Phoenix, c’est confirmé, est un groupe énorme et adulé aux Etats-Unis : récit d’un concert donné dans une immense vague d’amour à Central Park, New York, le 25 septembre.
Ils les ont vus à la TV. Comme Coldplay ou U2 avant eux, chez Dave Letterman, ou dans une pub pour une Cadillac, ou chez Jimmy Kimmel, ou dans le Saturday Night Live. Ils les ont lus dans la presse internationale, ont bu comme un petit lait au miel les dithyrambes absolus réservés à Wolfgang Amadeus Phoenix. L’ultra-crédible Pitchfork est leur bible de la coolitude, leur référent absolu du bon goût –et Pitchfork ayant fait des froggies leurs grands chouchous, les coeurs des zélateurs du site leur réserve aussi une place de choix. Ils ne sont pas venus voir Air French Band, ils sont venus voir Phoenix. Phoenix tout court : Français ou pas, dans l’hexagone ou sur le territoire US, un groupe considéré, c’est désormais confirmé et officiel, comme l’un des plus cool du monde.
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La tournée US des bonhommes est, logiquement, méchamment sold out. Après Los Angeles, Las Vegas, Denver ou Chicago notamment, elle passe ce soir et le lendemain par New York. Pas n’importe où, lieu symbolique : Central Park. Le centre illuminé du monde occidental, d’une certaine manière -et ce soir, le centre du monde leur appartient. Le concert se déroule dans le cadre du festival Summerstage, en plein air, dans le Rumsey Playfield. Là encore, des aînés pas trop médiocres y ont fait, avant eux, leurs gammes bruyantes ; Sonic Youth, Patti Smith, les Yeah Yeah Yeahs, Bowie sont déjà passés par là. L’endroit est grand. Une fosse imposante, cernée de gradins. Vues de la scène, au loin, derrière les hectares de pelouses et de végétations du plus beau parc du monde, les dantesques skyscrapers de Manhattan.
Le terrain de jeu est, évidemment, bondé. Et électrique. Les gens ne sont pas là par hasard. Ils ne sont pas venus voir une bête curieuse, ils ne sont pas venus goûter à l’exotisme délicat d’un groupe rock venu de France, ou alors à la marge : ils sont venus voir un groupe qu’ils aiment, qu’ils chérissent, qu’ils connaissent, qu’ils supportent. Le public ressemble à ce que pourrait être le public de Phoenix en France : des jeunes filles mignonnes, des jeunes filles moins mignonnes, des moins jeunes filles mignonnes, des moins jeunes filles moins mignonnes, et à peu près la même chose avec les garçons. Un groupe pop, donc, pour petits et grands individus, pour petits et grands espaces.
Les âmes sont visiblement excitées. C’est Lisztomania qui ouvre le bal. On s’inquiète des premières mesures : le son semble faible, mollasson, pas au point, le groupe pas instantanément entré dans le combat. Pain technique, nous expliquent les garçons plus tard. Mais on se rassure vite. Très vite, même. Comme une jolie petite cocotte minute, tout explose dès le premier refrain, et la pression ne retombe plus : le groupe, son son, le public béat et chauffé à blanc, tout semble pris dans le tourbillon sucré d’un bonheur en caramel. Sans l’appuyer, sinon avec humour, le groupe sait jouer de sa frenchitude. Thomas maîtrise son public au doigt et à l’œil, lui apprend le « parisian handclap » de sa jeunesse, fait se lever les bras au ciel, se heurter les mains –et la masse des new-yorkais présents, dans son intégralité, répond dans un ensemble absolument fascinant, dans une ambiance hédoniste et bienheureuse. On s’étonne un peu connement, ou on comprend un peu tardivement, de l’influence patente qu’a Phoenix sur la jeunesse Américaine : quand Thomas chante, l’accent rond et harvardien, les lèvres des centaines de fans des premiers rangs remuent à l’unisson -et nos petits cœurs blue-white-red de coqs chauvins bondissent et rebondissent d’une fierté sans doute mal placée. Dans l’espace VIP, carressée dans le sens de l’art par une reprise de Playground Love de Air, Sofia Coppola admire son héros, qui se fond un instant dans le public, grimpe sur une pile d’enceintes, provoque l’amour absolu de la foule au moindre mouvement. Ses camarades ne sont pas en reste. Le groupe est précis, puissant, élégant, rageur.
Phoenix est, surtout, armé de chansons taillées pour remuer les foules. 1901, It’s Never Been Like That, Too Young ne sont certes peut-être pas, individuellement, les plus grandes chansons de l’Histoire. Mais, mises bout à bout et offertes à un public connaisseur, elles sont une formidable collection de tubes antidépresseurs, de chansons ultra-cool, complètes, dont le son et l’esprit n’appartiennent qu’aux Français, des morceaux aigus et ronds, rock et funk, efficaces en diables. C’est finalement ce qui frappe le plus dans ce concert d’expatrié : bien Français mais pas trop, Phoenix touche du doigt l’absolu universel. Un dernier tube, If I Ever Feel Better, et le groupe peut partir fier et conquérant -il remettra ça le lendemain au même endroit, et nous expliquera que c’était encore plus bouillant. Le 25 septembre 2009 à New York, nous étions tous des Versaillais.
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