La Route du Rock est aussi excitante en février qu’en août. Laetitia Sheriff, Chairlift, Archie Bronson Outfit, John & Jehn, Elysian Fields : récit de la Collection Hiver 2009.
Le Route du rock – Collection hiver #4 Saint-Malo, 20-22 février
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Devant faire face à l’annulation de deux des groupes les plus attendus de sa programmation – Deerhunter et Gang Gang Dance –, manquant d’une tête d’affiche un peu porteuse, la quatrième édition de la Route du rock hiver n’a pas démérité. Finalement, ce sont les propositions les plus modestes qui auront le plus séduit.
Loin du fort de Saint-Père où ont lieu la plupart des concerts de la Route du rock estivale, c’est à l’Omnibus, agréable salle à quelques minutes de voiture de Saint-Malo intra muros (on peut aussi prendre le dernier bus, à… 20 h 05, mais pour rentrer c’est plus compliqué), que démarre cette Route du rock Collection hiver, quatrième du nom. Jeremy Jay, grand blond californien au look Edwyn Collins circa 79, ouvre les festivités en trio. Enfin, festivités, c’est vite dit : sa prestation ne semble pas passionner grand monde. Pas évident d’imposer des popsongs délicates devant une salle encore froide et à moitié vide… Mieux vaut peut-être en rester au disque.
[attachment id=298]Sur l’album du trio new-yorkais Chairlift, qui lui succède, il y a trois ou quatre morceaux irrésistibles (dont Bruises, musique d’une pub de la marque à la pomme) ; les autres, sans être mauvais, sont moins mémorables.
Forcément, sur scène c’est un peu pareil, mais la charme agit vite, grâce notamment à la chanteuse Caroline Polachek, au look très Williamsburg (grosses lunettes et vieille blouse sans manches). Joué en clôture, le langoureux Planet Health nous hantera longtemps.
[attachment id=298]Avec John & Jehn, couple français exilé à Londres, le public jeune commence à s’agiter, et le groupe assiste même, à son grand étonnement, à un stage diving. Le duo en noir joue un rock à la fois sec et sensuel, rappelant beaucoup The Kills. Peut-être pas à la hauteur de ses références, Suicide, Velvet & co, mais quand même bien classe. A suivre de près.
La montée en puissance rock’n’roll se poursuit avec le trio anglais Archie Bronson Outfit, dont le blues-rock possédé, rappelant une version urbaine de Sixteen Horsepower ou les vétérans de Gallon Drunk, frappe très fort d’entrée de jeu. Mais finit par assommer sur la longueur. A consommer avec modération, comme les alcools forts. On quittera d’ailleurs avant la fin de leur concert les très braillards Américains de Titus Andronicus et leurs trois guitares avec ampli à 11, histoire d’éviter la gueule de bois et de préserver ses tympans pour le lendemain.
La samedi commence l’après-midi au centre d’animation Salvador Allende, à côté de l’Omnibus. Le musicologue Christophe Brault, sorte de Monsieur rock de la région Bretagne, y propose une conférence à la fois docte et pleine d’humour sur le folk, des années 50 à nos jours. Lui succède le Lyonnais François Virot qui, seul avec sa guitare acoustique, offre l’un des plus beaux concerts du week-end. Une musique folk par essence, mais qui violente joliment les codes du genre, à coups de ruptures mélodiques et rythmiques. Virot termine son set par quelques reprises, dont la Dancing Queen d’Abba, très présentable à poil.
Une grosse heure plus tard, on retrouve les Canadiens de Women sur la scène de l’Omnibus. Formation classique (deux guitares, basse, batterie) pour une musique qui l’est nettement moins : déstructurée, abrasive, convulsive, rappelant parfois les expérimentations de la no wave (Mars, DNA) ou du post-rock de Chicago. Pas forcément le choix le plus évident en ouverture de soirée, mais franchement intrigant.
[attachment id=298]Rajoutée à la dernière minute à la programmation pour pallier la défection de Gang Gang Dance, la Française Laetitia Sheriff aura fait l’unanimité. Accompagnée d’un guitariste (pas Olivier Mellano cette fois-ci, mais très bien quand même) et d’un batteur, elle a livré un concert particulièrement intense, une reprise du groupe post-punk maudit The Sound donnant le ton. Comme sur disque, la Rennaise d’adoption ne cherche pas la facilité, une démarche qui trouve toute sa place dans la programmation plutôt aventureuse du festival.
Sorte de pendant canadien des John & Jehn de la veille, les Handsome Furs (Dan Boeckner de Wolf Parade et sa belle, Alexei Perry) font eux aussi du rock minimaliste en couple. Leur musique ressemble à une version brute, primitive de celle de New Order vers 1982-83 : mélodies imparables, pulsations électroniques et vieux fond de mélancolie. On s’y laisse prendre.
On n’en dira pas autant des cinq Californiens de Crystal Antlers. Certes, leur son psyché-garage-bluesy, qui nous renvoie quarante ans en arrière (Stooges, Doors, Creedence…), ne manque pas de puissance, mais on peine à distinguer de vraies chansons dans le boucan. On retient quand même une mélodie, mais elle est de Dylan, dont ils reprennent avec vigueur It’s All Over Know, Baby Blue – de loin, le meilleur moment du concert.
Les Français de NLF3 ferment le ban. Leurs musique essentiellement instrumentale (et mentale tout court), qui peut rappeler Tortoise par sa variété et sa liberté formelle, est souvent passionnante… mais il est un peu tard pour l’apprécier à sa juste valeur. Allez, dodo.
Dimanche, bonus de choix : Elysian Fields se produit en duo à Saint-Malo intra muros, à la chapelle Saint-Sauveur, pour quelque trois cents spectateurs. Un lieu superbe et atypique, dans lequel la voix plus envoûtante que jamais de Jennifer Charles, soutenue par la guitare ou le piano discrets d’Oren Bloedow, n’a aucun mal à remplir l’espace. Jouant aussi bien des extraits de leur nouvel album, le magnifique The Afterlife, que des titres plus anciens ou carrément inconnus, et même une reprise (en français dans le texte) du Bonnie & Clyde de Gainsbourg, les New-Yorkais offrent une conclusion impeccable à ce week-end malouin, plaisant avant-goût de la prochaine Route du rock été.
Stéphane Balaklava
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