En pleine tournée marathon, les chouchous du rock britannique s’arrêtent au Zénith de Paris pour deux soirs. Evénement de ce début novembre, on ne pouvait décemment pas rater ça.
Un Zénith, c’est grand et impersonnel, et ça nécessite un tour de force pour arriver à électriser une foule. Bonne surprise donc quand, dès la première partie (exercice délicat s’il en est), la magie opère. Ce sont les Eagles of Death Metal qui s’y collent, et bien que ce ne soit pas leur public, le rôle de chauffeurs de salle leur va comme un gant (de cuir bien sûr). Il faut dire que ce sont tout sauf des amateurs ; alors certes la voix de Jesse Hughes n’est pas extraordinaire, mais la sauce prend facilement et leur bluegrass énervé martèle les tympans à grand coup de botte. À la fin de leur set, le Zénith est à bloc et ne déchantera pas de la soirée.
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Une heure et quelques sifflements impatients plus tard, la salle s’éteint et le concert commence. L’intro est digne d’un show de stade de fin de carrière : sobre mais imposant, le rideau s’ouvre sur un bain de lumière aveuglante duquel se détachent les silhouettes des Monkeys, comme autant de princes auréolés de gloire venus chercher leur couronnement. Passé l’impression Johnny-Hallyday-au-Parc-des-Princes, Dance Little Liar donne le coup d’envoi. La scène est simpliste (et ils n’en occuperont que le quart) et éclairée façon vitrail de cathédrale, ce qui donne au tout un côté messe initiatique assez surprenant. Dès les premières notes, la salle décolle, le bulldozer est lâché. Et c’est ce qui sera le plus impressionnant durant ce concert : le public, convaincu et acquis avant même l’ouverture du rideau, vient acclamer ses héros qui ne se donneront pas la peine de faire le moindre effort pour impliquer une salle déjà conquise.
Musicalement tout est parfait, les quatre gars maîtrisent leur affaire, la voix est posée, les guitares sont sans surprises mais font leur boulot. Mention spéciale au batteur cependant, véritable charnière du groupe sans lequel tout tomberait à plat puisqu’il pousse littéralement les autres.
Côté présence par contre, le quota est loin d’être rempli. Alors à qui la faute…à une salle difficile car trop grande pour ce genre de concert ? à un public qui contrôle de bout en bout la prestation ? ou à un groupe qui, sûr de son succès et de la qualité de sa musique n’a pas jugé bon de venir attraper son public par les tripes et a préféré se reposer sur l’ambiance latente et porteuse ?
Les tubes s’enchainent, Brianstorm, I Bet You Look Good On the Dancefloor, My Propeller, Crying Lightning, The View From the Afternoon…et toujours aucun investissement. Alors oui le son est bon, très bon, un poil meilleur que dans ma salle de bain parce que plus brut, plus garage, et c’est d’ailleurs là l’intelligence de la setlist, avoir savamment mélangé les morceaux des trois albums. Aucun faux pas dans l’interprétation, qui manque peut être d’originalité, de proposition et de prise de risque. Mais le groupe ne contrôle absolument pas son public, ne peut l’emmener nulle part et se laisse même dominer par l’enthousiasme de la salle. Quelques tentatives de réinterprétation pointeront le bout de leur nez mais aussi tôt avortées par un public qui connaît le répertoire sur le bout des doigts.
Turner ne bouge pas d’un pouce, et heureusement que les écrans sont là pour aider à faire passer quelques bribes d’émotion, même si sa voix lancinante suffit généralement à créer l’ambiance. O’Malley à la basse passera les trois quart du concert de dos. Jamie Cook sera coincé entre Turner et le rideau et ne sortira pas de sa bulle. C’est un peu l’ère de la nonchalance guitarisée, mais encore une fois le son suffit à faire décoller tout un Zénith qui s’enflammera dès les premiers grattages de When The Sun Goes Down. Turner lâchera sa guitare à deux reprises, se rapprochant timidement du devant de la scène et s’adressant pour une fois véritablement à son auditoire qui ne demande que ça depuis le début du concert. Secret Door conclut le set principal.
Le rappel se fait avec Fluorescent Adolescent, et là tout change en l’espace de quelques secondes. Le groupe a repris le dessus, et réinvente sa chanson, la laisse planer pendant deux bonnes minutes, garde le contrôle de sa musique et l’impose au monstre qui lui fait face pour ce qui restera un des plus beaux moments de cette soirée. 505 assure l’atterrissage de façon magnifique, Turner quitte une scène noyée dans la lumière après un « Merci Paris, goodnight ! » et laisse ses potes terminer la chanson.
Pour moi le mystère reste entier : pourquoi me suis-je laissé prendre au jeu d’un groupe qui apparemment ne voulait pas jouer avec moi ? Après tout, peut être ne sont-ils que les dépositaires d’une musique assez géniale pour se suffire à elle-même…je préfère ça à l’idée d’un groupe blasé par leur propre succès…
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