De retour après sept ans d’absence avec un nouvel album autoproduit, les Californiens menés par l’ineffable John McCrea se sont invités en France pour une date parisienne à guichets fermés. Récit d’une fulgurante remontée dans le temps à La Cigale avec un groupe qui n’a pas pris une seule ride.
« Retrouvez l’espace de trois minutes cette période magique où vous n’aviez pas deux enfants et un crédit à 12,6% échelonné sur 25 ans« . Cette phrase, tirée d’une pub de Ouï FM et illustrée d’une photo de Blur, aurait tout à fait pu servir de synopsis au retour de Cake à La Cigale. Ce soir, la salle est en effet pleine de trentenaires et plus venus retrouver, le temps d’un concert, le groupe qui a bercé leurs années de fac. Des couples enlacés et des vieux potes qui ne se sont probablement pas revu depuis leur DEUG s’entassent petit à petit dans la fosse pendant que l’on jubile d’être, pour la première fois depuis un certain nombre d’années, l’un des plus jeunes spectateurs de toute la salle.
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Une chose est sûr : les trentenaires sont bien plus patients que nous. On a beau se tortiller au son de Trust In Me du Livre de la Jungle en espérant que l’improbable va arriver – voir l’un de nos groupes préférés du collège arriver sur la meilleure BO de Disney jamais enregistrée – rien ne se passe malgré quelques timides couinements dans le public. Les Américains sont à la bourre et c’est même avec quarante-cinq minutes de retard qu’ils finissent par apparaître sur scène après (très) longue et ridicule musique d’entrée qu’on place volontiers entre le générique de MacGyver et Eye Of The Tiger.
Heureusement pour tout le monde, le groupe est à mille lieues de l’ouverture de leur concert et c’est avec l’inattendue Sad Song and Waltzes que John McCrea entame le show. Accompagné de l’excellent guitariste Xan McCurdy – que McCrea pointera du doigt plus tard pour expliqué leur retard, McCurdy ne s’étant pas réveillé à l’heure – et du mythique trompettiste Vincent Di Fiore, le chanteur lance sa voix si particulière à travers La Cigale.
On se rappelle alors toutes ses années passées à fantasmer sur le timbre de McCrea, sa façon de détacher chaque syllabe, de parler-chanter les textes de ses morceaux comme un rappeur, et la découverte, au détour d’une des premières recherches Google de notre vie, de la dégaine décalée du Californien. Avec sa barbe mal taillée, son sweat délavé et sa casquette sans âge, le leader de Cake réunit pourtant toute la classe, l’ironie et la coolitude que ses chansons possèdent intrinsèquement.
Après plus de 20 ans d’existence, le groupe est plus que rodé : le son de la trompette de Di Fiore claque, partageant cordialement ses solos avec les riffs de McCurdy, qui malgré ses yeux fatigués, se démène à la guitare. De Mexico à Frank Sinatra – dont les paroles semblent profondément ancrées dans les méandres de notre cerveau –, de Wheels à War Pig en passant par l’immanquable reprise d’I Will Survive qui a fait le tour du monde, Cake passe en revue l’intégralité de sa discographie, sans oublier les titres, plus neufs, de son dernier album en date, Showroom of Compassion, paru en janvier sur leur propre label. Sick Of You, single phare du nouvel essai du groupe, conquiert facilement les âmes : il n’y a qu’à voir le public, séparé en deux sous les ordres du vibraslap de l’hilarant chef d’orchestre McCrea, se répondre les paroles du refrain pour comprendre que malgré sa récente sortie, l’album a déjà de fervents admirateurs et le groupe, de très loyaux fans.
A l’image de l’arbre que les Américains offrent ce soir à l’une des spectatrices – une tradition que le groupe, ardemment écolo, a instauré lors de ses dernières tournées américaines (une carte des arbres plantés par les vainqueurs de cette joyeuse loterie est d’ailleurs visible ici) -, le rock de Cake a implanté ses racines si profondément dans les cœurs qu’il paraissait pouvoir ne jamais se dessécher. Après ce soir, on en est sûr : he’s going The Distance.
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