Assez en retard pour ne pas faire mentir sa légende, Axl Rose, plutôt bavard –trois phrases, autant de mercis– et son groupe, hélas desservis par un son souffreteux, ont déroulé un long show sans surprise.
Si l’exactitude est la politesse des rois, alors Axl Rose n’est le roi de rien. En attaquant son concert à 22h35, il fit pourtant mieux qu’en 2006, quand les Guns ou ce qu’il en reste eurent deux heures de retard.
Rassurons d’emblée le lecteur avide de savoir s’il y a eu de la baston et du projectile non identifié comme à Dublin le 1er septembre : que nenni ! Le public parisien, gentil comme tout et élevé aux grèves de transports, a vaguement fait « hou, hou » à partir de 22h, sans être plus courroucé que ça.
Malgré une entame énergique très axée Appetite for destruction, on sent que les pétoires ont rouillé et les roses fané. Le son est squelettique et dans ce hachis de guitares, on ne discerne chaque mercenaire, euh… musicien que lorsqu’il prend un solo. Ca tombe bien, il y en a autant que d’interludes : James Bond, La panthère rose, passionnant.
Outre les cassures de rythme évidentes, flotte aussi, au fil des vingt titres, l’impression d’un groupe n’ayant enregistré qu’Appetite for destruction en 87 (sept titres joués) et Chinese Democracy, album datant de fin 2008 (sept titres aussi), à part deux reprises de Dylan et des Wings. Seuls cinq titres sont repris du double Use Your Illusion, dont on fit tout un foin en 91. Exit les tueries comme Civil War, Pretty Tied up, Locomotive ou Garden of Eden. Dommage. Leur côté « voyant dans le rouge » doit jurer avec l’éthique musicale GNR 2010, où on compte sur scène autant de pianistes que de guitaristes. C’est-à-dire trois. Triste pour un groupe qui, à son apogée, était vendu comme « le plus dangereux du monde ». Soit cinq punks à tignasses, efflanqués comme des hyènes, faisant le sexe et la drogue 24/7 dans des bouges sordides de LA.
Outre le fan trentenaire, on dénombre aussi du néophyte venu voir en vrai l’ultime rejeton d’une lignée de reclus doués/fêlés, entre Phil Spector et Howard Hughes. Un peu bouffi, le visage mangé par sa moustache rousse sous un regard clair halluciné, Axl semble se demander où il habite. Mais en dépit d’un son toujours leucémique, il conserve une voix inégalable. Et, convaincu d’avoir une tête à chapeaux, il en change aussi souvent que de liquette. Tremble, Lady Gaga ! Axl n’a pas encore de robe-fourreau en viande, mais sa garde-robe vaut la tienne !
L’ambiance reste mollassonne. Il est tard et hormis sur les hits, la folie d’antan n’opère guère. Le concert devient aussi exaltant qu’une étape de plaine vue d’hélico sur le Tour. On aimerait qu’une étincelle (pour foutre le feu au piano !) nous ramène le bon vieux Guns. Mais sans Slash, Izzy ou Duff, c’est juste une honnête copie, jusqu’au look piraté des guitaristes.
Quand Axl, coiffé d’un énième bibi lui donnant l’air d’un éleveur de vaches tyroliennes, se prend pour Elton John, on pense à fuir. Mais Mr Rose, pas né de la dernière pluie de novembre, enchaîne justement avec le magique November Rain. Eclate alors the éclair de génie : la reprise survitaminée du Whole Lotta Rosie d’AC/DC qui maintient debout le bipède fatigué que nous sommes. Axl remercie la salle pour la troisième fois ce soir. Que lui arrive-il ? Enfin résonne le culte Paradise City, écho d’une ère où croiser Guns N’ Roses était l’assurance de quitter la ville couvert de goudron et de plumes. Là, on a juste l’assurance de rater le dernier métro !