Del tha Funky Homosapian, Kid Koala et Dan the Automator embarquent pour un second voyage spatial de Deltron 3030. 13 ans qu’on attendait ça. Retour sur leur prestation bruxelloise au VK : on y était, on raconte.
Sur les quais de Molenbeek Saint-Jean, commune du nord-ouest de Bruxelles jadis pôle industrialisé, il est une Rue de l’École où l’on pratique la buissonnière en musique. Et où l’on aime emprunter des routes alternatives. À un an de célébrer son premier quart de siècle – et d’un festival-anniversaire qui augure, nous a-t-on soufflé, de quelques joyeusetés en plein air – , le VK renouait en début de semaine avec son passé glorieux de théâtre des grands noms underground.
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VK pour « Vaartkapoen » dans la langue de Vondel, ou « fripon du canal » dans celle de Molière. Celui-là même qui a donné son nom à une curieuse sculpture en bronze de Tom Frantzen installée non loin de là, Place Sainctelette, depuis 1985. Qui sort la tête d’une bouche d’égout, comme un lapin surgit d’un chapeau, pour crocheter et faire chuter un honnête policier… Une œuvre qui symbolise la jeunesse défiant l’autorité. Et dont la salle de concert s’est probablement inspirée.
Depuis 1989, elle a convié dans la capitale belge bien des artistes indie. Certains devenus grosses cylindrées depuis. Blur, Pulp, Pavement, les Stranglers, Queens of the Stone Age, Rage Against the Machine, Marilyn Manson et même les Black Eyed Peas sont passés par ici. Cette fois pourtant, l’antre molenkeeboise était en mode hip hop. Car elle est, entre autres caractéristiques, l’un des rares endroits où l’on peut encore écouter du rap en Belgique. Là aussi, la déferlante de noms donne le tournis. Gang Starr, Arrested Development, The Goats, Jungle Brothers, Assassin, Ice-T, Pharcyde, Deliquent Habits, Jurassic 5, Genius, Capone’n’Noreaga, Dead Prez, MF Doom, la clique Ill Bill, Pharoahe Monch, Rakim, Raekwon, Onyx, El-P, Antipop Consortium… Tous ont un jour déclamé leurs rimes en ces lieux.
Il y avait du monde au comptoir du VK mardi soir pour célébrer le grand retour de Deltron 3030, triplette légendaire du rap-jeu. Un super-groupe comme on dit, composé de trois monstres sacrés. Teren Delvon Jones alias Del the Funky Homosapien, MC patenté dont le plus fameux fait d’arme est d’être la voix rappée de Gorillaz. Dan (the Automator) Nakamura, l’un des producteurs les plus prisés du globe, déjà orfèvre des disques de Dr.Octagon, Peeping Tom, Gorillaz, Handsome Boy Modeling School, Kasabian, Miles Kane, etc. Et Eric San a.k.a. Kid Koala, probablement l’un des meilleurs scratcheurs de la planète aux platines. Alors que ce dernier causait avec les dauphins et s’échauffait les phalanges, pour un prélude en dilettante, les spéculations étaient légion dans le bar, où s’expose depuis peu la charmante et non moins talentueuse Caroline Lessire, photographe bruxelloise à l’objectif affûté qui sait sublimer le live en noir et blanc.
Le vaisseau Deltron 3030 n’avait fait qu’une seule escapade dans l’espace jusqu’à présent, en 2000, le temps d’un disque au scénario futuriste qui allait marquer l’histoire du hip hop sous-terrain. La dextérité du Koala aux platines, l’inspiration du sage Nakamura côté instru et le flow singulier de Del au micro s’alliaient alors pour nous conter l’histoire rocambolesque de quelques hommes libres oppressés par une dictature fasciste. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, lesdits rescapés sont aussi pourchassés par des extra-terrestres, c’est ballot… Un délire rap afro-futuriste à la Sun Ra que ne renierait pas George Clinton dont bien des samples, beaucoup l’ignore, furent puisés à l’époque dans l’œuvre de William Sheller. Treize ans plus tard, le trio repart en orbite pour une seconde odyssée maintes fois reportée que l’on attendait plus.
Event II nous transporte cette fois en l’an 4010. Et n’est pas du même tonneau que l’épisode premier… C’eût été mission impossible. C’est donc naturellement les tubes du temps passé qui font rapidement monter le mercure en les murs. Memory Loss, Things You Can Do, Positive Contact et Mastermind, un carré d’as imparable qui fleure bon le pe-ra d’autrefois. Une chose frappe dès l’entame du set: le son est énorme. Rond, puissant, précis… L’Automator a toujours les doigts d’or. Le Kid n’est pas non plus en reste et chatouille toujours aussi bien le vinyle. Quand au Funky Homosapien, son phrasé est intact. L’Américain est à n’en pas douter l’un des 10 meilleurs flows de la planète hip hop actuellement… Voire un des 5. Tant est si bien que l’ambiance du VK est survoltée et, dans une atmosphère aussi propice, les nouvelles missives passent comme du petit lait. Agony, Pay the Price, le single City Rising From the Ashes et surtout Do you Remember l’emportent au suffrage populaire.
Si l’on n’attendait rien de précis de ce retour, ce nouveau live en apesanteur nous aura plus que jamais convaincu de la valeur de ses instigateurs. Comme quoi, tous les papys du rap US ne sont pas encore bon pour l’hospice. Deltron n’est pas mort et devrait, il faut l’espérer, recroiser notre route en festival cet été.
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