Les Francos de Montréal fêtaient leurs 25 ans cette année. A la fois populaire et pointu, le festival a su devenir l’incontournable carrefour de la musique en Français. Retour sur cette édition avec Fauve, Benjamin Biolay, La Femme, IAM, Bombino et de belles découvertes : on y était, on raconte (2/2).
Les découvertes québécoises : Le Couleur, Ingrid St-Pierre, Patrice Michaud
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Le Couleur – Presqu’une dizaine de scènes gratuites en plein air, autant de salles partenaires, pas loin de deux cent concerts en moins de dix jours: voilà, en quelques chiffres, comment les Francofolies de Montréal fêtent leurs 25 ans cette année. Au milieu de tout ça, on est tombé sur Le Couleur. Mais avant le son, le style. On remarque cette tenue d’aviateur, et puis ce col pelle à tarte sur une veste de pilote de ligne. Les musiciens de Le Couleur intriguent. Ils portent des lunettes de soleil, ont l’air très sérieux – trop pour l’être vraiment. Et puis le petit bout de chanteuse débarque, habillée telle une princesse de l’espace. Elle s’appelle Laurence. Sa voix tombe du ciel : on découvre une pop maligne, synthétique, très eighties, efficace. Avec quelques acolytes venant renforcer les troupes sur scène, Le Couleur peint la nuit Montréalaise avec les teintes de ses rêveries. Un paquet de pop-songs electro et accrocheuses et puis s’en vont, juste après une reprise de L’amour et la violence de Tellier. On commence à comprendre un peu Le Couleur ? Il faudra suivre ces Montréalais de près.
Ingrid St-Pierre – La jeune femme jouait dans la belle salle située sous l’Eglise de Gesù. On est prévenu : rien de trop punk par ici. Figure montante au Québec, Ingrid St-Pierre a déjà fait une tournée avec le parrain Robert Charlebois, qui fête cette année ses cinquante ans de carrière. Et ce n’est sans doute pas un hasard. La Québécoise a en effet le potentiel d’une Emilie Simon ou d’une Cœur de Pirate : ses chansons ne révolutionneront pas la musique francophone mais sauront être assez douces, légères et rigolotes pour attirer les sympathies. Un joli petit concert, avec des violons et des lampes de toutes les couleurs.
Patrice Michaud – Entre ses chansons, Patrice Michaud raconte un peu sa vie, sa jeunesse dans sa Gaspésie natale, le temps passé à l’arrière de son « char » et au milieu des pages lingeries de Sears, le La Redoute local. Ouais, il est drôle, Patrice Michaud. Aussi drôle que les morceaux de son premier album sont vagabonds, sa voix caverneuse, son folk chaleureux et luxuriant. Guitare et pedal steel, et ça suffit : il nous peint les paysages de chez lui, et nous y invite. On y part en rêvassant.
Les découvertes françaises : Charles-Baptiste, Set & Match
Charles-Baptiste – Il faudra désormais compter sur Charles-Baptiste dans la nouvelle chanson française. Avec sa coupe afro et son foulard élégant, il sera le poulain de cette écurie spécialisée dans les beaux textes et une certaine approche de la vie – celle qu’on traverse avec mélancolie, qu’on essaye d’attraper au vol en y cherchant un peu d’amour. Comme chez Alex Beaupain (d’ailleurs passé la veille sur la même scène) ou Florent Marchet, et depuis Michel Berger en général, le piano-voix a toujours cette petite magie de l’ambiance, de la mise en valeur du texte, de l’émergence de chansons qu’on écoute au réveil pour passer une bonne journée, et qu’on se surprend, plus tard, à fredonner en marchant dans la rue. Charles-Baptiste, bienvenue dans nos vies.
Set & Match – Ce n’est pas exactement une découverte dans la mesure où l’on avait déjà croisé les trois rappeurs de Montpellier. Mais Set & Match en est encore au stade de se faire connaitre, et ne mérite d’ailleurs que ça. Ils passeront toutefois, c’est dommage, ce dimanche de pluie où les festivaliers ne sont pas venus en masse. Ils ne se laisseront pas abattre pour autant : avec une vraie symbiose, une fluidité qui prouve le travail accompli et un sens pointu de la camaraderie, ils balanceront avec force leurs quelques morceaux, posés sur de gros beats electro. Leur excellent Sunset, où l’on apprend que « le chill est un genre de sieste », viendra remettre un peu de soleil dans le game – depuis, grand beau temps à Montréal.
Le voyage : Bombino
Après la sortie de son récent album Nomad, bricolé avec Dan Auerbach des Black Keys, on découvre Bombino sur scène. Il fallait bien s’y attendre, le concert de ce Nigériens, ayant traversé le désert pour en rapporter ses secrets, est un chaud et beau voyage. Elle doit être dingue la vie de touareg, quand même, pour que revienne de ces aventures un rock aussi riche, pourtant fait de pas grand-chose au fond, mais capable d’évoquer des lieux, des ambiances et des paysages qu’on ne connait pas, mais que déjà on aime sans retenue. C’est aussi ça le grand monde de la francophonie.
Les vieux : IAM
Quand on croise IAM en conférence de presse, trois jours avant leur concert au Métropolis, l’heure semble au bilan : vingt-cinq ans de rap, et après ? Akhenaton le dit d’ailleurs lui-même : « On découvre les nouveaux rappeurs avec nos enfants qui les écoutent ». Mais sur scène, après une première partie musclée de Taktika, les darons ont toujours la rage, la force, les nerfs pour soulever une salle brulante, enfumée, complétement dingue de voir une nouvelle fois sur scène ces légendes du rap. En conférence de presse, toujours : « Ca fait une bonne douzaine de fois qu’on vient à Montréal ». Bah ouais, mec, semblent-ils nous dire. Mais sur une scène toute proche, un autre groupe français joue, lui, pour la toute première fois ici – dans un autre genre, mais avec la même rage d’expression : ce groupe s’appelle Fauve. On s’excuse donc d’avance, mais la dure loi des festivals est ce qu’elle est. On partira donc quelques instants du côté des jeunes. Quand on revient, le concert d’IAM touche à sa fin. Ils jouent L’empire du côté obscur, avec des sabres laser rouges à la main. Ils sont pourtant, désormais, les Grands Maitres Jedi du rap (en) français. En vrai, leurs sabres devraient être verts.
Les héros : Fauve
On les aura vu deux fois en deux jours. En plein air ou en première partie de Benjamin Biolay, au Métropolis, toujours la même fièvre. « On n’a jamais joué devant autant de monde », nous dit le « chanteur » de Fauve. Le regard comme perdu sous sa capuche, il a l’air intimidé, éberlué. A chaque instant il semble reprendre son souffle. Puis c’est sa marche nerveuse qu’il reprend, d’un coin à l’autre de la scène. Il courrait s’il pouvait. Alors il saute, danse bizarrement. C’est un lion en cage. Et ses textes sont des rugissements. On le découvre petit à petit : Fauve se danse, se vit au corps. Ainsi coulent les quelques morceaux de ce jeune groupe, déjà plus si petit. Il se passe quelque chose d’assez dingue. C’est étrange à voir, plus encore à tenter d’expliquer. Dans le public, certains connaissent les paroles sur le bout des doigts, les crachent et les crient en cœur. Beaucoup de jeunes, forcément. C’est à eux que s’adresse Fauve. Et leur fait visiblement beaucoup de bien.
La phrase : Maissiat
« Excusez-moi, je suis complètement affectée par cette chose qu’on appelle… le décalage horaire. »
De ses chansons en apesanteur à ses textes parfaitement ciselés, de sa façon de s’exprimer à celle de se déplacer sur scène, tout chez Maissiat n’est qu’élégance discrète et classe feutrée. Quand elle évoque sa fatigue (il y a 6h « en moins » qu’en France à Montréal) entre deux beaux morceaux de son premier album Tropiques, c’est avec légèreté et drôlerie qu’elle le fait. Le public est séduit.
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