Arrangeur et musicien de génie, Owen Pallett revient cet hiver avec Heartland, troisième album immense et épique enregistré avec l’orchestre symphonique de Prague. Retour sur son sublime concert dominical à Paris.
Le problème était de taille : comment Owen Pallett allait-il retranscrire la démesure de son nouvel et troisième album sur la petite scène de La Maroquinerie, accompagné seulement d’un musicien, de son violon et d’un clavier ? Porté par les dizaines de cordes, cuivres et vents de l’orchestre symphonique de Prague, initialement enregistré au Greenhouse Studio de Reykjavik en Islande, Heartland possède en effet une grandeur difficilement adaptable en live et en petit comité. C’était sans compter le talent du Canadien.
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Si, pour des raisons de droits, il a récemment abandonné Final Fantasy, le nom sous lequel il évoluait depuis plusieurs années, Owen Pallett n’a certainement pas perdu l’aura qui l’entoure depuis ses débuts, ni cette capacité innée à recréer le lyrisme de ces titres en concert. D’abord seul sur E is for Estranged, premier morceau du set, puis rejoints par le musicien Thomas Gill à la basse et aux percussions, l’arrangeur fou d’Arcade Fire sample ses accords de violons à l’aide de pédales de loop et reconstruit peu à peu les mélodies d’Heartland (Lewis Takes Action, Midnight Directives et l’inclassable Flare Gun). Le son est immense, mais c’est la voix d’Owen Pallett qui surprend le plus : limpide, juste, elle semble, comme celle de Zach Condon de Beirut, avoir déjà vécu mille vies et contraste avec le visage encore poupin du trentenaire.
Suivent une poignée d’anciens titres issus de ses deux premiers albums, Has A Good Home et He Poos Clouds. Pallett évoque ses difficultés à jouer sans effets et instruments électroniques lors du tournage, en acoustique, d’un concert à emporter de la Blogothèque deux ans auparavant. « Je me suis rendu compte que je ne savais pas jouer sans toutes mes pédales et mes micros. Après le tournage, je suis rentré chez moi pour travailler, voilà ce que ça a donné » lâche-t-il en plaisantant avant de se lancer dans l’interprétation d’un titre seul au violon.
Le concert monte d’un cran lorsqu’il entame Many Lives – 49MP, l’un des plus beaux titres de son second album. Violoniste hors-pair, le musicien semble ne faire qu’un avec son instrument, marchant aisément sur une mince corde tendue entre puissance mélodique et poésie. The Great Elsewhere et ses envolées lyriques précèdent le sublime The Dream of Win & Regine, hommage au couple fondateur d’Arcade Fire avec qui Owen a travaillé sur Funeral et Neon Bible. Thomas Gill fait le pitre, Pallett se marre au milieu d’une chanson, dédramatisant ainsi le côté solennel de sa musique. Le féérique Lewis Takes Off His Shirt conclut le concert – le musicien n’a jamais semblé aussi proche de la perfection.
Visiblement fatigué, Owen Pallett revient pour un premier rappel durant lequel le public choisi les titres qu’il interprétera. La Canadien rate le refrain de la première chanson et échappe son archet au milieu du second, mais la beauté du set ne décline pas. Le deuxième rappel, plus court, terminera de prouver que gigantisme symphonique et intimité se sont pas incompatibles dans l’ingénieux cerveau d’Owen Pallett. Un moment précieux suspendu dans le vide par un fil de soie.
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