Du 13 au 15 juillet, l’Américain était en résidence au Montreux Jazz Festival où il a donné trois concerts trois soirs de suite. On y était, on vous raconte.
« My daddy used to say : change is good » (« mon père m’a toujours dit : le changement, c’est bien« ) confia Prince un soir d’été 2007. Un précepte suivi à la lettre, d’abord tous les ans, à l’âge d’or, de 1978 à 1989, puis sporadiquement. 1994 et sa « Beautiful experience » où comment présenter en club (Bataclan) une setlist constituée de morceaux inédits. Quelques années d’errance plus loin, The Rainbow Children, disque manifeste de sa conversion aux Témoins de Jévovah, sorti en catimini sur le net fin 2001, en écho à Voodoo de D’Angelo. De la tournée One Night Alone qui suit, l’on retient des aftershows survitaminés (Bataclan, bis) et une inclinaison pour le jazz crooner. Et puis le trou noir discographique ou presque (quelques perles sur des disques dispensables). Mais toujours, ces concerts, guitare au poing, de clubs en arènes ou en stades, grands messes pour un public quarantenaire. Un large répertoire, fruit d’années de studio (réécouter Prince alone in the studio, de Smog), dispensé généreusement au gré des dates. Deux Montreux déjà, en 2007, 2009 (excellent cru en quatuor orienté jazz fusion). Un aftershow au New Morning entré dans la légende (3h45, son plus long concert) en marge de tournées européennes. Le fan ne boudait pas son plaisir mais se faisait une raison.
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Et puis il y eut Montreux 2013. Trois dates précédées d’un live stream quotidien, diffusé sur le net. Au menu : répets et concerts en direct ou différé de Paisley Park (son Graceland, à Minneapolis) qui distillaient des indices sur cette fameuse « new directions in music » chère à Miles Davis, locataire de Montreux entre 1973 et 1991.
Confirmation dès le premier des trois concerts à l’auditorium Stravinski. 20h15, rideau levé sur une toute nouvelle mouture du NPG, son groupe, en version big band. Une troupe de 22 musiciens (dont 11 cuivres) qui jazzifient un fond de tiroir justement oublié. Entrée en trompe l’œil avant que le lutin corseté de noir n’impose en majesté sa nouvelle coiffure Afro millésimée 70’s sur Days of Wild, hymne grunge funk, qui ouvre les vannes d’un show millimétré et rutilant de 2h10. Prince le multi-instrumentiste laissait ici la place à Prince le chef d’orchestre. Comme si, à 55 ans, il assumait enfin de jouer la partition du Duke (Ellington), à qui Miles Davis, encore lui, le comparait au crépuscule des 80’s.
Sur une setlist totalement renouvelée, alternant joyaux méconnus (Old Friends for Sale, Extraloveable…), hymnes funk (Mutiny, Musicology) et clins d’œil à la Great black music (reprises de Curtis M, James B, Aretha F…), Prince le meneur de revue réinventait live ‘n direct l’émission Soul Train sur les rives du Lac Léman. Excepté 1999, un seul hit, au final : Purple Rain, chanté en hommage à Claude Nobs, Monsieur Montreux, décédé l’an passée.
De l’instrumentiste, nulle trace. Pas l’ombre d’une six cordes, à peine quelques rimshots joués ci et là sur des drums pads. Le fétichiste devra patienter jusque 3h30 du matin pour voir son vice assouvi : Prince à l’orgue et à la guitare en clôture d’un set poussif du bassiste Larry Graham, ex-bassiste de Sly Stone. Dix courtes minutes de présence sur scène, comme pour justifier les 80 euros déboursés par quelque 1000 couche-tard.
Rebelote le lendemain pour un second concert parsemé de hits cette fois (Raspberry Beret, Nothing Compares to You). Le groupe gagne en fluidité, s’autorise quelques jams (Partyup), c’est tight. Mais la dynamique est brisée par des allers-retours répétés en coulisses. Cette nonchalance fait grincer. Fin du concert : pas d’aftershow en vue. Prince réunira sa troupe au Jazz Club attenant pour une soirée privée dont il se murmure qu’un concours de horns récompensa d’une pluie de dollars (pourpres ?) l’un des souffleurs. Mythe ou réalité ?
Exit les vents, ou presque, pour clôturer, le troisième soir, la résidence. Le guitariste est de retour, en formation resserrée. Son trio de filles, les 3rd Eye girls, réinterprète avec lui 1h30 durant son répertoire le plus rock (Bambi, Endorphine Machine), ralenti à l’occasion (Let’s Go Crazy, I Could Never Take…). Quand il ne maltraite pas sa guitare, Prince réhabilite des raretés (The Max, au piano) et diabolise son répertoire le plus récent (Dreamer). On se dit que c’est fini. Mais non. L’aftershow, c’est maintenant, sur la même scène. Prince, chapeauté, est de retour. Il s’installe au clavier, talonné par les onze souffleurs, et entame une ballade inédite, The Breakdown, avant de lancer le sampler set. Un pot-pourri de tubes qu’il chante façon Karaoké, défouloir pour public en mal de Top 50. Sauf que la kermesse de la Trimouille se transforme en party like it’s 1999, public sur scène, musiciens s’intercalant aux samples pour rejouer live, solos à l’appui, les tubes (When Doves Cry, Sign of The Times). Jusqu’au final, Housequake, extatique, joué foutraque comme si la vie en dépendait. Ce soir, il y eut le feu au lac.
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