Réalisateurs et musiciens, les Anglais ont trouvé en le British Film Institute l’endroit idéal pour compiler leurs talents. Retour sur la première de leur live cinématographique « Surrounded » dans le cadre du London Short Film Festival.
On le sait : les garçons de Breton ne se contentent pas d’écrire, jouer et produire de la musique. De leur ancien quartier général de Londres, le bien nommé Lab, banque abandonnée dans laquelle ils vivaient, créaient et bâtissaient jusqu’alors leur propre monde, les cinq Anglais réalisaient aussi clips et court-métrages pour eux, pour d’autres, et pour le plaisir. Le Lab n’est plus, mais le collectif, relocalisé, continue de refuser de choisir entre musique et cinéma. Le London Short Film Festival l’a bien compris puisque ce dernier avait invité le gang, vendredi, à donner la première représentation de « Surrounded » au British Film Institute, prestigieux centre de promotion des arts cinématographiques et télévisuels britanniques situé sur les bords de la Tamise.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le concept n’est pas nouveau, mais périlleux : jouer en live les bandes originales de dix courts-métrages crées par le groupe pour accompagner son premier album, Other People’s Problems, pour d’autres, ou conçus spécialement l’occasion. Pour rajouter une inconnue de plus à cette équation déjà complexe, Breton s’était aussi adjoint les services d’un quartet à cordes – chez les Anglais, on aime faire compliqué quand on peut faire simple.
C’est donc dans une salle pleine, après à peine quelques jours de répétition et des semaines de travail casse-tête – comment écrire des partitions classiques quand on n’a jamais fait de solfège ni touché un violon de sa vie ? –, que les quatre Londoniens entrent en scène très tendus – leur VJ, Ryan McClarnon, relégué temporairement dans une cabine en haut de la salle pour plus de commodités. Habitué de la scène après un an passé sur les route, le groupe affiche une concentration à toute épreuve lorsque résonne les premières notes de The Commission, titre de clôture de leur album encore jamais joué en live. Les cordes s’agitent et l’on découvre les images du clip qui accompagne la chanson, un homme dans un vaisseau spatial à la dérive.
Moins électrique et physique, plus solennel et profond que leurs live habituels, le concert prend forme sous les yeux des spectateurs confortablement assis dans les fauteuils. Pas de bras levés ni de hurlement ici, perturbant pour ceux qui suscitent plus souvent l’euphorie que le silence respectueux, mais peu importe : Breton a une qualité première, l’adaptabilité. Si l’on regrette Detroit, documentaire filmé à l’iPhone (et donc d’une qualité trop basse pour être projeté sur un si grand écran) pendant la tournée américaine du groupe, on (re)découvre un Edward The Confessor plus intense que jamais grâce aux violons et violoncelle, ainsi que des versions retravaillées de The Well et de Pacemaker, ce dernier accompagné pour l’occasion d’un sublime court-métrage tourné par le groupe pour la créatrice de mode Georgia Hardinge.
Le set n’est pas parfait, mais ses quelques imprécisions (December et son monologue final un peu trop long) font son charme : dans un chaos maîtrisé où circule basse, beats, guitares, cordes, batterie et dialogues enregistrés au cours de l’année écoulée, les Anglais montrent, comme dans leur album, qu’ils sont multiformes, malléables et qu’aucune frontière – physique, musicale ou technique – n’est infranchissable.
On visite Paris en compagnie d’une jeune femme habillée d’un costume de bondage sur Wood and Plastic, on est témoin de la rupture d’un homme parieur maladif sur Idle Hands et des dérives d’un père obsédé par la sécurité de sa fille sur December. Une plongée en apnée dans l’année intense que le groupe vient de passer – tous ses collaborateurs sont présents ce soir, dans la salle ou sur l’écran (on aperçoit ici l’album d’un de leur remixeur, SunGlitters, là, l’autocollant de La Blogothèque avec qui Breton avait tourné un Concert à Emporter l’an passé).
Le dernier court-métrage de ce concert particulier sera pourtant le plus marquant : soutenu par un titre tribal spécialement écrit pour le BFI et que WU LYF ne renierait pas, Home Invasion raconte de façon poignante le suicide (réel ou social) de deux gosses perdus – on ne respirera qu’au happy end final lorsque les lumières se rallumeront enfin et que retentiront les dernières notes déchirantes des violons. Entre films et musique, les garçons de Breton ont tranché : ils feront les deux et plutôt très bien.
Photo © Nic Shonfeld. Plus de photos par ici.
{"type":"Banniere-Basse"}