Depeche Mode, The Vaccines, Kings Of Leon, Benjamin Biolay, Klaxons, The Hives, Vampire Weekend : le BBK Live a accueilli du très lourd pour trois jours de festivités dans les montagnes de Bilbao. On y était, on vous raconte.
L’évènement : Depeche Mode
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La tête d’affiche du festival, le concert le plus attendu aussi peut-être (avec Greenday, voir plus bas). Quelques semaines après le Stade de France, les Anglais investissaient donc le BBK Live avec leur show imposant sur fond de grands écrans diffusant des vidéos de chiens (sisi). Outre le décor, on retiendra surtout la classe et le sex appeal de Dave Gahan qui, plus de trente ans après ses premiers pas sur scène, n’a rien perdu de sa ferveur new wave lorsqu’il passe de Welcome To My World, extrait de Delta Machine et ouverture du concert, aux hits mondiaux du groupe (Personal Jesus, Just Can’t Get Enough, Never Let Me Down Again). Il y a une intensité prenante et une ambiance religieuse pendant tout le live des Anglais, dont le gourou excelle en rage contenue et en charisme noir, même lorsque le concert est interrompu provisoirement par une coupure d’électricité. Il sera d’ailleurs bien difficile de rivaliser : programmés à la suite de leurs aînés, les Two Door Cinema Club feront bien pâles figures sur la grande scène malgré un set appliqué.
La déception : Vampire Weekend
Vampire Weekend a joué fin et malin. Vampire Weekend a fait une belle démonstration de virtuosité, de précision et d’habileté à s’attacher aux détails les plus petits de leurs chansons. Oui mais voilà, Vampire Weekend avait oublié qu’il jouait devant 35 000 personnes passablement éméchées après les Hives et avant Greenday. Absurdité de programmation pour certains, fatalité des festivals pour d’autres, le concert des New-Yorkais entre les deux grosses machines suédoise et américaine a donc malheureusement manqué d’un peu de punch et d’adaptation à une scène construite pour faire sauter les foules. Plus sensible aux classiques et festives Cape Code Kwassa Kwassa, Oxford Coma, Walcott et A-Punk et même au nouveau Diane Young qu’aux plus calmes et délicates Step, Ya Hey et Everlasting Arms, le public espagnol n’a pas boudé le show (à part le premier rang, déjà là pour assister à la grande messe Greenday), mais est resté bien statique et circonspect devant un concert qui aurait été parfait pour une Cigale, mais s’est avéré trop faible pour le BBK. Dommage.
Le WTF : Johnny Borrel & Zazou
Johnny Borrel, ex-leader de Razorlight de son état, avait disparu depuis un petit moment. On l’a retrouvé (ainsi que ses bouclettes) ce weekend au BBK Live où il était programmé avec son nouveau projet Johnny Borrel & Zazou. En fait de zazou, on parlera plutôt de grand n’importe quoi : accompagné d’un batteur pieds nus tapant sur des fûts couverts de fausses peaux de léopards et d’un saxophoniste, Borrel est, semble-t-il, passé du côté pseudo-hippie de la force, tentant un savant mélange de rock romantique et de jazz bricolé dont on n’a toujours pas identifié le but. C’est daté, pas franchement efficace, ni en place, mais au moins, Johnny a eu l’air de bien rigolé.
Les petits chatons : The Bots
On avait déjà pu assister au live des bébés de The Bots (15 et 18 ans) au festival des Inrocks 2012 et au Primavera Sound cette année. On y revient une fois de plus tant les Californiens détiennent les clés d’un punk crado tout en énergie juvénile. Chez les Bots, les riffs partent dans tous les sens, le diable n’est pas contenu, rien n’est calculé, mais on s’en fiche pas mal car c’est l’intention qui compte : celle de donner la malicieuse impression que les chansons sont créées en même temps que se déroule le concert, celle qui veut que l’on se roule par terre rattrapé par sa propre ardeur. Ça joue fort et décousu chez l’aîné à la guitare, ça tape comme si sa vie en dépendait chez le cadet à la batterie si bien que l’on finit par avoir la sensation d’assister au live de deux gosses un peu branleurs et tout de blanc vêtus qu’on aurait laissé seuls dans un parc d’attraction géant. Une bonne alternative sans filet au concert très prévisible et carré des Hives qui avait lieu, malheureusement pour les Bots, en même temps.
Le voyage : The Hives et Klaxons
D’un côté, la grosse machine Hives et son grand show théâtral monté sur ressort. De l’autre, la nu-rave hypnotique des Klaxons et leurs tubes fluo encore bien flashy. On a déjà fait le coup pour Villa Aperta, mais le sentiment d’avoir été transporté respectivement en 2000 et 2007, dates de sorties des premiers albums des deux formations, était, en ce deuxième jour de festival, bien réel. Chez les Anglais comme chez les Suédois, on a assisté à des lives somme toute assez jouissifs – les derniers dominants toutefois les premiers grâce à leur maître loyal à l’énergie débordante (Pelle Almqvist, Marsupilami en costume trois-pièces). Des vieux tubes Golden Skans et Atlantis To Interzone aux nouveaux Rhythm Of Life et New Reality pour les Klaxons, des explosifs Hate To Say I Told You So, Tick Tick Boom à Go Right Head et Main Offender pour les Hives, le BBK a enclenché la machine à remonter le temps pour deux concerts aux doux accents de nostalgie. En quête de nouveautés, il valait mieux s’abstenir.
La claque/le vieux : Charles Bradley
Il est grand temps de dénoncer un affreux complot de la CIA et du FBI réunis : James Brown n’est pas mort, il a seulement changé de nom et s’appelle désormais Charles Bradley. Même voix soul à faire dresser les poils des avant-bras, mêmes déhanchés au haut potentiel sexuel, même charisme écrasant et pourtant bienveillant : le vétéran du funk, grand-père ultra-sexy de 65 ans, a donné une immense leçon de classe et de don de soi à l’ensemble des festivaliers présents devant la scène Live ! sans pour autant tomber dans les affres de la prétention. Entouré de ses guitaristes et bassiste alignés comme des choristes et d’une section de cuivres, aigle doré brodé dans le dos et pantalon noir moulant : l’Américain a ressuscité les sixties à grand renfort de grands écarts tandis que le soleil se couchait lentement derrière les montagnes de Bilbao. Si l’on préfère sans hésitation ses titres soul à ses écarts plus rock, on reste bouche bée devant la puissance vocale d’un homme qu’on soupçonne d’avoir avalé à la fois Brown et Otis Redding. Le résultat est d’ailleurs sans appel lorsque Bradley hurle au public « do you want love? » : la réponse est un oui massif, et plutôt deux fois qu’une.
La classe : Benjamin Biolay feat. Carl Barât
On ne sait pas de quel côté pencher : l’embarras d’avoir vu le maître Biolay jouer devant une toute petite poignée de personnes en début de soirée alors qu’on avait pris l’habitude de le voir dans des salles pleine à craquer, ou la joie d’avoir pu s’approcher au plus près de la scène pour assister au spectacle du grand patron de la chanson française actuelle. Moins mystique qu’à La Cigale lors de son concert au festival des Inrocks l’an passé, mais tout aussi intense et généreux, le Français a pourtant déployé ses titres (dont un La Superbe superbe justement) sans ménagement en territoire basque. On a même fini par voir double lorsque Carl Barât, avec qui il a partagé l’affiche de l’opéra revisité Pop’pea, est monté sur scène avec lui pour chanter l’éclatante Vengeance et une version franco-anglaise de Je Regrette extraite de l’album solo de l’ex-Libertines. Même cheveux noir corbeau mornes, même gilet sans manche, mêmes pompes et même classe torturée : les deux nouveaux potes ont brillé sous le ciel pourtant gris de Bilbao. Une version irréelle d’un Bashung feat. Joe Strummer 2.0.
Le moment de solitude/la surprise : Greenday
Entendons-nous bien : on emploie ici le mot « surprise » pour la simple et bonne raison que l’on s’attendait à bien pire. En d’autres termes : si l’on était fans de Greenday, ce concert aurait été tout ce que l’on espérait. D’un côté, un public transis d’amour pour un groupe qui, trente ans après ses débuts, continuent de porter des chemisettes, des cravates rouges et du khôl autour des yeux – on aura même droit à un passage par la case déguisement où toute la bande enfilera des chapeaux. De l’autre, Billie Joe Armstrong, tshirt rayé et khôl autour des yeux donc, leader/teenage hero de la formation malgré ses quarante ans bien tapé, et sa troupe d’agités près à en découdre avec les 35 000 personnes réunis devant la scène principale du BBK. Entre les deux, nous, bien seule (et entourée de fans hardcore), mais aussi de la joie, de l’euphorie, des blagues, des ados hystériques, des trentenaires nostalgiques, des reprises (d’AC/DC, des Rolling Stones) et une envie évidente du groupe de donner tout ce qu’il a à une foule déjà conquise. Malgré le bref moment de solitude, l’impression d’être à une fête pour lycéens californiens en manque de sensations fortes et celle d’entendre la même longue chanson pendant deux heures, on est resté pourtant plutôt fascinée par l’énergie que Greenday a su déployer pour sa grande messe à l’américaine. On l’avoue maintenant : on a même esquissé un hochement de tête sur Wake Me Up When September Ends et un début de pogo sur Basket Case.
Les héros : 2Many DJs et Fatboy Slim
Pause électro dans un festival centré sur le rock, les 2Many DJs et Fatboy Slim ont assuré le show en clôture des deuxième et troisième soirs du BBK. Grande fête bon enfant pour les Belges (qui lancent tour à tour des remixes faciles mais jubilatoires de Kids de MGMT et de Golden Skans des Klaxons), démonstration de force pour l’Anglais qui aligne ses titres les plus connus (Funk Soul Brother en tête évidemment) sur fond de samples de Rihanna : les deux cérémonies ont attrapé dans leurs filets l’ensemble des festivaliers présents sur le site sans pour autant se fouler. Pour la révolution, on repassera. Pour la célébration de deux légendes des platines, c’était ici qu’il fallait être.
Les relous : Editors et The Vaccines
On passera volontairement très vite sur le live un peu gras et lourdaud de la bande de Tom Smith d’Editors, sans grand intérêt, pour se concentrer sur celui, pénible, des Vaccines. Trop millimétré, trop gros pour eux, et en marche pour rejoindre les rangs d’un stadium rock formaté, le son des Londoniens a perdu en spontanéité, en romantisme et en nervosité pour ne garder que son côté bulldozer pour festival, efficace, certes, mais pas franchement captivant. Interrompus par un énorme orage et des litres de flotte, les Anglais finiront même par remballer leur matos à mi-concert. De là à les soupçonner d’avoir contrarié les dieux de la pluie, et d’avoir provoqué la semi-apocalypse, il n’y a qu’un pas.
Les rockeurs de diamant : Kings Of Leon
Replaçons les choses dans leur contexte : le BBK Live, c’est avant tout une ambiance sympathique, une décontraction à l’espagnole, des gens en shorts et tongs, du soleil, des centaines de dreadlocks au mètre carré et des tentes posées dans les montagnes. On ne s’étonne alors pas d’y croiser les artistes programmés souriants, détendus, bras dessus, bras dessous, ou tous réunis autour d’une table pour se payer un apéro ensemble dans l’insouciance la plus absolue. Autant dire que les Kings Of Leon faisaient un peu tâche lors de leur venue à Bilbao. On ne sait pas si l’on doit plus rigoler à la vue des quatre Mercedes attendant les quatre membres du groupes (chacun sa voiture donc) en bas de la scène ou du fait qu’ils avaient exigés une loge chacun pour y passer en tout et pour tout quatorze secondes (rappelons que les Followill sont trois frangins et un cousin – on imagine la grosse ambiance au déjeuner de Noël), mais tout ça ne serait que broutille si seulement ils assuraient le minimum syndical. Ferveur absente, chant mécanique, riffs robotiques, aussi chaleureuse qu’une entrée de cimetière : la fratrie Followill, qu’on disait récemment au bord de l’implosion, met autant de cœur dans son live qu’il y a de crème dans les vraies pâtes Carbonara (aucune donc). On s’ennuie ferme devant le show des Américains, qui semblent eux-mêmes trouver le temps long. On sourit rapidement à l’écoute de quelques titres des trois premiers albums (Molly’s Chambers, Charmer), mais on déchante aussi vite lorsque le quartet assomme le public de son stadium rock sans la moindre subtilité appris en tournée avec U2 ou quand il lui fait reprendre à tue-tête son très risible Sex On Fire. On regrette alors l’époque où le groupe faisait encore de bonnes chansons sans prétention (Mechanical Bull, leur sixième album, sort à la rentrée – on tremble) et ne se prenait pas pour Bono.
La phrase
« Hé John, tu te rappelles de moi ?« .
– « Oh putain, le mec des Libertines ! »
C’est à ce dialogue surréaliste qu’on a assisté entre John Lydon et Carl Barât alors que l’un, l’ex-Sex Pistols, sortait de scène après le concert de Public Image Limited, et l’autre, l’ex-Libertines, de son apparition au côté de Benjamin Biolay. Les deux se sont fait un bon gros câlin des familles.
La photo
Eh oui Benjamin, David Bowie te regarde.
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