La saison des festivals est ouverte, et bien ouverte : on commence nos récits avec Garorock, à Marmande, et sa programmation tous azimuts.
Le festival Garorock fête ses 15 ans et ne le fait pas n’importe comment : hétéroclite mais plutôt maline, la place des groupes indépendants est aussi importante que celle des grosses têtes d’affiche. Au programme : 80 groupes répartis sur quatre scènes, des concerts en off dans le centre ville et une scène en plein camping de 6h à 18h. Au final : un régal.
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On démarre les festivités avec Quadricolor. Les camarades, lauréats du concours CQFD en 2009, font toujours leurs armes mais tournent de plus en plus ; à Marmande dans la soirée, au Panorama le lendemain, à la Flèche d’or parisienne quelques jours plus tard avec, à chaque fois, les mêmes belles promesses. Vient ensuite, un peu plus tard, l’une des plus belles surprises du festival : proche de l’attitude et de la musique de Prince, le fils spirituel du regretté patron de la funk James Brown, King Charles promet lui aussi de beaux voyages musicaux. Une voix pop alliée à la force brutale du bon rock, des solos déchainés d’un côté et des mélodies mielleuses de l’autre, un univers à lui qui ne finit pas de séduire. On est presque emportés, malgré les approximations, parfois, d’un groupe encore un peu hésitant. Petit arrêt pour entrevoir le groupe suisse Filewall, dont on attendait beaucoup. Déçu par la prestation, on repart assez vite. Mais quand la vibration de la musique s’estompe, les discussions, presque comme en famille, peuvent commencer : preuve d’un bon festival.
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Alors que le soleil tombe sur cette première journée, des notes pures se font entendre sur la grande scène. C’est le retour de Morcheeba (photo). Skye Edwards, plus angélique que jamais dans sa belle robe rouge vive, fait vibrer la foule de Garo. Reformé depuis peu, le groupe jouit maintenant d’une union parfaite. Sur The Sea, on sent ressurgir la magie de ce groupe devenu mythique, égaré depuis quelques années dans divers projets sans grand intérêts. « The Sea sonne comme le prélude à la faune » ; un son clair, propre, une entente parfaite entre la chanteuse et son guitariste, un groupe uni. On attend tout et rien à la fois, comme aux beaux premiers jours, on se laisse entrainer dans l’univers du groupe sans penser à autre chose qu’à son propre plaisir.
La suite du programme sur la Scène Woodbrass. Les Bewitched Hands (photo), apparemment en très bonne forme, commencent dans la joie et la bonne humeur -on a vaguement l’impression d’assister à une JMJ, mais c’est beau. Voix à l’unisson, rythme désuet et mélodie enivrante, Arcade Fire n’est jamais trop loin. La configuration du groupe est intéressante : mur de guitare -se côtoient la belle 335 de Chuck Berry à la Jaguar de Sonic Youth- et clavier de Marianne Mérillon au premier plan, reste du groupe entassé au second plan. Atterrissage en douceur donc après les britanniques de Morcheeba. Malheureusement, les bonnes choses ayant toujours une fin, place à la glace finlandaise. Apocalyptica est sur scène. Enter Sandman résonne dans le festival, mais l’intérêt, lui est totalement absent : on pourrait frémir à l’idée d’entendre les tubes de Metallica sortir des clés de sol des violoncelles, ça pourrait marcher, pourquoi pas, mais ça ne prend pas. Du tout.
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La douceur revient heureusement avec l’un des groupes les plus mythiques de la planète rasta : The Abyssinians. Et côté cœur, on n’oublie pas The Congos ; quand on vous dit que la programmation est des plus surprenantes, on ne vous a pas menti. Dès les premiers instants de Satta Massagana, on replonge dans la belle époque du ragga. Les tubes de The Heart of the Congos, à l’époque produits sous la houlette de Lee Scratch Perry, nous font vite oublier le précédent cauchemar finlandais –pitié, non, les mecs, pas Master of Puppets ! On reste dans le reggae, version provençale cette fois. Massilia Sound System, l’un des plus vieux groupes de reggae français (presque 30 ans!), balance sur l’autre scène ses chansons aux sonorités occitanes.
L’atmosphère de Garorock en ondule encore : alors que les festivaliers commencent à être bien éméchés, on est contents de ressentir les disparités et les ambiances changeantes qui font la richesse des festivals français associatifs. Mais après Massilia, il est temps de s’énerver. Bonaparte inspire les festivaliers : une prestation scénique impeccable, délurée, qui compense quelques petites lacunes de sonorités, voire d’inspiration. Arrive, enfin, la tempête. Goose d’abord, avec un show fantastique et un son impeccable. Le cube d’Etienne de Crécy ensuite : impossible, que l’on aime ou pas, a priori, l’art du bonhomme, de résister. Cette première soirée s’achève le sourire au coin des lèvres.
Le lendemain, le soleil qu’on avait oublié, lui, ne nous oublie par contre pas. On commence par les bordelais de The Automators pour enchainer avec la soul de Ben. Ca redonne envie d’écouter un peu de Mayfield mais pas plus. Après les riffs incroyables du japonais Miyavi, on replonge dans le reggae de Tiken Jah. Toujours les mêmes combats, les mêmes refrains qui marchent –et une petite pensée pour la Cote d’Ivoire. En déambulant dans les allées du festival, on navigue de scène en scène. On préfèrera garder en mémoire la bonne performance de Toxic Avenger quand on oubliera beaucoup plus vite celle, trop fébrile, de Jamaica. Quant à Mike Skinner et à son The Streets, très attendus, ils déméritent -comme à leur habitude. Un show fade qui ne décollera jamais : on a beau adorer le flow de Mike Skinner, la sauce semble ne jamais vouloir prendre sur les scènes françaises.
La soirée semble véritablement démarrer avec l’apparition de la 335 de Jim Jones Revue (photo). Du pur rockabilly, ou du rockabilly pur, avec en toile de fond Chuck Berry, Little Richard, Champion Jack Dupree. Jim Jones Revue va puiser partout. Un beau mélange pour un bonheur durable. Le clavier a décidé d’entamer le set comme Jerry Lee Lewis : debout. Jim Jones, bête de rock’n’roll, pose sa voix sur les notes serrées de la grinçante guitare de Rupert Orton -les deux hommes semblent être les deux faces d’une même pièce, le dandy au service du rock et son guitariste à banane. Gavin Gay et Nick Jones donnent au groupe un son plus heavy, ce joli petit monde pousse Orton à faire grincer sa guitare de plus en plus fort. Le paysage musical et le charisme du groupe est trop prenant pour laisser quiconque de côté : la foule en entier semble participer, remue, tombe, frémit, tricote avec ses jambes sur les breaks et couplets des londoniens. Merci les blousons noirs : ça change des petits minets, et donne l’irrémédiable envie de ressortir ses classiques.
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On préfère oublier la suite. On erre dans le festival, la bière à la main, pour trouver le même son électro que la veille. Success et Fortune, pas passionnant. Sebastian, même s’il ne dispense pas la même musique qu’Apocalyptica pousse au questionnement. Décollage de l’Airbus A380 pendant quinze minutes, on se retrouve téléporté à l’aéroport -on aurait, peut être, préférer se retrouver ailleurs. La foule commence d’ailleurs à déserter le festival quand résonne, depuis plus de dix minutes, le clairon du jugement dernier revu et corrigé par Sebastian.
Tout semble alors perdu. Faux : au camping, sur la scène MTV, on trouve Alex et Laetitia du label Katapult, perchés en haut du van, on sent une petite appréhension vis-à-vis d’un public qui a semble plus friand de drum and bass. Mais ca marche : une minimale enivrante qu’on attendait tous depuis quatre heures, et qui se terminera sur un duo étonnant, Alberto Balsalm et Loac. Le lendemain, c’est sur du lourd que nous quittons le festival : Sly Johnson, Eli Paperboy Reed, Stupeflip, Katerine, le génial Legendary Tigerman qu’on avait pu apercevoir aux Nuits de l’Alligator, Magnetic man. Pour résumer : que du bon. Vivement l’année prochaine.
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