La semaine dernière, le festival M pour Montréal fêtait sa 8ème édition. Belle occasion de confirmer la vitalité de la scène canadienne avec la grandeur de Majical Cloudz, les espoirs modernes de Foxtrott ou la fureur de Duchess Says. Sans oublier la folie lubrique déployée par Mac DeMarco en clôture. On vous raconte.
LE HÉROS : MAC DEMARCO
Montréal, dimanche 24 novembre, trois heures du mat’. La température extérieure frôle les -10, mais certains festivaliers dégoulinent sur le boulevard Saint-Laurent. M pour Montréal vient de livrer l’ultime chaleur de sa huitième édition avec Mac DeMarco featuring ses potes, beaucoup d’alcool et quelques chorégraphies de pénis sur la scène du Club Soda. C’était très bien. Un joyeux bordel d’une heure et demie pour refermer quatre jours de festival et doucher à la bière et à la sueur les spectateurs des premiers rangs. Avant de monter sur scène, l’animal DeMarco nous confiait être au bout du rouleau, épuisé et perclus par une trop longue tournée (des bars ?). Le musicien originaire d’Edmonton aura finalement livré la prestation la plus mémorable de la semaine. Même Mikey Rishwain, programmateur du festival, n’avait jamais vu un concert aussi déchaîné, lubrique, fondamentalement débile et brillamment déconneur. On n’a pas filmé les actes sexuels mais on vous a rapporté un souvenir vidéo de l’exhibition.
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M POUR MAJICAL CLOUDZ
La grosse claque du festival. Majical Cloudz fait son apparition précédé d’un silence respectueux et prémonitoire sur la scène de la Casa Del Popolo mercredi sur les coups de 23h. L’heure de se faire tout petit face au regard pénétrant et à la voix sombre de Devon Welsh, leader inquiétant du duo montréalais. Dans un minimalisme très étudié, les notes de synthé vaporeuses accompagnent à merveille les tours de chant interprétés mâchoire serrée, sourcils froncés. On pense à Joy Division pour le timbre, à un tueur en série pour le charisme noir et saisissant. Après chaque chanson, les applaudissements arrivent avec un temps de latence, comme retenus par l’ébahissement et la circonspection d’un public ébranlé par tant de singularité. Exemple fascinant sur cette version froide et obstinée de Savage, interprétée lors d’un concert à San Francisco cet été. Violence douce.
LA DÉCEPTION : TOPS
L’année dernière, on avait découvert TOPS sur disque à la faveur d’un album élégant et distingué. Puis on avait redécouvert le groupe plutôt à l’aise sur la scène de l’Espace B à Paris pour un concert emballé et énergique. Rien à voir jeudi soir à Montréal, où TOPS présentait les chansons de son prochain album en même temps que la nouvelle couleur de cheveux de sa chanteuse devenue blonde mutine. Au final : beaucoup de temps mort dans un concert dénué de véritables contrastes rythmiques. Si TOPS reste guidé par la technique irréprochable de son guitariste, le groupe semble emprunter une route plus aérienne où le vocal plombe le rythme et l’énergie. On réécoute néanmoins les anciens titres avec bonheur sur le chemin du retour.
L’ÉVÉNEMENT : DUCHESS SAYS
Quand on arrive au Cabaret Undergound vendredi soir, la salle est comble. Solids balance les dernières fulgurances d’un concert que l’on imagine hurleur et fracassant. Les murs rivalisent de graffitis, les rangs sont serrés, l’assistance équitablement composée entre motards, hipsters et punks d’une autre époque sur le retour. Duchess Says fait ses balances en direct dans la pénombre et on comprend vite que le concert aura trois quarts d’heure de retard. Finalement, la chanteuse débarque avec une heure de décalage sur la programmation initiale. Et il lui faudra moins d’une minute pour se faire pardonner. Annie-Claude Deschênes (sérieusement !) désarticule son mètre soixante sur l’estrade devant une foule complètement désaxée. Les slams s’enchaînent et l’allure de banquière de la front-woman se transforme rapidement en charisme métalleux. Le concert le plus attendu pour certains accouche logiquement d’une prestation puissante et déterminée, en rapport avec les faux-semblants et les trompe-l’œil jouissifs que Montréal peut réserver.
M POUR MONTRÉAL EN 4 DÉCOUVERTES
– Foxtrott
Le projet personnel de Marie-Hélène Delorme emprunte à la pop, au r’n’b et à l’électro pour un rendu moderne qui propose une version épurée des envolées entendues chez Grimes ou Austra. Accompagnée d’un cor pour jouer les basses, la chanteuse séduit d’abord par la simplicité d’un concert intime jeudi 21 à la Casa Del Popolo. On la retrouve à pleine puissance le lendemain soir sur la grosse scène de la S.A.T (Société des Arts Technologiques) pour confirmer le charme d’une pop d’aventures et d’époque.
– Black Atlass
Gueule froide et allure androgyne, Black Atlass a d’abord attiré l’œil des spectateurs de la Casa avant de se distinguer par une pop ténébreuse mâtinée de r’n’b sirupeux. Un peu répétitif, mais le mec possède deux, trois tubes plutôt séduisants qui confrontent habilement James Blake et Frank Ocean.
– Odonis Odonis
Beaucoup de bruit, beaucoup de rage et beaucoup de cœur pour le surf gaze d’Odonis Odonis jeudi soir à la Sala Rossa. Les Canadiens rappellent leurs cousins britanniques de Drenge par la fureur et d’un rock radical, sans compromis et parfois inventeur de mélodies surprenantes. Idéal pour oublier la fatigue et provoquer les plus beaux head bangings de la semaine.
– Le Kid & les Martinellis
On nous avait parlé du TRH Bar comme d’un lieu de régression adolescente où tout ce qui importe n’est que sakteboard, tags; bière et musique. Bonne définition pour le lieu le plus cool du festival où l’on découvre le garage graisseux du Kid & les Martinellis, sorte de réplique québécoise (avec l’accent) des Black Lips. Le public se concentre tantôt sur les facéties du chanteur, tantôt sur la rampe de skate qui jouxte la scène et accueille les figures de styles des kids à roulettes éméchés. Double ambiance pour deux cultures fatalement complémentaires. Et grivoiserie prémonitoire avant le concert burné de Mac DeMarco quelques centaines de mètres plus bas sur Saint-Laurent samedi soir. Rideau.
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