Neuf ans après son dernier passage en France, la troupe de Damon Albarn était ce lundi au Zénith. Digne d’une cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques.
On a compté: ça fait neuf ans que Gorillaz ne s’était pas produit à Paris. La chose avait eu lieu lors de la tournée du premier album du cartoon-pop de Damon Albarn: le groupe se produisait alors planqué derrière un écran sur lequel étaient projetées des images signées Jamie Hewlett, le copain dessinateur d’Albarn, père de la BD Tank Girl, et co-fondateur du projet.
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Il avait fallu attendre le deuxième album, Demon Days pour que l’ex-leader de Blur assume la paternité du projet, et décide une bonne fois pour toutes de tomber le masque -ou lever le rideau. Le coming-out de Gorillaz, éblouissant, avait eu lieu à Manchester, et le groupe, à visage découvert, n’était par la suite pas passé par la France.
Si Albarn est revenu plusieurs fois chez nous ces neuf dernières années, oscillant entre prestations de The Good The Bad and The Queen, concert de reformation de Blur et soirées de son label Honest Jons, Gorillaz ne s’était donc pas produit au pays de Grégoire et Raphaël depuis le sympathique, mais plutôt anecdotique, premier album.
Car l’histoire de Gorillaz, plaisante dès les premiers singles du groupe, est devenue passionnante sur les deux chapitres suivants. Cette année, on devait à Albarn le troisième volet de son triptyque, un Plastic Beach sombre et capiteux, mille-feuilles et baroque, sous haute influence hip-hop, et au casting vertigineux (Snoop Dog, Mos Def, De La Soul, Gruff Rhys, Lou Reed).
Côté distribution, la soirée du Zénith n’a pas déçu non plus. Après deux premières parties efficaces signées Little Dragon et De La Soul, le concert commence avec une version explosive de Welcome to the World of the Plastic Beach: si Snoop Dog n’est présent qu’à l’écran (un écran qui doit faire à peu près la taille du Luxembourg), il y a déjà 28 personnes sur scène (on a compté).
La géniale fanfare de Chicago Hypnotic Brass Ensemble (neuf membres, dont huit frères, fils de Phil Cohran), les choristes de Damon Albarn (on reconnaît certaines têtes aperçues chez Blur), des membres du National Orchestra for Arabic Music venus de Syrie, Mick Jones et Paul Simonon de Clash…
Tout le monde, Albarn compris, porte des marinières: dire que la croisière s’amuse est un doux euphémisme. Car les images et les adjectifs dithyrambiques nous manquent pour décrire ce qui va suivre pendant deux heures: décor somptueux, casting épatant à chaque nouveau morceau (De La Soul, Neneh Cherry, Bobby Womack, Little Dragon viendront tour à tour partager le micro avec le Damon), lumières éblouissantes et énergie monstrueuse: le concert de Gorillaz pourrait être une cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques à lui seul.
A la fois au centre mais capable de s’effacer, Albarn joue les chef-d’orchestres surdoués mais humbles. C’est aussi ridicule à écrire que vrai s’agissant de la démarche de Gorillaz: c’est la musique, avant tout, qui tient le premier rôle ici. On devine, plus les morceaux s’enchaînent, le plaisir retrouvé d’Albarn de se concentrer sur son travail de musicien, après des années à avoir endossé le rôle plus encombrant de leader.
Il n’est ici plus porte-parole, il distribue les micros. Côté morceaux, la fête est folle: les tubes s’enchaînent (Feel Good Inc, Dirty Harry, Stylo, Clint Eastwood, Kids With Guns, 19-2000), les ballades sont bouleversantes (Melancholy Hill, bien placée sur le podium des titres de l’année, Broken), les vieilleries créent la surprise (Punk, comme échappée d’un single de Blur de 1994, Tomorrow Comes Today).
On frôle le ridicule lorsqu’Albarn brandit un drapeau blanc pour inviter les pays à faire la paix, mais on lui pardonne vite: bondissant comme aux premières heures de Blur, chantant comme un Dieu, l’Anglais met le Zénith dans sa poche. Il n’y a pas que la dent qui est en or chez ce monsieur.
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