Des sandwichs au chorizo, un line-up quasiment identique à celui de Barcelone, Kendrick Lamar en grande forme. Récit de la troisième édition du festival Nos Primavera qui se déroulait en plein cœur de Porto.
Une semaine après son édition barcelonaise, Porto accueillait à son tour le festival Nos Primavera. Au menu : une programmation à 70% identique à celle de sa grande soeur ibérique. Les pintes de Caiprinha et des effluves de churrascaria en prime. Situé sur un parc vallonné à l’extrémité du front de mer, le festival a échappé à la pluie annoncée par la météo. Mais niveau température, Nos Primavera est tout de même plus proche de la Route du Rock que de Calvi. Et si l’on juge un festival à l’état de ses chaussures en rentrant, l’évènement portugais est un enfant sage.
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Sur le plan logistique, l’organisation avait tout prévu. Aucune attente entre chaque scène ou stand tandis que des plaids étaient même distribués pour s’asseoir façon Un déjeuner sur l’herbe. Niveau ambiance : peu de weed, d’ecstasy ou d’alcoolémie prononcée. Présents en nombre, les agents de sécurité veillaient au bon déroulement des programmes. Choisissant d’uriner à l’entrée, un festivalier un peu trop téméraire, s’est violemment fait admonester par un vigile. Ici, on respecte les règles et on prend un ticket comme à la sécu, pour recevoir son sandwich au chorizo.
Coté musique : l’essentiel de la programmation était constitué de ce qui fût le ban et l’arrière ban de l’Indie dans les années 90. En 2013, nous avions eu droit à : My Bloody Valentine, Dinosaur Jr, Les Meat Puppets. Cette année, on redistribue les cartes avec Slowdive, Neutral Milk Hotel et Loop. Dans le rôle de la tête d’affiche aux hymnes fédérateurs, Blur (Girls and Boys) a transmis le relais aux Pixies et Where is my mind. Bref une prog’ pour quadras nostalgiques ou pour des trentenaires qui n’ont pas connu ces groupes sur scène lors de leur prime jeunesse.
DAY 1
Nous sommes arrivés trop tard pour voir Sky Ferreira se déchirer en live. Mais à temps pour l’excellent Kendrick Lamar. Succédant aux filles d’Haim qui avait déjà réchauffé la scène, le MC de Compton a lancé le festival sous les meilleurs auspices. Casquette vissée sur le crâne, Kendrick Lamar a délivré un set ultra maîtrisé en enchaînant ses (déjà) classiques : m.A.A.d city, Bitch don’t kill my vibe, Backseat Freestyle et même Fuckin’ Problems d’A$AP Rocky sur lequel il pose un couplet. Comme pour réclamer l’engouement de la foule, le rappeur s’est accroupi plusieurs fois sur scène avant de reprendre énergiquement le cours de son set. A 26 ans, le rappeur s’impose comme une valeur sûre en live. Contrairement aux autres rappeurs comme A$AP Rocky, Kendrick Lamar dispose d’une vraie configuration de concert. Plutôt que de miser sur un concours de beats avec des voix préenregistrées, Kendrick compte sur un vrai groupe pour l’accompagner sur chacun de ses titres. Bref, une très bonne prestation.
Autre satisfaction : Jagwar Ma . Jamais un groupe australien n’avait sans doute sonné aussi anglais. Jouant leur génial album Howlin, les Australiens ont clôturé la première journée de festival dans une atmosphère rêveuse. Screamadelica de Primal Scream semblait planer au-dessus de la scène. Surtout lorsque le groupe a joué son tube Come save me.
DAY 2
Comme souvent, la seconde journée du festival était la plus dense en termes de prog’. Sous un soleil couchant et avec la mer comme toile de fond, Television a joué son album de légende Marquee Moon dans le désordre. A l’heure d’Internet, Television a vieilli mais le charme opère toujours comme lorsqu’on écoute un best-of dans son autoradio. Avec sa voix en rupture, tour à tour implorante et enjouée, Tom Verlaine a su gagner les faveurs de la foule. Les New-yorkais ont perdu de leur électricité et de leur punk attitude mais ils ont délivré une partition mature qui sonnait presque comme du Talking heads.
A l’heure du dîner, les volutes shoegaze de Slowdive ont réveillé les festivaliers repus de francesinha (le kebab portugais à déconseiller aux anorexiques). Une mise en bouche avant le débarquement triomphal des Pixies avec leur nouvelle bassiste (Paz Lenchantin). Le poids des années et des kilos en trop ne semble pas avoir de prise sur Franck Black. Le Vic Mackey du rock indé reste une bête de scène même si les basses ont parfois recouvert sa voix rauque et ténébreuse. Si sur les nouveaux titres, le public était aux abonnés absents, il a repris comme un seul homme l’incontournable : Where is my mind.
Les mauvais garçons de Loop ont ensuite pris le relais. Les meilleurs ennemis des Spacemen 3 au sein de la scène psyché britannique de la fin des 80’s ont fait honneur a leur réputation. Le bassiste a tourné le dos au public durant tout le concert. Sans Bex Hampson, les Britanniques ont aligné leurs hits à fragmentation, de Straight to your Heart à Arc-Lite.
Pour tenir les festivaliers éveillés jusqu’au bout de la nuit, l’organisation avait eu la bonne idée de caler Todd Terje à 3h du matin. D’ailleurs, prononcez « Tod Terria » selon un Norvégien, présent sur place. Retirant ses chaussures à 3 bandes, le DJ a joué son dernier album, pieds nus, comme à la maison. Stoïque derrière son Macbook et son synthé, Todd Terje n’a malheureusement pas jeté un seul regard vers son public. Autre déception : le fait qu’il n’ait pas joué Johnny and mary, reprise géniale de la ballade de Robert Palmer. En même temps ce titre aurait sans doute endormi Porto…
DAY 3
Pour la dernière journée, Neutral Milk Hotel est venu apporter sa touche foutraque à un festival un peu (trop) propret. Accompagné de ses musiciens dont Julian Koster qui alternait banjo, guitare basse et scie musicale, Jeff Mangum a donné une ambiance bucolique à son concert avec sa voix déroutante.
Pendant ce temps là, The National déroulait ses classiques. Véritable attraction pour le public portugais, le groupe américain est sorti largement vainqueur à l’applaudimètre de ces trois jours de concerts.
En fin de journée, !!! (Chk Chk Chk), a réalisé une prestation sans surprise. Aussi prévisible qu’un discours de François Hollande, les Américains ont délivré leur set punk-funk de routine. Avec son traditionnel micro short, sa chemisette, et ses non moins traditionnels mouvements de bassin, Nic Offer s’est même offert une virée dans la fosse.
Au rayon des prestations énergiques, saluons celle de Ty Segall qui a sans doute délivré le set le plus énergique du festival. Le chanteur californien n’était pas venu en terres lusitaniennes depuis 3 ans mais ses fans étaient présents en nombre pour le voir jouer sous son propre nom (et pas sous l’un de ses multiples avatars comme les excellents Fuzz). Avec Ty Segall au micro, le public s’est (enfin) lâché pour ce qui constituait l’un des derniers concerts de Nos Primavera.
Chargés de clôturer les festivités, Cloud Nothings a parfaitement fait le job. Le groupe de rock indé américain a délivré un set aussi hardcore que mélodique. A mi-chemin entre Cap’n Jazz et Fugazi. Compte tenu de leur excellente prestation, on peut seulement regretter qu’ils aient été programmés à une heure (3h du mat’) où les litres de Caïpirinha commencent à faire leurs premiers effets. On aurait préféré écouter leurs textes remplis de rage adolescente à l’heure du goûter…
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