Tout le mois de septembre, iTunes organise son festival au Roundhouse Theatre a Londres. Soit 30 concerts, un par soir, parmi lesquels se sont glissées de belles têtes d’affiche. Mercredi soir, c’est Pharrell Williams et Jungle qui électrisaient la salle. On y était, on vous raconte.
On oublie trop souvent qu’il n’y a de bons concerts que parce qu’il y a de bonnes salles. Ou, du moins, que la salle détermine presque à 100 % l’allure, la teneur d’un concert, comme un vêtement va avoir une incidence plus ou moins marquée sur notre comportement.
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En implantant son festival au Roundhouse Theatre, dans le quartier de Chalk Farm, à quelques foulées de Camden, iTunes tape dans le haut de gamme. Esthétiquement d’abord : hangar à locomotives construit en 1846 reconverti un siècle plus tard en centre culturel, la rotonde fait partie de ces lieux mi-mythiques mi-magiques ayant accueilli un sacré paquet de stars, de Bowie à Patti Smith en passant par les Rolling Stones. En son centre, la salle de concert a l’allure d’un vieux théâtre shakespearien passé à la moulinette de la modernité. Pas de bois, mais d’immenses colonnes en fonte supportant un toit conique. Un lieu étrange, comme hors du temps, que l’on attend de voir dompté non pas tant par Pharrell Williams mais par les plus récents Jungle.
Découverts en décembre 2013 avec l’inflammable The Heat, Jungle avait su attiser notre curiosité à coup de fausses pistes à la Daft Punk, faisant poser deux Noirs sur la pochette de leur single, qui n’avaient en définitive aucun rapport avec le groupe. Le groupe, justement, est porté par deux Blancs, deux Anglais répondant aux noms de Josh et Tom, épaulés sur l’album et sur scène par une petite bande qui pourrait passer pour les mannequins d’une pub Urban Outfitters. Attention, aucun sarcasme ici : Urban Outfitters a des collections sacrément cool, et Jungle nous offre une belle leçon de style (à l’Anglaise). Visuellement donc, mais aussi et surtout musicalement. La vague de chaleur – que créait déjà l’écoute (à répétitions) de leur premier album, Jungle – se fait plus puissante, plus irrésistible, plus grisante en live.
Peut-être est-ce le fait de jouer à domicile, toujours est-il que les Londoniens savent comment donner à une salle l’allure d’un club moite, comment faire grimper le thermomètre et exploser les esprits. On pense immédiatement à cette émission de danse des années 70, Soul Train, ressortie du placard avec le dernier Daft Punk. Et, coïncidence ou non, on se dit qu’on se trouve justement dans une ancienne remise pour locomotives, construite en plein boom de la voie ferrée, et que le groove, les accents disco, la chaleur de Jungle confère au groupe l’aspect d’un train lancé à pleine vitesse.
Sur scène, Josh et Tom sont donc entourés de leur petite troupe, soit un guitariste, un batteur, un percussionniste et deux choristes. Ce sont justement eux, ces deux choristes placées sur la droite, qui se la jouent résolument Soul Train. Voire Saturday Night Fever, mais sans nostalgie aucune. L’une, jupe, crop top et chemise à carreaux nouée autour de la taille ; l’autre, son pendant masculin, perfecto, slim et col roulé rehaussé d’un collier vert. Leurs chorégraphies, à base de claquements de mains, de doigts et de jeux de jambes, d’une apparente simplicité, sont en réalité millimétrées. On se prend alors à regretter la maniaquerie de ce concert, où tout semble avoir été répété, ressassé, rabâché sans relâche afin que rien ne parte en vrille. Mais où est la jungle ? Où est la fièvre, la vraie? Et soudain, la choriste part trop tôt, trop vite, se plante, s’en rend compte, fait une pirouette et recommence. Le vernis a craqué, enfin, et ça fait du bien.
De N.E.R.D à Robin Thicke
Les chorégraphies prennent une tout autre dimension chez Pharrell Williams, qui semble chercher à transformer son concert en spectacle de danse. Le ton est donné dès le premier morceau, le fameux Lose Yourself to Dance présent sur le dernier Daft Punk. Une horde de danseuses, les BAES, qui suivent le chanteur sur toute sa tournée, débarquent en mini shorts en jean et crop top colorés, aux côtés d’un Pharrell en jean déchiré, t-shirt blanc à motifs et chapeau bleu roi. Suit le plaisant Come Get It Bae, son duo avec Miley Cyrus.
Comme tout bon show à l’Américaine exige au moins un changement de tenue, les BAES quittent la scène pour revenir en peignoir et lunettes de soleil, référence non pas à l’affaire DSK, mais à la pochette de l’album, avant de retrouver bien vite leurs mini-shorts ou salopettes échancrées pour twerker, sauter, tourbillonner comme si ce n’était pas du sang mais du Guronsan qui coulait dans leurs veines.
Si l’on n’a pas eu de confirmation exacte, tout porte à croire que c’est Fatima Robinson (auteur des chorégraphies des clips d’Aaliyah ou encore des Black Eyed Peas) qui se cache derrière ces incroyables chorés. C’est elle, par exemple, qui avait pensé la danse de Pharrell Williams et Lupitah Nyongo aux Oscars, ou encore celle du clip Come Get It Bae. Clip que Pharrell Williams semble rejouer en laissant chaque danseuse exécuter, tour à tour, un micro solo face au public.
Mettre en avant ses danseuses est aussi un bon moyen pour le chanteur de dérouler le fil conducteur de son album et de son concert : les “girls”. Autoproclamé féministe, Pharrell ne relègue plus les danseuses en arrière-plan mais les fait passer pour les véritables stars du show, invitant le public à les encourager, à les applaudir, à les acclamer.
L’ensemble aurait fini par lasser s’il n’avait eu la très bonne idée de convier Shay Haley, l’un de ses deux acolytes de N.E.R.D., pour reprendre ses premiers gros tubes. Hashtag nostalgie, hashtag début des années 2000, hashtag bandana, comme celui dont il s’est ceint la tête, en remplacement de son horripilant chapeau. On a donc le droit au métalleux Rock Star, au génial She Wants to Move, à l’un de ses duos avec Snoop Dogg (le meilleur) Drop It Like It’s Hot que la salle reprend en chœur.
Puis, comme s’il avait décidé de nous dérouler sa discographie, Pharrell s’embarque dans un medley de certaines de ses collaborations : Hollaback Girl de Gwen Stefani, Blurred Lines de Robin Thicke, Get Lucky de Daft Punk…
Sans surprise, c’est avec Happy que se termine le concert. En arrière-plan s’affichent des dessins de gentils petits monstres tandis qu’un flot de paillettes glisse sur la foule. Si tout le monde est debout, les bras en l’air et les hanches gigotantes, Happy a plutôt le don de nous mettre de mauvais poil. La faute surement aux rayons jambon des supermarchés où le tube passe en boucle depuis des mois.
Tous les concerts du iTunes festival sont à (re)voir gratuitement juste ici.
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