Sébastien Tellier en conversation avec lui-même, le concert sexuel de The Kills ou le show volcanique de Birdy Nam Nam : le Pont du Gard a accueilli deux soirées brûlantes jeudi et vendredi. On y était, on vous raconte.
L’été existe. Loin de l’interminable rideau de pluie parisien, les spectateurs de Lives Au Pont en ont fait la brûlante expérience jeudi et vendredi. La programmation du festival promettait moiteur et déhanchements, avec notamment The Kills, Metronomy, Sébastien Tellier, Birdy Nam Nam, De La Soul ou encore Citizens!, en ouverture.
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JOUR 1
Il est tout juste 19 heures jeudi lorsque les Londoniens font leur entrée face au Pont du Gard. Le soleil tape et pour les présentations, Reptile lézarde la sono du festival. Citizens! a sorti cette année Here We Are, premier écrin pop riche d’une douzaine de tubes à danser. En plein cagnard, le chanteur donne l’exemple et invite un public clairsemé à calquer ses gesticulations. Pari entièrement réussi avec Girlfriend et la dizaine de festivalières en poom-poom short conviées à se déhancher sur scène.
En attendant Sébastien Tellier, Pony Pony Run Run prend le relais. Le pied scotché à l’accélérateur, les Nantais maltraitent le power-pop de leur deuxième album. Bonne idée ! Plus lourdes, plus denses, plus crasses que sur Cd, les chansons s’enchaînent entre progressions jouissives et variations club. De quoi se dépenser avant la messe bleue prévue dans la foulée.
Les dernières rougeurs du soleil disparaissent derrière la garrigue, Tellier arrive sur scène.10 000 personnes sont maintenant pendues aux lèvres du néo-prédicateur. Rapidement, on comprend que le concert propose deux portes d’entrée. Par devant, pour les pépitos bleus, la déconne de façade, les solos de guitare dégoulinants et les postures de dandy prêcheur moitié Gainsbarre moitié Raël. Par derrière, pour les digressions comiques, les joliesses tirées de Sexuality, les prophéties scabreuses et le lien, aussi intense qu’instable, entretenu avec la majorité du public. Le tout constitue un ensemble planant, beau et étrange, à l’image d’une interprétation allongée de L’amour Et La Violence en guise de révérence.
Sébastien Tellier peut encore tenir des heures mais Metronomy est attendu en suivant. La bande de Joseph Mount tourne depuis des mois dans sa nouvelle formule. The English Riviera a inondé la France l’année dernière mais la soif des fans n’est toujours pas étanchée : le groupe a l’habitude d’évoluer à domicile sur les scènes françaises. Ce soir-là il joue presque en stéréo, renforcé par l’écho studieux du public de Lives Au Pont. The Bay, The Look, Corinne : les paroles ont été soigneusement bachotées. Nous on attend le prochain album.
Dernières pulsations du soir avec The Kills : le groupe de l’été si l’on en croit les affiches des festivals où leur nom s’inscrit à l’infini. Une grosse demi-heure après minuit, encore plus moites que l’atmosphère, deux corps raides débarquent sur scène. Dès les premiers riffs la foule ondule de plaisir et tangue de gauche à droite, de Jamie à Alison, de la guitare criarde à la voix sensuelle. Le groupe va et vient entre les râles de Blood Pressures, et les tubes tirés des albums plus anciens. Dans la foule, certains tombent le haut, d’autres, plus obéissants, adoptent des postures suggestives et s’abandonnent à la nuit lascive ordonnée par les Kills.
JOUR 2
Vendredi, veille de 14 juillet, le public débarque en masse au Pont du Gard. Une fréquentation un peu plus jeune et bien décidée à en découdre sur fond d’electro, de soul et de hip-hop envahit le site. Au programme : Birdy Nam Nam, Breakbot, Selah Sue, De La Soul et Emilie Chick.
Rouge à lèvres éclatant et coupe de cheveux iroquoise assortie, la dernière citée ouvre le bal. On découvre le groupe. Son organisation interpelle d’emblée : pas de guitare et un discours à trois instruments claqué entre basse, batterie et synthé. La voix renvoie quant à elle à de solides influences jazz. Mais le mariage avec une orchestration moderne et dépouillée laisse songeur. Quand le fantôme gracile de Sarah Vaughan croise le spectre fourre-tout de la culture 2.0, un épais brouillard s’installe su scène. Flou mais assez fou pour gagner les faveurs d’un public cordial et bon enfant.
L’ambiance et le thermomètre montent de plusieurs degrés à l’arrivée de De La Soul. Après un warm-up hurlé et menaçant (si tu ne danses pas le dj t’insultes), trois quarts d’heure bouillants se chargent d’éreinter une masse aussi compacte que le répertoire du trio. Le groupe déballe les grosses ficelles du show à l’américaine mais les manipule avec classe et dextérité. Chaque MC choisi sa moitié du public et l’entraîne dans une guerre d’encouragements qui résonne encore sous les arcades du Pont du Gard. Pour ce qui est de la musique, et malgré le « poids » des années, De La Soul égraine ses tubes sans faiblir. Il est loin d’être minuit mais sur scène c’est déjà le week-end avec Saturday et son refrain intemporel.
Difficile de jouer après un tremblement de terre. Surtout que Selah Sue ouvre sa prestation avec une chanson fluette à la guitare sèche, avant d’en entamer une deuxième « dédicacée à sa maman ». Le public grince avant que la chanteuse ne remonte la barre sur une reprise boxée de Lost Ones, de Lauryn Hill. Mais le concert retombe vite dans ses travers initiaux et une large partie de la foule se dépassionne. La Belge tourne depuis presque deux ans avec les mêmes chansons et ce soir ça s’entend. La veille, à la même heure, sur les mêmes planches, Sébastien Tellier glorifiait l’amour et la violence. On retiendra la fatigue et la lassitude comme excuses circonstancielles à la seule panne du line-up
Chemise hawaïenne sur les épaules Breakbot, prend la suite aux platines et au synthé. Clope au bec, cheveux hirsutes et barbe touffue, la silhouette évoque celle d’un Tellier miniature, version essorée. Lui ne prononcera pas un mot de la soirée, préférant faire parler les machines et son electro variée. Tantôt lourde et baveuse, tantôt pop et charmeuse. Irfane d’Outlines déboule sur scène en fin de set pour ses deux tours de chant habituels. Sur Baby I’m Yours, les cordes vocales les plus féminines de l’assistance viennent soutenir les refrains et draguer son attention. Trop d’émotions pour le chanteur qui chute lourdement dans la fosse en voulant rejoindre les sirènes du Gardon. Grosse frayeur mais pas de casse.
Pour le final electro, Birdy Nam Nam démarre en trombe sa partition à huit mains. Les basses bourdonnantes résonnent jusque dans les bustes. Les plèvres tiennent le choc mais les cœurs sudistes tressautent lorsque Little Mike ose un « Ici c’est Paris ! » accueilli comme il se doit en territoire olympien. Le groupe continue à titiller les sensibilités footballistiques en musique avec une version éclair de Abbesses. Au milieu du magma d’énergie, un hommage déstructuré à DJ Mehdi finit d’aliéner les milliers d’esprits agglutinés au pied des platines. L’unique rappel de l’édition 2012 du festival arrivera sur les coups de 1h30 avec The Parachute Ending et ses dix minutes de baston sonique. A 4 contre 12 000.
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