Non, le Hellfest n’est pas le seul festival metal de France. Sur ce seul premier week end de septembre, on en comptait quatre, plus modestes. Visite à un nouveau-né versé dans l’extreme et au devenir prometteur, le Fall of Summer (77).
Fall of Summer, qu’on traduira poétiquement par « Les tombées de l’été », est un intitulé bien délicat pour un festival au programme plutôt panzer-panzer, et garanti sans édulcorant grand public. Ici, malgré le décor « rivage au clair de lune », on donne dans le sauvage, le brutal, le malsain ! Le « Trve Ivol » comme ils disent. Loin de ces rosières d’Aerosmith et de ces bas bleus d’Iron Maiden dans leurs décors dignes de Vegas. Ces 5 et 6 septembre derniers, sur la base de loisirs de Vaires-Torcy, à 30 km à l’est de Paris, pas de risque que Sodom ou Venom ne riment avec « shalom » !
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Les festivaliers étrangers sont en nombre, mais pas autant que les « dos patchés » qui pullulent depuis que James Hetfield de Metallica arbore une veste à patches à la scène – à la ville il préfère Armani, merci ! – Dans ce festival qui réunit un casting assez démentiel pour une première, ni club des partenaires, ni VIP « hors milieu », ni déguisements en abondance. A moins de considérer le total look « ouverture de la chasse » comme une panoplie de carnaval. Et pas de scénographies à la Hellfest. Le côté « amphithéâtre de verdure » faisant la différence, apaisant le regard là où la musique ravage les oreilles.
Premières claques
Le vendredi, première claque avec Venom, aussi rare à la scène qu’un bon coin à champignons et attendu, disons comme l’Antéchrist, vu le contexte… Les pères fondateurs du Black Metal, parfois brouillons, sont ce soir parfaits. Seul rescapé des débuts, le bassiste-chanteur Cronos est acclamé à tel point qu’il en loue le public, « meilleur et plus bruyant qu’au Hellfest ». L’heure de jeu allouée se conclura par un Witching Hour façon lit de braises et, par le seul hit du black-metal, ce In league with Satan audible par tous publics, entre tam-tams indiens et refrain scandé à la We will rock you de Queen.
Après un détour par le brutal death intense des sulfureux Finlandais d’Impaled Nazarene, c’est en sifflotant le Oxygene de Jean-Michel Jarre, relayé par la sono, que les fans transhument vers le show de Carcass, reformé en 2007. Aussi bon qu’au Hellfest, avec ce son particulièrement affûté, au service d’un chapelet de classiques, Carcass, grâce aux interventions sarcastiques de Jeff Walker, est en outre devenu une bête de festival, ce qui vaut toujours mieux qu’être un monstre de foire.
Metal à la plage
Le samedi, les allemands d’Ahab tentent d’imposer leur doom pachydermique. Mais des morceaux à deux de tension à l’heure de l’apéro et sous un soleil qui nous met le cœur limite funky, ça sent l’erreur de timing à plein nez. Exit le sable du rivage donc – peut-être le seul défaut du festival quand on est en Converse -, et petit détour pour la traditionnelle – et comestible – frite de festival. La nuit tombe enfin et les moustiques ont fui lorsque retentit l’ovation pour un survivant, un vrai : Bobby Liebling, leader de Pentagram depuis 1971. Imaginez un grand échalas en chemise à fleurs, genre Antoine sans les lunettes de son sponsor, et la coupe de Léo Ferré. De loin, on se demande si ce n’est pas la sorcière de Blanche Neige qui veut nous faire goûter ses riffs empoisonnés, de près Bobby a juste l’air perché mais gentil. Et il réussit le plus beau vrillage d’oreilles du week-end, grâce à la sono qui, en hommage à ce précurseur du doom, se l’est jouée vintage, hoquetant de multiples larsens.
L’oscar du groupe mystère, car il en faut toujours un, sera lui délivré à Ascension, du black metal atmosphérique allemand dont les musiciens jouent casqués ou cagoulés, offrant un peu de répit avant le set acclamé de Sodom, trio culte représentant toute la finesse du thrash allemand… Leur leader, Tom Angelripper, ex-mineur de fond, n’a jamais cessé de forer en fait. Il a juste remplacé le charbon par les conduits auditifs.
Black metal en couleurs
Enfin, si le succès de Watain ne cesse de nous étonner, au vu de leur black metal assez limité, c’est visuellement que le groupe – qui aime jouer avec le feu – appâte le chaland. Alors que les tentures servant de décor aux blackeux Suédois brûlent tranquillement en fond de scène, et que cuisent les premiers rangs, du haut de la passerelle traversant le site, on se prendrait presque pour Néron contemplant Rome qu’il vient d’incendier. La lune est pleine, le lieu isolé et pour un peu, on verrait un drakkar en flammes émerger du lac. Ah, le pouvoir de suggestion de l’imagerie metal !
Reste une ultime déflagration assurée par Bömbers, un tribute à Motörhead emmené par Abbath, leader d’Immortal pour un dernier moment culte. Merci pour ce moment ! Evidemment, le festival sera déficitaire (l’orga avait besoin de 2500 entrées payantes par jour, on frisait les 2000…) et souffrait de l’absence, classique pour une première édition, de financements ou de sponsors mais les groupes étaient contents d’être là, et les réactions sur les réseaux sociaux sont dithyrambiques. Bref, « Paris » semble tenir son festival extreme. Quant au merch maison, aux couleurs du Fall of Summer, il a été littéralement dépouillé. De quoi voir l’avenir en couleurs. Même quand on aime le black-metal !
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