Sous les pins parasols et la chaleur écrasante du Sud s’est déroulé la neuvième édition du Midi festival. De The Horrors, Los Porcos et Mykki Blanco à King Krule, Temples et Mount Kimbie, on y était, on vous raconte.
La claque : The Horrors
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On parle de claque au sens propre du terme tant le niveau de décibels du concert des Anglais dépassait la limite légale. Contrairement à leur aîné Peter Hook juste avant eux, la bande de Faris Badwan joue très fort, mais fin, tout en boucles de riffs et de synthés aussi psychédéliques que sombres. De Mirror’s Image, en ouverture, Who Can Say et Sea Within A Sea – tous trois extraits de Primary Colours –, à I Can See Throught You et Still Life tirés du dernier album en date, Skying, The Horrors déploient leurs fins épiques et leurs montées tout en tension, égrainant au passage quelques nouveaux titres très prometteurs d’un album à venir l’an prochain. « Nous sommes les horreurs » lance Badwan au début du concert : des horreurs fascinantes d’une sinistre beauté.
Les déceptions : Mount Kimbie et AlunaGeorge
Deux duos anglais et deux déceptions en cette deuxième soirée à l’Hippodrome. Si Mount Kimbie a sans aucun doute manqué son live (son étouffé, manque de fluidité) malgré un featuring (pas vraiment) surprise et réussi de King Krule sur You Took Your Time, c’est surtout AlunaGeorge qui a laissé sur le carreau toute une foule prête à en découdre avec un album tout juste sorti (le bouillant Body Music) bâti pour la moiteur de l’été et les déhanchés. De déhanchés, il y a eu peu, en particulier du côté d’Aluna Francis, bombe de scène et Mrs Hyde du duo qu’elle forme avec George Reid. Celle qu’on avait pris l’habitude de voir se déboîter le col du fémur à chaque concert est restée bien statique au son des pourtant tubesques, ultra sensuelles (voire carrément sexuelles) Attracting Flies, Your Drums, Your Love et Just A Touch. On se dandine un peu sur You Know You Like It, on croit enfin apercevoir le début d’une vague de chaleur sur la reprise de This Is How We Do It, puis sur celle de White Noise de Disclosure, titre auquel Aluna prête sa voix, mais il n’en est rien : le show des Britanniques reste plutôt plat, parfois poussif. On met ça sur le compte de la fatigue et du début de canicule : si les Mount Kimbie ont maintes fois prouvé leur habileté à déroulé des concerts hypnotisants, on espère qu’AlunaGeorge va retrouver sa mobilité. Surtout au niveau du bassin.
Les héros : Los Porcos
Outre les valeureux bénévoles qui ont, pendant tout le weekend, déplacé tout le beau monde mentionné ici de l’Hippodrome à la plage de l’Almanarre ou à la Villa Noailles, de jour comme de nuit (merci les gars), les héros de ce Midi sont sans conteste les doux dingues de Los Porcos. Formée de trois ex-WU LYF – le bassiste (qui jouait aussi en solo sous le nom de Francis Lung – voir plus bas), le batteur et le guitariste –, et de membres des groupes Famy et Profondo, la formation de sept musiciens a pris tout le monde de court en livrant un concert, leur troisième seulement, en place et franchement jubilatoire. Tous vêtus de blanc (mention spéciale au tshirt du chanteur affichant « New Pork City »), casquettes de marins vissées sur la tête pour certains, colliers de fleurs autour du cou pour d’autres, les sept acolytes ont déroulé leur poignée de titres à l’exubérance contagieuse. Aussi nonchalant que psychédélique, second degré que funky en diable, le rock déluré de Los Porcos donne vie à une version de La Croisière s’amuse où Ariel Pink serait le capitaine du bateau. On s’agite comme des petits fous sur Jesus Luvs U Baby, et surtout sur C.F.W et son groove fatal à la Get Lucky, et Do You Wanna Live? et ses voix hauts perchées. On salue le don des Mancuniens et de leurs nouveaux collègues pour faire du neuf avec du vieux avec un détachement bienvenue, sans avoir l’air de recycler quoi que ce soit. En voyant les jeunes garçons danser joyeusement sur les cendres de WU LYF, on est alors vite gagné par un sentiment : Los Porcos n’est pas un enterrement mais une résurrection festive, une boom de potes à laquelle tout le public est invité. Vivement la prochaine.
Les découvertes : Swim Deep et Only Real
On suivait le rouquin d’Only Real, alias Niall Galvin, depuis un petit moment sans jamais l’avoir vu en live. C’est donc chose faite depuis la dernière soirée du cru 2013 du Midi festival où l’Anglais a brillé avec son rock qui n’en est pas. Entre un Jamie T. idéaliste et un King Krule presque jovial, le gamin, 22 printemps, possède un flow de slacker à la nonchalance étrangement joyeuse. On danse à l’écoute de Backseat Kissers, tandis que les cigales de la Villa Noailles accompagnent le concert. Plus tard, c’est Swim Deep que l’on découvre sur scène pour la première fois. La bande de Birmingham égrène dans la bonne humeur ses petites bombes pop. Pas de révolution ici, mais le tout tient la route et semble même plus gai et moins conquérant que sur disque (King City notamment). C’est pourtant avec une reprise de Girls Just Want To Have Fun de Cindy Lauper à la coolitude toute juvénile que les jeunes Anglais attraperont le public dans leur filet sans avoir à plonger en eaux profondes. Deux bandes d’Anglais à suivre de très près.
Le WTF : Mykki Blanco
Mykki Blanco a une casquette sur la tête, un short de boxer, un flow à rendre vert de jalousie ses collègues américains et des titres noirs à faire détaler un méchant pit bull. Mais Mykki Blanco est aussi en porte-jarretelles blanc, hurle « I’m a freak » toutes les quinze secondes et ondule comme une stripteaseuse de Las Vegas. Le jeune prince des rappeurs queer, Frank Ocean en talons aiguilles, a donné une bonne leçon de brouillage des pistes à l’Hippodrome en exposant sa règle première : il n’y a pas de règle. On a donc assisté à un freak show plutôt dément, le genre de concert où l’on ne sait jamais vraiment où l’on va atterrir. Ça danse sur la console, ça s’agace, ça saute dans le public, ça alpague les premiers rangs, mais surtout ça rappe vite et bien, sombre et tranchant, le tout, sur fond d’instru minimales bien senties. Un WTF jouissif.
Le voyage : Temples
Les Doors, c’est leur dada. Avec leur rock seventies ample et grisant, la formation chevelue de Kettering a transporté la Villa Noailles très loin dans le passé pour clôturer l’édition 2013 du Midi festival. On y a croisé Jim Morrison, mais aussi tout un tas de drogues non-identifiées, les mêmes que prennent sûrement Tame Impala, grands frères australiens de ces Anglais doués. On joue serré chez Temples, mais on sait aussi donner de l’envergure à un rock qui aurait pu rester étriqué dans sa capsule tout droit venue des années 70. On respire alors des vapeurs de champignons hallucinogènes qui feraient passer les pins parasols pour de gentils géants et les cigales, pour des étincelles. Le meilleur nouveau dealer, c’est Temples.
Le rockeur de diamant : Peter Hook & The Light
Première soirée de festival, 21h30 : Peter Hook monte sur la scène de l’Hippodrome entouré de son groupe. Moment de nostalgie intense pour certains, unique occasion d’entendre, en live, des titres découverts dans la discothèque des parents vingt ans après la mort d’Ian Curtis pour d’autres : chaque spectateur a une raison d’assister au concert de l’ex-bassiste de Joy Division et de New Order. Pour l’avoir déjà vu reprendre tout Unknown Pleasures il y a quelques années, on s’en serait personnellement bien passé. Balourd, gonflé à bloc, Peter Hook joue – quand il joue, son fils assurant la plupart des lignes de basse – gros, fort et gras. Il brandit le poing sans cesse, hurle des « let’s do this » et prend des poses de rockstar en plein milieu de Love Will Tear Us Apart, engonce la finesse, la tension et l’âpreté de Joy Division dans un carcan de stadium rock écrasant. On pourrait trouver ça touchant, on a plutôt l’impression de voir quelqu’un tremper le plus fin des mets dans de la sauce barbecue McDo, de voir Johnny Halliday reprendre du Etienne Daho. Et d’assister à la grande démonstration de force d’un mythe qui n’a, semble-t-il, pas bien compris le sens de son ancien groupe.
Le moment de solitude : la coupure d’électricité à la plage de l’Almanarre
Après Henrik Schwarz le premier jour, et avant Justin Martin plus tard dans la soirée, on a eu envie de serrer Pépé Bradock très fort dans nos bras pour compenser la grosse coupure d’électricité et les soucis de sons que le DJ français a essuyés pendant son set sur la plage de l’Almanarre. Peu importe les conditions, les spectateurs sont restés fidèles au poste jusqu’à très tard dans la nuit. C’est aussi ça le Midi.
Les petits chatons : Francis Lung et King Krule
D’un côté, King Krule, alias Archy Marshall, 18 années au compteur, pâleur inquiétante, maigreur d’ado et rousseur d’Anglais. De l’autre, Francis Lung, aka Tom McClung, 23 ans, ex-bassiste de WU LYF blondinet qui officie désormais dans Los Porcos donc, mais aussi en solo. Deux jeunes garçons que tout pourrait réunir et qui ont pourtant livré, à leur façon, deux concerts diamétralement opposés. Quand King Krule s’agace en poussant sa voix de centenaire jusqu’au déraillement et entoure son flow de rappeur Tesco d’un jazz en jogging parfois franchement lassant (sa blue wave donc), Francis Lung, lui, joue seul, à la guitare ou sur des instru, maladroit mais touchant, des titres à l’étrange mélancolie, à la colère rentrée et au romantisme idéaliste. On regrette le manque de charisme de Marshall, un peu perdu sur la grande scène de l’Hippodrome, entouré de ses gamins de musiciens tout aussi mal à l’aise que lui. On loue le rock brut de Lung, rêvé chez Alex Chilton et Mazzy Star. Quand l’un ferait passer les xx pour les gens les plus enthousiastes du monde malgré des sursauts de beauté (Out Getting Ribs, Crocodiles), l’autre pique au cœur par une certaine grâce imparfaite encore à modeler. Quand Marshall déçoit par son manque d’audace, Lung surprend par sa spontanéité. On espère que le premier se rattrapera à la sortie de son premier album fin août, et que le second confirmera cette première impression avec le sien, à venir.
La photo
Où est le cool ? Dans la veste de Joe Manning, batteur de Los Porcos.
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