M Pour Montréal, suite. Et M Pour Montréal, belle fin : la révélation Monogrenade, le drôle de Damien Robitaille, les toujours excitants la Patère Rose ou Misteur Valaire ont joliment clôt le festival québécois.
M POUR MONTREAL : SAMEDI 20
Quatrième et dernier soir. Pincement au coeur, évidemment, et épuisement total. Les corps sont prêts à lâcher, les esprits sont las mais les âmes encore ravies. Et il n’y a pas à creuser trop profond pour découvrir, planqué sous les multiples couches d’épuisement, une ultime réserve d’enthousiasme, un baroud d’honneur des sensations, l’étincelle qui fait battre, certes en palpitations arythmiques, le fond du cœur.
A tout saigneur de cœurs shamallows, tous honneurs mérités : commençons par le concert de La Patère Rose, chargé d’ouvrir la soirée de clôture du Festival dans le grand Metropolis. La Patère Rose, qui devrait être rapidement de retour en France. La Patère rose, donc, dont on reparlera encore –convaincre un Monde en jachère que ce groupe est vital au semences de son réenchantement est une mission dont on ne se lassera qu’avec le trépas. Avant d’entamer ses montagnes-russes, Fanny Bloom annonce la couleur : le gris des grippés. Fanny Bloom a menti, et on rêve de choper des germes aussi positifs : sa voix, en s’éraillant de temps en temps, en rendant certains loopings plus ovales, ajoute encore quelques nuances et cascades aux chansons arc-en-ciel des natifs de Sherbrooke, elle est dans ses danses chaloupées et déhanchements sensuels plus féline que la panthère, elle anime et fait marrer le public comme un MC formidable au charme indécollable, avec le charisme indéniable d’une grande performer.
Sans compter que les deux zigotos qui l’accompagnent, Kilojules et Roboto, ne jouent pas à l’économie, loin de là. Egalement membres de Misteur Valaire, dont on ne voit pas non plus pourquoi on se lasserait de tresser les louanges, ils retrouvent leurs potes quelques heures plus tard pour un set à enflammer la banquise : Misteur Valaire est une incroyable mécanique, scientifique et ultra-ludique à la fois, à faire remuer les booties de tous ceux qui adhèrent à leur furie dansante, ils sont des showmen drôlatiques et méchamment efficaces, déversent une pluie de beats à réveiller la lune, mélangent des bouts de hip hop et des bouts de trompettes et des montées cascadeuses vers l’hédonisme et conquièrent une salle qui a semble-t-il définitivement oublié que, pas de bol, les longs mois d’hiver venaient de commencer.
Plus tôt dans la journée, encore un peu partis et surtout très nazes, se déroulaient au Café Campus les sets dédiés aux groupes francophones du festival –on avait, l’année passée, laissé des bouts de cœurs en y découvrant, justement, la Patère Rose ou Marie Pierre Arthur. Cette année, c’est quelques dizaines de neurones qu’on laissera, avec joie, dans les dédales soniques et constructions pop passionnantes de Monogrenade : le son du groupe réussit à faire des carrés avec des ronds, son alchimie toute particulière parvient à transformer le kraut en or, les chansons raides et anguleuses sont des caresses mélodiques pour les synapses englués, d’une grande classe et visuellement impressionnant, le groupe est déjà très efficace et joliment habité sur scène. Vous en entendrez parler dans les prochains mois : aucun des délégués n’est resté indifférent à ce qui restera comme l’une des révélations du festival.
Avis plus partagés sur Alex Nevsky et ses chansons romantiques et musclées. Si les blasés qui nous entourent tirent un peu la tronche, on est prêt à essayer de les convaincre qu’ils devraient y repenser à deux fois. Le garçon, s’il fait parfois penser à un Cali de la Belle Province, s’il tombe parfois dans une facilité un peu plate, Nevsky a indéniablement une forte tête et une plume régulièrement capable de belles choses, a dans les poches de sa chemise honteusement fleurie une poignée de morceaux plutôt très bien troussé, est capable de jolis coups de sang et de micro-tempêtes ; certains de ces titres, s’ils étaient signés « Arcade Fire », trouveraient grâce aux tympans de beaucoup de monde. Il manque souvent, certes, un peu plus de tabasco, un peu plus de torsions, un poil de personnalité musicale, les indés indécrottables bouderont sans doute, on ne leur en voudra pas forcément, mais les masses européennes francophones pourraient, elles, chavirer. Et on ne leur en voudra pas plus.
Damien Robitaille. Drôle de garçon. Au sens le plus basique du terme, d’ailleurs : le bel Ontarien est un personnage autant qu’un musicien, un one-man-showman autant que le leader d’un groupe très en place, un crooner autant qu’un clown. Un « clooner » sans doute, donc. Chansons classiques mais pas désagréables, soul ronde et funk sensuel comme écrin aux délires scéniques du bonhomme, textes surréalistes et parfois marrant, le déjà chouchou de ces demoiselles très excitées, on les comprend, est une sorte de mélange entre un Nino Ferrer des grands tubes drôles et un Julio Iglesias second-degré, et un remonteur de zygomatiques assez efficace.
Reste le cas des derniers énervés à animer l’une des scènes du Café Campus : Jesuslesfilles. Dont on attendait beaucoup : on s’est planté. Du moins sur ce concert : un son dégueulasse a massacré les mélodies, notamment vocales, qui font le sel de ce qu’on avait entendu des garçons et filles sur l’Internet, on ne comprend pas tout à fait si le garage est si crasseux et instable par choix ou par limitation, on se demande si l’énergie brute, finalement, ne prend pas le dessus sur le reste, et surtout sur des chansons pas toujours très excitantes. Une camarade du coin, qui les connaît, affirme à la sortie que le groupe est excellent mais que son concert fut raté. Parce qu’on est sympa et qu’on lui fait confiance, on attendra une deuxième vision avant, éventuellement, de définitivement crucifier les Montréalais.