Rangez les drapeaux bretons et sortez les éventails ! Le festival dont on vous parle se passe en Espagne, sous le soleil de la plus grande île des Baléares : Majorque.
C’est à quelques centaines de mètres des plages de Calvià, entre les complexes hôteliers et les vestiges d’un ancien parc aquatique, que le Mallorca Live Festival 2022 a déposé ses cinq scènes et son marché de créateurs, les 24, 25 et 26 juin 2022.
Six ans après sa première édition, l’événement a déjà bien grandi. 10 000 billets avaient été vendus en 2016 contre 72 000 cette année, et l’augmentation du nombre de participant·es n’est pas la seule progression impressionnante : l’affiche s’est largement internationalisée et des artistes extrêmement populaires y ont fait leur entrée, dans des styles musicaux très variés. Aux côtés des mastodontes de la pop que sont Christina Aguilera et Muse (un peu poussiéreux, mais qui ont le mérite de continuer à attirer les foules), on retrouve le légendaire producteur de techno de Detroit Jeff Mills, le phénomène espagnol de l’année passée C. Tangana et l’une des productrices coréennes les plus en vogue du moment, Peggy Gou (avant qu’elle ne soit empêchée et remplacée par Jamie XX).
En fouillant un peu plus, on découvre une programmation pointue où des artistes locaux émergents côtoient des groupes internationaux d’horizons très divers, parfois méconnus du grand public. “Partager une scène entre Christina Aguilera et des groupes espagnols confidentiels comme La Paloma, dont c’est un des premiers festivals, c’est génial ! C’est une très bonne représentation de la culture espagnole, très éclectique. On aime tout, on est complètement… mamarrachos ! (Loufoques, NDLR)”, résume parfaitement Diego, chanteur du groupe madrilène The Parrots.
Quitte à avoir passé un week-end sous le soleil entre plages de sable fin et bonne musique, on a eu envie de vous raconter tout ça, ou en tout cas de vous en raconter quelques morceaux. Alors voici, en vrac, trois choses qui ont fait du Mallorca Live Festival 2022 une belle réussite.
1. Le rock indé majorquin sur scène
On pouvait venir à Majorque avec une image des Baléares construite sur le rayonnement international d’Ibiza, de sa culture de la techno-business et des boîtes de nuit hors de prix. Mais la culture musicale locale est bien différente. “Les îles ne sont pas tellement connectées entre elles, explique un membre du groupe majorquin Alanaire, Ibiza a sa propre scène, qui est plus électronique. Ils font partie de l’histoire de la techno. Ça ne s’est jamais passé comme ça à Majorque… On ressemble peut-être plus à la Catalogne qu’à Ibiza !”
Sur place, chaque soir, les scènes démesurées sont ouvertes par des groupes de l’île. On découvre alors une Majorque couleur rock indé, allant du garage surf de Go Cactus à la folk rêveuse d’Alanaire, et on se surprend à revenir pour l’ouverture le lendemain, pour ne pas manquer les premiers concerts.
2. L’Espagne imprégnée de tradition
Queralt Lahoz, Bronquio, Guitarricadelafuente… Parmi les Espagnols passés sur les scènes du festival, on redécouvre ces artistes qui explorent les cultures traditionnelles du pays pour créer des sonorités nouvelles, hybrides. On retiendra évidemment l’exceptionnel spectacle de C. Tangana avec ses trente musicien·nes sur scène, réuni·es autour de tables dressées à la manière d’une sobremesa espagnole. La performance est millimétrée, filmique et respire pourtant l’authenticité.
Coup de cœur aussi pour Baiuca, ce producteur du nord-ouest de l’Espagne qui fait vivre la magie du folklore galicien sur la scène électro. Avec deux pandereiteiras (des chanteuses traditionnelles) et un percussionniste armé d’étranges instruments de métal, il voyage de DJ set en danses folkloriques. En face, le public est transporté dans une transe mystique, contemplative, mais surtout dansante.
3. Une scène électro léchée
On ne pourra enfin que saluer la qualité du line-up qui composait la quatrième scène, la scène électro. S’il n’y avait pas eu tant de choses géniales à voir ailleurs, on y aurait passé l’entièreté du festival sans broncher. C’est une scène à taille humaine, dans un petit recoin un peu caché, à l’écart de la grande esplanade. Sans pause de 18 h à 6 h, des DJ du monde entier se passent le relais : Jamie XX, Cobblestone Jazz, Jeff Mills, Ben UFO, The Blessed Madonna, Max Cooper…
Mention spéciale à Red Axes, l’un des duos les plus excitants de la scène électro de Tel-Aviv de ces dernières années, et à leur set de quatre heures. Une house brumeuse, faite de basses vibrantes et d’étranges voix, qui donne bien du mal à s’arrêter de danser.
Alors, c’est quoi, le Mallorca Live Festival ? Eh bien, c’est tout ça : des géantes têtes d’affiche à côté de groupes locaux, une excellente programmation électro et la plage pas loin pour finir ou commencer la journée. Et à l’avenir, le festival ne compte plus grandir. “Notre objectif maintenant, c’est de devenir meilleurs, explique le programmateur musical du festival. La prochaine étape, c’est travailler sur l’expérience. On voudrait finalement que la musique passe au second plan, pour apporter aussi d’autres formes d’art, du théâtre, des célébrités… On veut créer comme un trou de lapin dans lequel on rentre pour trouver quelque chose d’extraordinaire, que le public ressorte de là un peu abasourdi, qu’il se demande ce qu’il vient de vivre”.
On ne demande qu’à voir !