Courtney Love était, hier soir, au Bataclan. Entre revival mémoriel ému et communion intime avec le public, récit du concert.
The Dodoz quittent à peine la scène, que surgissent un ligne de basse reconnaissable entre mille : les Stone Roses, I wanna be adored. Ambiance. La Reine-mère du grunge ne se départit pas de son époque même s’il ne reste plus grand chose de la carrosserie d’origine : outre les nombreux et bestiaux ravalements de façade de Love, plus aucun membre d’origine ne subsiste sinon Courtney, faisant de ce Hole 2010 un genre de mot-valise attrape-tout. Résultat : trois jeunots remplacent l’armada féminine et féministe (pour Eric Erlandson) qui avait fait la renommée du groupe. Rappelez-vous la géniale annonce postée par Love au moment de recruter ses musiciennes : « Someone who can play ok in front of 30 000 people, take off her shirt and have ‘fuck you’ written on her tits. If you’re not afraid of me and you’re not afraid of fucking say it, send a letter. No more pussies, no more fake girls I want a whore from hell« (« Quelqu’un qui peut jouer devant 30 000 personnes, enlever son t-shirt et avoir ‘fuck you’ écrit sur les seins. Si vous n’avez pas peur de moi et si vous n’avez pas peur de le dire, envoyez moi une lettre. Plus de tapettes, plus de fausses nanas, je veux une pute venue de l’enfer ») – cette femme est formidable.
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La lumière fond et entre en scène l’icône 90’s à la gueule tirée. On s’attend à Celebrity Skin ou Rockstar, elle lance les premiers riffs de Sympathy For The Devil. Voilà qui est louche. Courtney se marre, elle est contente d’être là. Suit Skinny Little Bitch, premier single efficace du dernier album, et là ça se complique : Doll Parts, Violet, Celebrity Skin, Malibu… 1998 te voilà. Ca sonne comme un mauvais best of, un genre d’orchestre pour mariages qui reprendrait les tubes de la précédente décennie. Alors certes, c’est une joie énorme que de voir cette nana, incroyable geyser sonore en stilettos, vomir « When they get what they want, they never want it again« ou encore le fabuleux « I’m Miss World, watch me break and watch me burn / No one is listening, my friend / Now I’ve made my bed, I’ll lie in it / I’ve made my bed, I’ll die in it », mais ça sent la réunion de copains sur le tard quinze après la mort de l’un. Love n’est pas dupe : elle harangue la foule, devance ses désirs. Voilà, ça c’est fait. Passons aux choses sérieuses.
Et le sérieux pour Courtney Love, c’est avant tout une histoire de plaisir : elle reprend le Jeremy de Pearl Jam entre deux confidences. « C’est une chanson que j’écoutais en boucle quand j’étais enceinte de 8 mois… Mon défunt mari prétendait la détester, et puis un jour je l’ai surpris en train de la chanter ». Elle sourit. Fait reprendre par le public le « Jeremy spoke in class today ». « Qu’est ce qu’on joue maintenant ? On est là pour vous divertir ! » beugle t-elle dans un demi sourire. Love gratte les premiers riffs de Bullet With Butterfly Wings des Smashing Pumpkins, finalement décide Gold Dust Woman, et l’incroyable Honey.
Celle que l’on connaissait comme la Veuve noire s’improvise Mamie Nova : distribution de macarons (oui, oui), chansons à la demande, Courtney Love gâte ses fans qui le lui rendent bien, puis vanne ses musiciens moitié plus jeunes qu’elle, les appelle ses fils. Elle ouvre son cœur : « J’ai envie de baiser…« soupire t-elle avant de lâcher Someone Else’s Bed. Inutile de préciser que les candidats à l’amour façon Love sont légion. Quel bonheur d’avoir une rockstar de sa trempe, aussi désinhibée et foutraque soit-elle, aussi amoureusement et intimement liée à son public. C’est ça qui est beau chez Love, malgré ses frasques terribles, c’est toujours celle avec qui on a envie de boire des pintes. Après une heure et demie de communion, elle conclut avec une reprise acoustique de Big Star, Thirteen. Sainte Love, merci.
Photo : Virginie Adane
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