Pour la cinquième année consécutive, le festival Crossover a investi la ville de Nice, pendant une belle petite quinzaine électro. On y était, on vous raconte.
L’évènement : Kavinsky
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Bien que le festival Crossover ait officiellement ouvert sa programmation le 25 mai dans la superbe Villa Arson – avec un live du binôme berlinois Âme -, c’est véritablement vendredi dernier que les festivités ont commencé à faire frémir la surface de la Baie des Anges. Le premier acte avait lieu au Chantier Sang Neuf, dans les Abattoirs de Nice. Peu de choses à dire à sur le compte des premières parties : les minots-locaux d’A.Jam sont encore un peu verts et Dirtyfingerz a joué techno. Un set trop fort et très dur, qui ne signifiait pas grand chose vu qu’il était tout juste 21 heures, et qu’on était tous à jeun. En fait, beaucoup étaient venus pour écouter Kavinsky, qui peut se targuer d’avoir véritablement joué l’openig de cette 5ème édition du Crossover. Dans la fosse, pas mal de gamines ont fait le déplacement pour entendre Nightcall. C’est là un des intérêts du fait que le tube de Drive soit en rotation à peu près partout : le public (re)découvre le cinéma de l’incroyable metteur en scène Nicolas Winding Refn et – d’autre part – (ré)écoute les précieuses productions de l’impétueux Vincent Belorgey aka Kavinsky.
Wayfarer sur le nez et clope au bec, le Silver fox de l’écurie Record Makers réservera son appel de nuit en guise de clôture. Auparavant, il aura égrené un set un tantinet inégal sur le départ, mais sur l’ensemble très cool et dansant, tendu même, avec quelques montées carrément épiques. Les anciens abattoirs ont tremblé, le dancefloor se vide trop vite, une belle moitié du public restera tout de même pour accueillir Para One qui lui rendra bien, avec un live comprimé entre house technoïde et boucles chaudes.
La découverte : le Pandabar
La découverte du Crossover – crû 2013 – c’est le ravalement de façade qui s’est opéré il y a peu au début de la rue du Moulin dans le Vieux-Nice, avec l’inauguration du Pandabar. Ouvert en lieu et place de l’historique Deux Frères, le Pandabar, c’est le QG officiel, l’extension urbaine et club de Panda Events, la structure qui organise le festival Crossover. Cette nouvelle proposition électronique, dont la programmation est entièrement entre les mains de Panda donc, est clairement bienvenue dans le quartier historique de la ville. Car hormis le Smarties, le Bliss Bar ou le Hi Beach côté plage, la jeunesse niçoise n’est pas vraiment gâtée côté vie nocturne. À moins d’être mordue de pubs pour touristes anglais, établissements qui détiennent ici les records de vidage de fûts et de baston de rue. Oui, fêtes débridées et projets artistiques de qualité se conjuguent rarement ensemble sur la Côte d’Azur… Une donne qui – beaucoup l’espèrent -, va sensiblement se renouveler en centre ville grâce au Pandabar.
Le club aura ouvert sa semaine Crossover en excellente compagnie de l’Amateur, très raffiné selector phocéen également co-programmateur du Midi Festival, suivi de Prosper, Alberto Balsalm, Anticlimax ou Selecter The Punisher. Entrée gratos, cool sécu et happy hour auront maintenu une moyenne d’âge assez jeune mais plutôt racée. Un nouveau venu à suivre, de près. More ? Here.
La claque : Aufgang
La claque de l’édition 2013, c’est évidement le lancement de la première soirée Symphonic Club, mardi 4 juin. L’idée ? De l’électro qui se paye un Opéra. Ou le téléscopage réussi entre pianos, cordes, séquenceurs, nappes électroniques ou samplers, le tout servis dans un écrin historique, érigée pour recevoir initialement des œuvres symphoniques. Au menu de l’Opéra de Nice ? Aufgang, combinaison insolite entre deux pianos et une batterie. Signé chez InFiné, le trio parigot porte le Crossover dans son A.D.N. puisqu’il joue de la techno au piano. Audacieux. Et couplé à une prestation scénique massive, qui a allumé la mèche à un public très entamé (pour un mardi). Les fondations rythmiques sont percutantes, les montées redoutables. De la fosse d’orchestre aux balcons, le public s’enflamme, la sécu du bâtiment aussi. Qu’importe : beaucoup des niçois présents ce soir là à l’Opéra n’y avaient jamais foutu les pieds, mission accomplie.
La photo : Nina Kraviz
Non, on ne va pas rajouter de bulles dans le bathgate de Nina Kraviz. Bathgate ? Promis, le titre de cette non-affaire n’est pas de nous… Rappel : en mars 2013, la Djette est le sujet d’un petit reportage signé Resident Advisor. Un docu dans lequel la productrice russe a le malheur de répondre à une question à poil dans son bain, s’attirant par la même les foudres rétrogrades d’une partie de la scène électronique, qui l’accusent de délit de posture ou de scandale. Beaucoup de mousse pour rien : samedi soir aux Abattoirs, la jeune artiste a distillé un set booty house imparable. Signée Lionel Bouffier, cette photo de live saisie en plein milieu de son mix, donne à voir Kraviz dans toute sa splendeur : en cuir, vinyles et talent.
La surprise : la Tcheaz Party
Jeudi 30 mai le Crossover prenait les platines du Pandabar, et invitait aux manettes du club Anticlimax ainsi que les deux frangins de Diapositive – trois des nombreux agitateurs du collectif Tcheaz – à inaugurer leur première soirée en tant que label constitué avec la Tcheaz Label Night. Le grand écart musical, ça ne fait mal qu’à ceux qui n’ont rien entre les oreilles : les Dj’s et producers de Tcheaz le savent et n’ont pas hésité pas à égrener sur la jeune piste du Pandabar une vision panoramique et sans œillères de la musique électronique. Des sets aux basses rebondies, aux beats galopants, plombés de tubes, pour un dancefloor qui s’est étoffé au fur et à (dé)mesure de la nuit. Active depuis 2007 à Marseille et surtout au-delà, Tcheaz, structure au line-up changeant, héberge en son sein Dubmood, Spazm ou Simon, guitariste du trio Nasser. Tcheaz, c’est une réunion de graphic ou de sound designers, des podcasts, des gens talentueux, une émission mensuelle sur les ondes de la radio phocéenne Grenouille (88.8 FM), des sets débridés et désormais : des albums et Ep’s. Dont ceux du binôme Diaposive par exemple, ou de l’Aixois Tomalone, qui attend sa première sortie au sein de l’intrépide écurie marseillaise : “auparavant bercé dans le beatmaking, Tomalone ressuscite aujourd’hui sous les traits d’un crooner digital” nous confie Anticlimax entre deux tracks. Ramenée à son nombre de (bons) Dj’s, Marseille produit très peu, et c’est bien dommage. “Beaucoup d’artistes locaux partent ou signent ailleurs, faute de reconnaissance à domicile” déplore le selector barbu. “Nul n’est prophète en son pays, la scène électronique le sait, mais ce constat cruel est particulièrement vrai à Marseille.” De fait, Tcheaz prend le large régulièrement. On les croisera tous l’été sur les dancefloors sudistes ou à distiller leurs productions online.
Les relous : Nôze & The Bling Bloum Band
Même accompagné d’un Bling Bloum Band additionnel, le duo Nôze n’aura pas réussi à étoffer son live. Parce que la rythmique colle, et la voix agace. Le concert de Nôze semble n’être qu’un enchaînement d’intros, vaguement arrangées. Entre mélancolie surfaite et métissage musical gadget, aucun contour, ni reliefs ne se dessinent. Ça gratouille, ça chantonne, ça s’écoute jouer. Trop précieux. Nôze ? Sur ce coup-là, l’orga du Crossover a manqué de pif.
La phrase : “Contester comme un punk, c’est donner raison à papa.”
Une pointe que l’on doit à Michel Sajn, sémillant rédacteur en chef du bimensuel local La Strada et co-producteur du festival. Vie culturelle, place des quartiers, opacité des élites, violence du libéralisme qui sévit sur la Côte d’Azur, évolution de l’identité niçoise – campée entre la France et l’Italie -… Patron de presse alter, ex-keupon et surtout citoyen militant, Michel connaît bien la ville et ses paradoxes. “Contester comme un Punk, c’est donner raison à Papa. Ce que je veux dire par là c’est que le rapport d’affirmation frontal, direct, n’est pas toujours le meilleur moyen de se faire entendre. Se construire entièrement en opposition, c’est risquer de servir de faire-valoir, c’est, d’une certaine façon, homologuer l’ennemi. Regarde les actions de la structure Panda 06, des plages électroniques à Cannes au festival Crossover, ils proposent une alternative, d’autres espaces d’expression. Contester, c’est ça. C’est exister autrement, à côté, en dehors des tracés politiques ou institutionnels. Proposer de nouveaux territoires, c’est ça la vraie subversion, c’est ça qui les fait le plus flipper ici !” Eux ? Mais qui ? “T’inquiète ils se reconnaîtront.”
La Strada est un culturel salvateur à Nice, dont on évoquait la vie tumultueuse il y a peu, ici.
Photos © Lionel Bouffier
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