Avant son grand concert (complet) prévu vendredi 29 mars à la Gaîté Lyrique, le génial Christophe Chassol jouait son tout nouveau spectacle mardi soir, dans le cadre très feutré du Silencio. On y était, on vous raconte Indiamore.
Harmoniser le réel. Voilà la difficile et ambitieuse mission dans laquelle Christophe Chassol est embarqué depuis 2010 et la conception du spectacle « ultracore » Nola Chérie. Après avoir grandi par le piano, Chassol, 37 ans cette année, a longtemps composé dans l’ombre parfois ingrate des musiques de film et des synchros pub. Avec Nola Chérie (suivi de l’indispensable double album X-Pianos) et son harmonisation de scènes de vie observées et filmées à La Nouvelle Orléans, le musicien s’était invité dans la lumière de la reconnaissance. Indiamore, nouveau scénario musical à paraître le 1er avril, pourrait bien éclairer définitivement le travail de ce musicien, arrangeur du réel.
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C’est dans la pénombre rupine et stylisée du Silencio que Chassol entre en scène ce mardi soir. Il n’est pas 23h, un écran de cinéma projette des images de l’Inde tandis q’une douce musique d’ambiance assure le générique introductif. Le pianiste arrive sur la pointe des pieds. Les premières notes sont un peu étouffées par les applaudissements discrets et les conversations mondaines de quelques m’as-tu-vu à qui on offrirait bien à un aller simple et immédiat pour Calcutta.
Côté scène, l’écran annonce la première partie du spectacle, avec en guise de chapitre, une liste de noms obscurs que l’on devine comme étant ceux des nouvelles séquences – impossible ici de parler de chansons – du Chassol nouveau. Afin d’inspirer son piano l’été dernier, le musicien s’est mué en vidéaste voyageur pour rapporter de Bénarès et Calcutta des scènes de vie et de musiques filmées au plus près des habitants. Il en a rapporté des motifs visuels, projetés en pleine lumière sur écran géant; et des marqueurs sonores, sur lesquels il s’appuie pour composer sa déclaration d’amour au pays du tabla et du sitar. Les klaxons des embouteillages lui servent de métronome. Mis en boucle et scandés à l’infini comme un mantra moderne, des chants improvisés à l’arrière d’un taxi assurent la caution hypnotique de l’instant.
Au fur et à mesure de son discours, le spectacle prend des allures d’expérience totale. Entre documentaire, art contemporain, séance de montage et cours de musicologie, Christophe Chassol offre un récital global. Au milieu du réel indien, il n’est qu’un invité. Les parties du film s’enchaînent et le pianiste continue à briller dans l’ombre. On ne peut que distinguer la fulgurance de son jeu virtuose étalé entre trois claviers. Sur scène, plusieurs cultures, disciplines et courants se fondent et se mélangent, ordonnant l’éveil de plusieurs sens, nostalgies et fantasmes chez le spectateur. Comme si Isaac Hayes rencontrait François de Roubaix dans un paradis instrumental halluciné en bords du Gange.
Aussi à l’aise dans l’improvisation jazz que dans la précision classique, Chassol dessine avec Indiamore une terre d’asile idéale où la simplicité de la production n’a d’égal que la complexité de la réflexion. A moins que ce ne soit l’inverse. Debout au piano pour accompgner le générique de fin, le pianiste donne la touche finale à son paysage sonique et visuel juste après minuit. Pour éterniser l’exil, Indiamore sortira en images et en sons le 1er avril. Pas une blague, mais l’assurance d’un basculement transcendental dans une réalité harmonisée, amplifiée, mais jamais caricaturée. Il faut la voir pour la croire.
Chassol : concert à Paris, Gaîté Lyrique le 29 mars. Indiamore disponible dès le 1er avril.
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