Kanye West jouait au Zénith de Paris lundi soir. On a bravé le froid pour voir le rappeur délivrer un show glacial et se comparer à Basquiat, Picasso, Boticelli, Walt Disney ou Steve Jobs… Déception. Mais on vous raconte.
Voilà deux semaines à peine, on annonçait un concert surprise de la star du hip-hop américain à Paris pour la fin du mois de février. Après avoir joué deux soirs de suite au Hammersmith Apollo de Londres samedi et dimanche – à peine le temps pour lui de se brouiller avec Justin Timberlake, ses sponsors et l’académie des Grammys -, et à la veille de trois nouvelles dates, (dates belge, hollandaise et à nouveau londonienne) c’est avec une certaine curiosité et une véritable impatience que l’on attendait le grand retour de Yeezy en solo à Paris. On a été déçus.
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Affranchi de l’imposante présence de son big brother Jay-Z, avec qui il avait par deux fois rempli le POPB en juin dernier lors de la tournée promotionnelle de Watch the Throne, Kanye se retrouvera seul, avec son égo, à devoir occuper une scène du Zénith neutre, épurée de tout artifice et de toute autre présence humaine que la sienne. Seuls trois musiciens, vêtus d’une tenue blanche immaculée, resteront cantonnés aux deux extrémités, derrière l’immense plateau blanc incliné qui occupe toute la longueur de la scène.
Les lumières de la salle s’éteignent et les rétroprojecteurs diffusent sur les écrans géants disposés à droite, à gauche, au sol, derrière et au-dessus de la scène, des images glaciales de tempête de neige. Première instru et premier mouvement de foule : la fosse entière se précipite contre la scène, téléphones portables à bout de bras. Kanye apparaît alors sur le plateau et se lance avec rage sur Cold.1, présent sur la compilation Cruel Summer. Yeezy saute partout et joue des poings comme à l’époque pas si lointaine de Niggas in Paris. On enchaîne sans temps mort avec Mercy, puis Power et Jesus Walks. Le début du show est un sans faute et Kanye semble sûr de son coup. Gros problème en revanche, le son de la salle est atroce.
Le rappeur quitte la scène et nous laisse sous une tempête de neige artificielle, avant de revenir affublé d’un improbable masque d’oiseau blanc, pour nous jouer des bribes de Say you will, Heartless, issus de 808’s and Heartbreaks. Le résultat ressemble franchement à une bouillie sonore indigeste. A partir de ce moment, Kanye alternera entre les classiques issus des trois premiers albums : Stronger, Flashing lights, Can’t tell me nothing…, et les digressions sonores où il se vautre littéralement dans une médiocrité vocodée. Kanye perd rapidement le contact avec un public visiblement décontenancé par les interminables gémissements du chanteur et ses changements de registre un peu brutaux. La schizophrénie artistique n’est pas loin, comme sur Runaway, ou encore sur Clique où le rappeur n’aura de cesse de rappeler qu’il est Basquiat, Picasso, Boticelli, Walt Disney ou… Steve Jobs.
Sur Run This Town, au beau milieu d’un couplet, le rappeur décidera même de s’arrêter pour interrompre le concert et lui donner, par la même occasion, des airs de vulgaire répétition en public. Le « show » se termine sur Lost in the world, avant que les spectateurs ne réclament avec insistance les vibrations hypnotiques de Niggas in Paris. Vexé, Kanye assure préférer « expérimenter de nouvelles choses » pour l’instant avant de revenir, « un jour prochain ». Presque minimaliste dans sa mise en scène et tellement démesuré par son ambition, le concert ressemble finalement aux contradictions de son auteur. Kanye West, artiste total ou suite logique décharnée de sa grandeur passée ?
François Moreau
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