Jusqu’au 31 mars, le Festival Les Femmes S’en Mêlent embras(s)e la France avec une 16ème édition à la programmation riche et pointue. Hier, Mesparrow jouait ainsi au Divan du Monde, à Paris. On y était, on vous raconte.
Quelques jours après l’ouverture du festival et une soirée dédiée aux Pussy Riot, on a foncé au Divan du Monde voir quelques-une de ces dames, dont une occupe nos pensées depuis quelques semaines maintenant : Mesparrow. La Miss Moineau publiait il y a peu son premier album, fruit d’années de travail entre Tours et Londres, entre le piano familial et ses études aux Beaux-Arts. Une poignée de morceaux passionnants qu’on avait hâte de découvrir sur scène. Ce fut finalement dans les rues de Pigalle, au Divan du Monde, que la chose se fit.
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Mais avant, un peu de patience – et de courage. Car la première partie de cette soirée ne fut pas chose aisée à traverser. Perrine en Morceaux, que l’on découvre alors, arrive sur scène. Et là, c’est le drame. Elle entame un interminable set de sons expérimentaux et froids, industriels et déconstruits (les fameux morceaux) – un truc vraiment très chelou, très obscur, sans logique apparente, qu’il faudrait donc placer du côté du noise, de l’indus et de la no-wave pour tenter de cadrer musicalement. Parfaitement anti-rythmiques et anti-mélodiques, ces quelques morceaux laissent deviner une évidente démarche de déstabilisation du public, une envie de choquer l’auditeur, de le gêner. Autant dire que c’est très réussi : on a désormais une petite idée de ce à quoi ressemble l’enfer. Le set terminé, on sort pleurer un coup dans les rues de Pigalle, qui ressemblent, après ce qu’on vient de subir, à un vrai petit paradis. Les klaxons, le bruit ? De douces mélodies. On se remet tranquillement. Puis on rentre, un peu effrayés par ce qui nous attend : un deuxième groupe, Peau, que l’on découvre également. Mais bientôt plus d’inquiétudes, les nerfs se détendent, les tympans retrouvent leurs facultés. Peau entame en effet une série de chansonnettes électro-accoustiques et discrètes, minaudant bien gentiment des textes frôlant parfois le slam. Contrastes.
Arrive enfin Mesparrow, une capuche sur la tête. Des LED couvertes de voiles blancs ont été installées. C’est un peu ça la musique de Marion Gaume : de petites mais fortes lumières, sous des nappes transparentes de douceur. La messe commence par de petites vocalises a cappella ; il faut préciser – ce qui semble évident dès qu’on entre dans l’univers de Mesparrow – que la jeune femme est seule sur scène, comme l’ancienne ado, sans doute, était seule devant son ordi. Elle bidouille son sampler, sa pédale d’enregistrement, son clavier – mais elle bidouille surtout ses cordes vocales, alternant les tonalités et les jeux bruitistes de façon tendue, en équilibre sur le fil ténu de sa voix imparfaite et belle, épaisse et feutrée, souvent bouleversante. Elle joue bientôt The Symphony, magnifique ouverture de son album Keep This Moment Alive, puis une version énervée de son manifeste Next Bored Generation. Elle jouera aussi I Want to Travel, I Don’t Want To Grow Up et d’autres, parmi pas mal d’improvisation.
A un moment, d’ailleurs, elle demande gentiment qu’on éteigne nos portables. Puis, en riant : »Je peux aussi chanter les interférences, ça peut être intéressant. » Par cet incident, elle dévoile tout le côté expérimental de sa musique, sa recherche des beautés inexplorées, des vérités cachées des champs sonores. Minimaliste et luxuriante, timide et puissante, Mesparrow termine sur une reprise du Stand By Me de Ben E. King. On crierait au cliché facile face à n’importe qui d’autre, mais le charme de l’oiseau rare est trop fort. Avec Mesparrow, on s’élève vers des merveilles inespérées.
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