Les ridicules Green Day et 30 Second To Mars, l’événement Bloc Party, la déception Alt-J, la folie Kendrick Lamar, les mystérieux La Femme. Durant trois jours, et devant plus de 100 000 spectateurs, la 9ème édition du Main Square Festival n’a pas toujours tenu son rang, mais a tout de même réservé son lot de joies intenses. On y était, on vous raconte.
L’évènement : Bloc Party
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A Arras, beaucoup attendaient certainement les performances de Green Day, de 30 Second To Mars ou d’Indochine. A leurs côtés, il y avait pourtant d’autres mastodontes, plus intéressants et plus subtils : The Hives et Bloc Party, par exemple. Ces derniers, qui entament peut-être leur dernière tournée (en plus des rumeurs annonçant leur séparation prochaine, c’est désormais la batteuse du New Young Pony Club, Sarah Jones, qui assure les concerts suite au départ il y a quelques jours de l’emblématique Matt Tong), enchainent les tubes, sans complaisance ni concessions. Après les assauts électriques de Banquet ou d’Helicopter, l’ambiance vire ainsi à l’électro-pop en fin de concert sur One More Chance et son refrain redoutablement efficace : « Give One More Chance To Love You ». Pas besoin les amis, on est déjà conquis.
La surprise : Haim
Il y a quelques mois, on s’enthousiasmait pour le rock vintage aux accents pop et r&b des Californiennes de Haim. Leur présence au Main Square Festival était donc l’occasion d’aller vérifier que l’amour qu’on leur porte n’était pas qu’un vulgaire coup d’un soir. Les premières minutes suffiront à dissiper ces possibles doutes : bien plus que sur disque, Haim en live, c’est sensuel, eighties et électrisant. Mais le charme troublant et revitalisant de ces mélodies innocentes et sexy tient surtout à la cohésion dont semblent faire preuve sur scène ces trois petits bouts de femmes (accompagnées d’un batteur pour l’occasion). Une cohésion qui leur permet d’être tour à tour insolentes et glamours, branleuses et classes. D’incarner un certain esprit rock, tout simplement.
La déception : Alt-J
Malgré tout le respect que l’on doit à ces Anglais, à leur électro-pop exigeante et à leur hostilité envers toute forme d’orthodoxie pop, leur prestation déçoit. Alors que leur vénérable premier album (An Awesome Wave) est un fabuleux condensé de maîtrise, d’élégance et d’excentricité, le quatuor semble ici chercher un équilibre, qu’il ne trouve pas. Par manque d’audace et de panache certainement. Même Matilda, pourtant peu encline habituellement à embraser notre vague à l’âme quotidien, peine à décoller, trop engluée dans les bidouillages électroniques de ces jeunes trublions de Leeds. De ce triste concert, on ne retiendra, consciemment ou non, que les trois derniers morceaux (Breezeblocks, une reprise de College, Real Hero, et Taro), sans doute les plus inspirés.
La découverte : Madeon
On aurait pu aisément citer Klink Clock, ses guitares saturées et son rock fracassé, mais la performance de Madeon samedi soir fût telle qu’elle restera à coup sûr comme l’un des temps forts de cette neuvième édition. Il faut dire qu’en l’espace de quelques mois, le jeune nantais a réussi une performance rare : cumuler des millions de vues sur Youtube, multiplier les productions et les dj’s sets, assurer des performances de haute volée dans les plus grands festivals du monde, le tout sans avoir sorti le moindre album. Visuellement puissant, son live a aussi pour principale qualité de ne pas négliger l’art du mix. Un exercice qu’il maîtrise visiblement à la perfection, entre house lancinante et électro futuriste, et qui invita la foule à céder à la transe jusqu’au petit matin.
Les WTF : Left Boy et La Femme
Un rappeur, un dj, sept danseurs, des skateurs, une bataille de ballons gonflables et de multiples projections de rouleaux de papier toilette en guise de confettis, c’est la formule étrange et rigolote proposée par Left Boy qui, en dépit d’un hip-hop consensuel et de beats sans grande saveur (les nombreux samples de Lana Del Rey, Justice ou Eurythmics en témoignent), amuse la foule. Dans le genre loufoque, on préférera toutefois La Femme dont la prestation, tout en maîtrise et en sincérité, reste loin des modèles imposés. Plus qu’un live, les Biarrots emmènent avec eux le spectateur dans une sorte de petit théâtre mélodramatique étonnamment mis en scène. Un théâtre où Marlon, guitariste et chanteur de la troupe, nous convie d’emblée : « aujourd’hui, la Femme vous donne du plaisir. » Plaisir jouissif rajouterons-nous à la fin du concert.
La claque : Local Natives
Bien que moins ambitieuse que celles, intrigantes mais inégales, de The Prodigy, de Stereophonics et d’Archive présents sur la même scène durant les trois jours du festival, la performance de Local Natives constitue une agréable démonstration d’orchestration et de retenue, de folk-songs espiègles et de fougue joyeuse. La recette de ces hipsters made in L.A est maline : qu’il s’agisse des singles You & I et Airplanes, des méticuleux Sun Hands et Heavy Feet ou des orfèvreries pop Wild Eyes et Ceilings, ils offrent un prodigieux condensé de mélodies joyeusement sautillantes et libres. Sans oublier une ou deux reprises, comme cette cover des Talking Heads (Warning Signs) où les Californiens se font plus massifs et terminent de rendre cette journée ensoleillée plus légère et plus belle encore.
Le héros : Kendrick Lamar
Au sein d’une époque où les concerts de rock ne suscitent plus dans leur grande majorité que statisme et révérence, il n’y a bien que les rappeurs pour remettre un peu de désordre et d’impertinence dans cet exercice désormais conventionné. A ce jeu, Kendrick Lamar s’impose comme un héros évident. Pendant une heure, le meilleur représentant de la scène West Coast actuelle, animé d’une énergie bouillonnante, fait de chacune de ses chansons une performance live à part entière. A signaler également une certaine aisance et une certaine nonchalance à s’autoriser toutes les extravagances, comme sur Real et Poetic Justice où, entre deux pogos fiévreux, il ralentit le rythme et bascule dans un univers jazzy à faire pâlir d’envie les fans de Mos Def. Ou comment être swing tout en étant swag.
Le relou : Wax Tailor
On a beau aimer d’amour les quatre albums de Wax Tailor (enfin, surtout les deux premiers), on est toujours déçu de constater à quel point la maestra de son répertoire, qui oscille entre abstract hip-hop, boucles jazzy et rengaines soul, ne prend pas sur scène. S’il a bien su faire évoluer ses morceaux depuis quelques années – grâce notamment à l’apport de vrais musiciens et d’une scénographie-, il ne parvient toujours pas à éviter quelques longueurs. Il y a bien ça et là quelques moments de douces extases (les classiques Que Sera, Sometimes et Time To Go suscitent même l’excitation), mais ils ne suffisent pas à balayer un certain académisme et un ennui évident – peut-être accentué, il est vrai, par une fatigue inhérente à toute fin de festival. Dommage.
Le moment de solitude : 30 Second To Mars
Que Jared Leto, le playboy des teenage goth, tente l’aventure musicale, soit. Qu’il se fade de quatre albums au rock marketé et daté, à la limite. Mais qu’après quinze années d’existence et une pléiade d’attaques au fer rouge contre le bien être de nos oreilles, il continue à passionner autant les foules, sérieusement ? Autant être franc : c’est davantage par contrainte que par véritable intérêt que l’on assiste au show de l’acteur de Requiem For A Dream et de ses 30 Second To Mars. Un show qui, de par des mélodies franchement vulgaires et une attitude foncièrement surjouée, se révèle rapidement grandiloquent, caricatural et souvent confondant de naïveté – comme si les Californiens cherchaient à condenser le rock dans ses pires excès. C’était sans doute prévisible.
Le vieux : Sting
Si l’on est toujours en droit de s’interroger sur l’état de santé d’un musicien qui, depuis presque vingt ans, présente une musique moins inventive et plus terne, la prestation de Sting samedi soir avait de quoi rassurer. Toutefois, s’il semble en avoir encore dans le ventre, notamment grâce à une succession de tubes à l’universalité désormais certaine (il est d’ailleurs plutôt réjouissant de voir petits et grands chantaient ensemble des titres comme Message In A Bottle, Englishman In New York ou Every Breath You Take), le concert devient malgré tout peu à peu monotone, notamment lorsque l’ex-Police entame ses dernières compositions qui, soyons-francs, ne génèrent pas beaucoup d’excitation, pas autant en tout cas que celles issues des décennies précédentes. A 60 ans passés, cela pourrait paraître logique, finalement.
La phrase du jour
« Bon, il n’a pas bientôt fini Benabar là ! – Non, maman, c’est Balthazar qui est sur scène. »
Voici l’étrange (et bref) dialogue auquel nous avons assisté entre une mère et son adolescente de fille. Le faussé des générations dirons-nous.
La photo du jour
Pas toujours de bon goût, on a tout même sourit face à la poésie et l’esprit allègrement ouvert de quelques festivaliers lors du concert de Sting.
{"type":"Banniere-Basse"}