Les Francos de Montréal fêtaient leurs 25 ans cette année. A la fois populaire et pointu, le festival a su devenir l’incontournable carrefour de la musique en Français. Retour sur cette édition avec Fauve, Benjamin Biolay, La Femme, IAM, Bombino et de belles découvertes : on y était, on raconte (2/2).
Les découvertes québécoises : Peter Peter, Forêt, Louis-Jean Cormier
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Peter Peter – C’est drôle comme pas mal de nouveaux groupes québécois semblent barboter, les genoux collés et les yeux tournés vers leurs baskets, dans les ambiances de Karkwa. Quinze ans après la formation de ces derniers, le Montréalais Peter Peter signe des chansons tristounettes et renfrognées, bleues nuit, aux reflets dorés. On l’avait déjà croisé sur l’Internet avec un premier album, mais alors qu’il vient de signer sur un label français, Arista, l’occasion était venue de le découvrir sur la scène du Club Soda. Avec son petit côté lo-fi, ses guitares brouillonnes, sa voix boudeuse et sa bouteille de vin à la main, Peter Peter fut parfait pour accompagner le soleil couchant – une image toute mybloodyvalentinesque, en fait. Pour préparer l’arrivée de Peter Peter en France, écoutez donc Une version améliorée de la tristesse et son saxo entêtant ; si votre cœur ne fond pas juste un peu, c’est peut-être que vous n’en avez pas.
Forêt – Emilie Laforest et Joseph Marchand sont en couple à la ville. Autour d’eux, ils ont réuni une petite bande de musiciens, sereine mais pas tout à fait joyeuse : l’ombre de Karkwa, encore une fois, rode dans les parages. On ne s’étonne pas trop, du coup, d’apprendre que François Lafontaine (clavier de Karkwa) a craqué pour eux, et les a accompagné en studio pour leur premier album. Sur les morceaux qui en sortirent, on retrouve des ambiances hantées, en clair-obscur, des cris de louve en souffrance, des guitares folk, des constructions rythmiques nerveuses – pas vraiment de quoi flâner au soleil sur la plage. Les premières chansons de Forêt seront toutefois parfaites pour de belles balades dans l’automne canadien – ou bien l’été français, auquel il ne manque décidément que les feuilles mortes.
Louis-Jean Cormier – On finit assez logiquement avec la tête pensante de Karkwa. Alors oui, évidemment, Louis-Jean Cormier n’est du coup pas vraiment une découverte, mais il se trouve que le loustic a récemment sorti son premier album en solo – il y a ici un nouveau départ, donc. On le croise en formation acoustique : lui et ses quatre musiciens sont rassemblés autour d’un vieux micro, un peu comme le font généralement les Franco-américains de Moriarty. Musicalement, Louis-Jean Cormier n’est d’ailleurs pas trop loin de ce folk intemporel, couleur de bois, bricolé avec pas grand-chose. Plus lumineuse et ouverte que celle de Karkwa, la musique du Canadien donnera aux esprits fougueux l’envie de prendre la route en direction de l’Ouest. Direction les Grands Lacs et la paix.
La claque : La Femme
Comme pour Fauve, on aura croisé la troupe de La Femme deux soirs de suite : en première partie de Peter Peter au Club Soda, et surtout en plein air. On commence à bien connaitre le potentiel scénique de la bande à Marlon, mais chaque fois c’est la liesse, la fureur, la redécouverte. Habillés n’importe comment ou carrément déguisés et peinturlurés, ils ont une nouvelle fois offert un freak-show pas possible, à base de braillements déglingués, de guitares sinueuses et d’electro déchainée – thérémine et claviers viennent en effet donner corps à ce son de la folie, ce rock d’un futur apocalyptique, cette musique qu’une sous-culture juvénile encore non identifiée, en phase d’émergence, se plait peut-être à écouter en se décolorant les cheveux, en trainant dans les friperies, en pogotant joyeusement. Aux Francos, pas de pogo – le concert est gratuit et le public plus familial qu’ailleurs. Mais pour avoir déjà assisté à ça, on sait la capacité de La Femme à foutre le feu, à faire danser dans un mélange de post-punk et de pur n’importe quoi. Un peu plus tard, dans la rue Sainte-Catherine (celle qui accueille le festival), on les croisera en compagnie de Quentin, le chanteur de Fauve. Quand on les voit ensemble, eux et leurs regards habités par une force fiévreuse, on se dit qu’il se passe vraiment quelque chose de fort dans la nouvelle pop française.
Le voyage : Granville
Dans cette nouvelle pop française, Granville est sans doute l’exact opposé de La Femme. Bien qu’ils se rejoignent sur cette façon si particulière d’observer le passé pour en faire quelque chose de terriblement neuf, Granville est un groupe aussi attendrissant et tranquille que La Femme est un vilain collectif qui laisse, sur son passage, comme une odeur de soufre. Tordu et cramé, le Sur la planche des Biarrots a trouvé son négatif sur les plages venteuses de Caen, où Mélissa et ses petits camarades ont cuisiné les morceaux pleins de fraicheur de leur premier album, Les Voiles. Devant la scène, les corps se dandinent comme s’ils étaient poussés par le vent. Mais non, le soleil brille sur Montréal et l’air est calme. En vrai, les gens dansent doucement, ont le sourire aux lèvres. On parie un tour en pédalo que tous se croient à la mer, les pieds dans le sable. Fermez les yeux : en écoutant Granville, vous y êtes vraiment.
Le WTF : Bernard Adamus
On était curieux de découvrir sur scène Bernard Adamus, mais son mélange de folk-rock, de jazz, de country et de hip-hop nous a laissé perplexe. Dans une salle remplie et vraiment joyeuse, on a pourtant vu les Montréalais prendre sérieusement leur pied – pendant que nous, on restait de marbre. Mais la musique de Bernard Adamus, bizarre mais riche de mille influences, est un peu à l’image du festival. C’est ça aussi les FrancoFolies : en moins de dix jours, parmi environ deux cent concerts, les choses les plus neuves et innovantes ont côtoyé des artistes plus populaires, plus commerciaux. Comme on dit, il y en a eu pour tous les goûts : à quelques mètres de distance, Keny Arkana jouait en même temps que Zaho, Robert Charlebois invitait Laurent Voulzy et Alain Souchon, Raphael et Féfé étaient dans le coin, pas loin d’un hommage à Jacques Brel avec, notamment, Isabelle Boulay – pendant ce temps-là, nous, on découvrait de petites choses délicieuses et on se replongeait dans nos amours consumés. Mais le snobisme n’a pas sa place aux FrancoFolies de Montréal : son éclectisme fait à la fois son étrangeté et son intérêt direct, car on ne saurait penser la francophonie sans un public large, permettant d’embrasser la langue française dans toute sa diversité musicale.
La classe : Alex Beaupain
Sur scène, Alex Beaupain joue au petit malin. Au moment où il joue, il pleut sur Montréal : son dernier album s’appelle Après moi le déluge et il ne manquera pas de le souligner. Les blancs seront ainsi systématiquement ponctués de son humour faussement cynique et de son charme canaille. Il fera semblant de maltraiter ses musiciens, semblant de se foutre d’être là, semblant de se moquer de tout. Mais les jours suivants, on le croisera toujours dans le public, assistant avec curiosité à un tas de concerts avec ses musiciens d’amis. Lui chante des chansons d’amour, on le sait. Comme dans le film de Christophe Honoré – pour qui il aura d’ailleurs un petit mot (une petite vanne, en fait) – il peint les méandres du couple avec une sensibilité bien à lui. C’est là, quand il chante avec légèreté, qu’il faut prendre Alex Beaupain au sérieux.
La phrase : Benjamin Biolay
« Ça fait un bien fou, merci ! »
BB est en sueur, il se lâche, danse et ne boude pas son plaisir. Le public non plus, d’ailleurs. Deux rappels en fin concert, et puis des cris, aussi. Il y a eu Fauve en première partie, et puis Ariane Moffatt le temps d’un duo sur Brandt Rhapsodie. Un concert beau, long et classe, et cette petite phrase à la fin. On pourrait dire la même chose aux FrancoFolies de Montréal, en leur souhaitant un prochain quart de siècle aussi riche que le premier.
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