Adios la 24ème collection été du festival breton. Avec encore un peu de boue sur le pantalon, on fait le récap de ce qu’on y a vu ces derniers jours.
Samedi soir, le grand jeu des festivaliers consistait à s’écharper sur le classement des meilleurs concerts de cette édition 2014. Certains louaient la grâce de Portishead, d’autres la classe de Darkside. Il s’agirait de ne pas oublier Mac DeMarco, qui s’est montré à la hauteur de sa réputation de roi des zinzins. Casquette frappée d’un « Viceroy » vissée sur la tête, t-shirt a l’effigie des Simpsons, le visage fendu d’un large sourire (révélant au passage ses charmantes dents du bonheur), le slacker montréalais a ramené Hawaï au Fort Saint Père. Il faisait beau, il faisait doux, les guitares scintillaient. Le moment est devenu magique lorsque deux montgolfières ont survolé le site, faisant hurler la foule et rire DeMarco qui, décidément, avait l’air d’excellente humeur.
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A tel point qu’il ne s’est pas privé pour se jeter dans le public, clope au bec et ventre à l’air, pour un slam épique. De retour sur scène, le doux dingue s’est fendu d’un : « Et bah dis donc vous aimez bien toucher les bites vous! » avant de s’allumer une énième clope et de s’envoyer quelques gorgées de bière. Même la rupture d’une des cordes de sa guitare ne l’a pas fait flancher: pendant qu’il la réparait patiemment, un de ses acolytes poussait la chansonnette, gouailleur et rigolard. Tous les tubes y sont passes, de Let Her Go à la magnifique Chambers of Reflection (peut-être la plus belle), sans oublier la culte Ode to Viceroy (une marque de clopes). A la fin du concert, Mac et sa bande ont rapidement remballé leur matériel avant de repartir pour une autre date. Il n’y aura pas d’interviews donc. Dommage.
Juste après, sur la même grande scène, un autre style de décontraction, de nonchalance infinie, de classe et de grâce décalées : l’arrivée lascive de Baxter Dury. Un peu avant la sortie de son nouvel album, It’s a Pleasure, puis son passage attendu chez nous, au festival les inRocKs Philips, le crooner-loser a posé une jolie partie de ses nouveaux morceaux là, au milieu de la boue enfin sèche. Le mec est toujours bizarrement drôle dans son costume tout gris, il a toujours cette élégance anglaise, étrange, inimitable. Et ses tubes discrets, dont les nouveautés Palm Trees ou Other Men’s Girls, sont autant de cooleries obsolues, de moments d’amour parfaits, de ballades délicieuses avec ses choristes (dont la Française Marie Flore pour l’occasion). On le reverra donc en novembre à domicile : déjà hâte.
Autre concert de grande qualité: celui des Anglais de Toy, qui jouaient sur la petite scène du Fort. Créé en 2010, Toy a déjà deux albums à son actif, sortis à un an d’écart. Une impatience qui peut s’expliquer par le fait que leur première formation, Joe Lean and the Jing Jang Jong, avait splitté en 2009 sans même avoir sorti de premier album. Le concert est hypnotique, profond, saisissant. Le public, d’un calme incroyable, semble fasciné par ce qui se joue sur scène. A savoir un mélange de shoegaze, de krautrock et de post punk. La pop qui pouvait s’entendre ici et la sur leurs albums a disparu au profit d’une rythmique motorik planante, mais qui a le (petit) défaut de fondre tous les morceaux en un. Difficile donc de tenir immobile l’intégralité du concert.
Pas beaucoup de bavardages chez Temples non plus (n’est pas DeMarco qui veut) mais des pop-songs sixties en forme de machine à remonter le temps, pas bien nouvelles mais terriblement efficaces. On se croirait revenu au temps des Kinks et du Swinging London. Continuons les comparaisons: avec sa touffe de cheveux bouclés et sa gueule d’ange, le chanteur ressemble à Marc Bolan. Mais un Bolan plus maigre, tendance Beatles, adepte des balades vintage et du psychédélisme version LSD.
Dans le genre intemporel, il y eut aussi les trois Français à l’origine de Cheveu. On les a connu dans les méandres punk, garage, psyché de leurs quatre albums publiés depuis 2008. Mais sur scène, c’est encore une autre histoire. D’une violence inouïe, leurs braillements ont sans doute endommagé quelques cerveaux fragiles : on a vu des gens se sauver pour échapper à l’évanouissement, d’autres sortir de là en marchant bizarrement, souffrant d’une légère perte d’équilibre. Avec leurs boites à rythmes potaches et leurs sons de machines à rendre fou, ils ont ouvert la voie à une nuit sous le signe de la danse et la transe.
Jamie xx, tête pensante de The xx, a en effet transformé le Fort Saint Père en dance floor londonien. Notons que ses plus beaux morceaux sont surement ses remixes de The xx, où perce la voix céleste de Romy Madley Croft. Ajoutez a cela le ciel noir et dégagé de ce samedi soir et vous obtenez un moment de pure beauté.
Parce que, on l’aura bien compris, « rien ne se crée, tout se transforme », Todd Terje plonge, lui, son instinct de génie dans les années 80, le disco, l’italo et les clubs à paillettes pour en tirer la substance de son premier album, It’s Album Time. Pourtant, pas de strass sur scène: la scénographie est minimale, voire absente. Le Norvégien, en noir, balance ses bombes dans une quasi obscurité, comme pour mieux rappeler que la musique se suffit a elle même, comme pour mieux s’effacer et nous laisser plonger, seuls, dans ses morceaux sensass. It’s album time est, décidément, un des meilleurs albums de l’année.
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