Au lendemain d’une soirée de feu aux côtés de Jagwar Ma, les Mancuniens de Money prolongeaient leur séjour parisien avec une date au Silencio. Ou comment faire retomber drastiquement la température. C’était mardi soir: on y était, on raconte.
On navigue à vue, d’un morceau à l’autre, pendant le concert de Money. Des morceaux ? Plutôt un flottement général, une vague de son bleue, la respiration d’une histoire tentant de trouver ses limites. Le plafond cuivré du Silencio, ses alcôves d’obscurité, ses murs couverts de bois, d’or et de magie : voilà qui viendra contenir un peu la voix surpuissante de Money, lui apporter un semblant de forme, lui donner une direction. De ces quatre garçons, on a oublié les compositions. Pour l’heure, tant pis pour les détails de ce premier album à paraitre bientôt. Il suffira de l’écouter. Tant pis pour les titres, pour les noms. D’ailleurs, Money aurait pu s’appeler Business, War ou Power. Et pourquoi pas Corruption ou Lies. Car Money vient de Manchester, comme New Order en son temps. Mais Manchester a bien changé ces dernières années. Les quartiers chauds se sont gentrifiés. La nervosité, l’urgence de vivre et de créer, l’obsessif besoin de fuir semblent avoir laissé place à quelque chose de plus apaisé.
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Après la flamboyance de Morrissey ou des frères Gallagher, la nouvelle scène de Manchester fait dans l’abstraction. De No Ceremony/// à Ren Harvieu, de Stay + à Water Signs, tous ont ce petit quelque chose de flou, d’obscur et de possédé. Money leur ressemble, et ressemble à toute l’Angleterre d’aujourd’hui : il y a du Foals et du Alt-J dans ces aigus bizarrement arrondis. Il y a même du Franz Ferdinand et du Arctic Monkeys dans cette fidélité à la guitare, dans l’exploration continue de ses ressources cachées. Comment font-ils tout ça sans clavier ? Parce que parfois, Money ressemble presque à Brian Eno, ou à Robert Wyatt. Mais Money ressemble surtout à Manchester aujourd’hui. On ne peut en effet pas les entendre brailler sans voir glisser derrière eux l’ombre d’Ellery Roberts, ni sans repenser, comme dans un vieux rêve, aux grands débuts de WU LYF. Depuis, ces derniers ont explosé en plein vol, alors même que Money s’apprêtait à décoller. Aujourd’hui, Money plane. On vous reparlera plus sérieusement, dans les semaines à venir, de ce joyau noir de la couronne.
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