L’édition 2014 du festival toulousain Rio(t) Loco a cette année particulièrement bien porté son nom, avec un décollage turbulent sur une grève des intermittents, avant de mettre le cap sur les Caraïbes.
Le mercredi 11 juin, au moment de l’inauguration, un groupe se réclamant de la lutte en faveur de la révision de l’accord entre syndicats et patronat autour du statut des intermittents envahit les scènes installées sur la Prairie des Filtres. Ils veulent reprogrammer le festival et exigent que seuls deux groupes sur quatre se produisent. La direction refuse d’obliger la moitié des musiciens à rester sur le carreau. La soirée est annulée et le site fermé au public.
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Il faudra attendre une autre occasion pour applaudir le virtuose de la harpe colombienne Edmar Castañeda, le Garifuna Collective du Bélize, le salsero vénézuélien Oscar D’León, ou la prometteuse réunion anglo-colombienne initiée par Adrian Sherwood et le producteur Diego Gómez, Dub de Gaita.
Le lendemain, à l’issue d’un vote réunissant les organisateurs du mouvement et les intermittents du festival, il est décidé de lever la grève générale en imposant la gratuité. Ce que le maire accepte juste avant l’ouverture des portes. Le public découvre alors un site où les œuvres d’artistes plasticiens des Caraïbes se mêlent aux panneaux de revendications de la Coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées.
Les concerts sont raccourcis d’un quart d’heure pour laisser le temps aux grévistes de prendre la parole. Les plaintes des intermittents cohabitent avec le calypso des Costaricains de Kawe Calypso, le joropo des Colombiens de Cimarrón, la cumbia punk des Espagnols de Che Sudaka et le funk tropical des Anglo-vénézuéliens de Family Atlantica.
Le lendemain l’atmosphère s’alourdit. Certains manifestants veulent revenir à la grève totale, les commerçants, qui ont payé leur droit d’entrée entre 300 et 4 900€ et seraient contraint de jeter leur stock quotidien de nourriture sont prêts à en venir aux mains, les CRS attendent l’ordre du préfet pour intervenir. Le directeur de Rio Loco, Hervé Bordier, maintient le dialogue avec toutes les factions. A force de négociations, il obtient la poursuite du festival dans les conditions amorcées la veille.
Le périple caribéen reprend sa course à travers le blues guatémaltèque de Gaby Moreno, l’electro-jarocho des Mexicains de Sistema Bomb, la salsa colombienne de Yuri Buenaventura ou le latin jazz du panaméricain Danilo Perez. Samedi, le public s’est habitué à voir les représentants du mouvement social interrompre les concerts, une partie de la foule les accueille avec sympathie, une autre se plaint du manque de mise en scène des discours.
Succédant aux implacables musiciens de cumbia mexicaine de Celso Piña y su Bonda Bogota, les Colombiens de Sistema Solar enflamment la prairie avec leur cumbia digitale relevée de hip-hop. Le rythme est soutenu, les DJ’s envoient leurs meilleurs mixs, le percussionniste redouble de ferveur. Les MC’s, vêtus comme des descendants de Sun Ra, sautent comme des puces et les banderoles des grévistes ondulent en cadence.
Le dernier jour, deux formations se distinguent. Le Guyanais Prince Koloni, accompagné par les tambours de Fondering et soutenu au chant par Marcel et Orniel Siwo, délaisse la tentation reggae love dans laquelle il a parfois succombé, au profit de rythmes sautillants et d’harmonies vocales gracieuses. Rendue à son état naturel, la musique aléké des descendants d’esclaves bushinegué séduit, tout comme la salsa urbaine sans fioritures inutiles des Colombiens de La-33 qui clôt les festivités sur une note joyeuse.
L’an prochain, nul ne connaît le sort qui sera celui des intermittents, mais Rio Loco compte proposer pour ses 20 ans un best-of de deux décennies de liesse populaire et métissée.
Photos Clovis Gauzy
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