybuilders, du sang et un canard empaillé. On y était, on vous raconte.
La première partie de Sexy Sushi s’appelle Strasbourg, et constitue effectivement une bonne introduction au duo Nantais : pendant une demie-heure, on est plongé de force dans l’enfer d’une pop torturée, dissonante, foutraque, sombre, mal élevée. Un violon strident vient régulièrement massacrer nos pauvres tympans, sur des textes scandés douloureusement. On se croirait dans un tableau de Munch. C’est pas la joie. Voilà, la cacophonie est passée, l’absurde a pointé le bout de son nez. Sexy Sushi peut débarquer tranquillement. Depuis 2004, Sexy Sushi a publié une dizaine de disques, et c’est sans compter les side-projects de Rebeka Warrior (Mansfield. TYA) et Mitch Silver (College). Avec le temps, on s’est habitué à leur grossièreté, leur manque de manières, leur provoc’ pas méchante mais qui, au premier abord, fait sursauter. Dans Vous n’allez pas repartir les mains vides ?, leur dernier album sorti récemment, on peut entendre ces beaux vers de poésie blessée, de fragilité à peine masquée : « Je refuse de travailler/Ca me prend beaucoup trop de temps/J’en ai besoin pour baiser, me droguer/En espérant que du pognon va tomber/Du ciel abondamment ».
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Mais le masque est tombé depuis longtemps. Derrière l’hyperactivité et un vocabulaire peu châtié : les crocs de l’absurde, le vide, domptés en musique avec l’énergie du désespoir. Et sur scène, la même chose. C’est punk, c’est electro, mais c’est surtout n’importe quoi. Le décor ? Un canard empaillé suspendu, et aussi trois grandes croix en polystyrène, dont une est flanquée de l’inscription « Jardin des plaisirs ». Elles finiront d’ailleurs bien vite dans la salle, déchiquetées par une meute excitée de joyeux pogoteurs. Le public est d’ailleurs à l’image du groupe : on y croise, outre des cheveux coiffés en crête (qu’on ne compte pas parmi les bizarreries), des serre-têtes-oreilles de lapin, des masques-groin de cochon, un t-shirt « Enfant de putain/Salope ta mère », un gros os en plastique, des perruques, et même un pull attaché autour d’un col de polo, comme les politiques en balade dans les régions. Le show commence d’ailleurs par J’aime mon pays, cette farce violente cachée derrière une fausse potacherie.
Ensuite, le bordel. Rebeka, le visage peint en bleu, se fout à moitié à poil, fait venir des bodybuilders sur scène, flatte le public, l’insulte, se jette dedans, danse de façon grotesque, se roule par terre, étire ses chansons de façon insensée, ou au contraire les ampute complètement de leur structure. Il fallait bien que ça arrive : elle se blesse la main en frappant le canard empaillé. Elle gémit, se tourne vers un spectateur du premier rang, lui dit : « Lèche mon sang ! » Puis : « J’ai le Sida ! » Voilà un peu l’humour pas propre de Sexy Sushi, rejoint sur scène par une partie du public en liesse. Une fille embrasse alors Rebeka à pleine bouche, pas trop loin des tubes Sex Appeal et Petit PD. Une bière à la main, un mec veut se jeter du deuxième balcon. Rebeka : « Saute ! Saute ! Allez, personne l’a jamais fait ! Saute ! » Mais il est retenu par un spectateur plus sain d’esprit. Pas facile, en effet, de ne pas s’inquiéter pour sa santé mentale pendant un concert de Sexy Sushi, où la musique ne semble qu’un prétexte pour crier la mort, sortir de soi et répandre la folie avec une jouissance sans limite aucune.
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