Hier soir, Blur posait ses instruments sur la scène du Zénith. Concert éclatant pour le premier passage des Anglais à Paris depuis douze ans : on y était, on vous raconte.
« Je n’arrive plus à me souvenir et les avis divergent : est ce que ça fait treize ou quinze ans que nous n’avions pas joué à Paris ? » interrogeait hier, sur la scène du Zénith, un Damon Albarn en forme olympique. Mon cher Damon, le dernier passage de Blur par une scène parisienne fut effectué il y a douze ans : tes complices et toi avaient retrouvé, pour la promotion de l’album Think Tank, la scène de l’Olympia- seul Graham Coxon, évincé du groupe à l’époque pour ses problèmes d’alcoolisme, manquait à l’appel.
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Aussi, le retour de la troupe au complet sur la scène du Zénith, scène qu’elle avait déjà foulée il y a dix-sept ans lors de la tournée de l’album Blur, constituait hier soir un vrai petit événement. Avec un salle, du coup, bondée et bouillante, peuplée d’anciens fans devenus moins jeunes- les adolescents, jadis cœur de la fanbase des Anglais, brillaient par leur absence.
Le groupe monte sur scène avec Go Out, extrait du récent The Magic Whip, l’album surprise que même les fidèles du groupe n’attendaient plus après douze ans d’absence et autant de projets parallèles (Gorillaz, albums solo etc). Dans ce huitième disque, le groupe piochera au final six titres- moins efficaces que les classiques avec qui ils partagent l’affiche, ils sont néanmoins plus musclés et convaincants sur scène que dans leur version album.
La joie, en revanche, viendra du reste de la setlist, dense et impressionnante. Le temps d’un double album, piochant dans le désordre dans son large répertoire, Blur convie six mille fans qui n’attendent que ça à de magnifiques voyages dans le passé. Le préhistorique, d’abord, avec les guitares bondissantes et baggy de There’s No Other Way, seul extrait de l’ancestral Leisure. L’antique, ensuite, avec les chœurs et cuivres radieux de For Tomorrow qui ravivent l’esprit mod de Modern Life is Rubbish– Albarn et le batteur Rowntree, d’ailleurs, ont ressorti les Fred Perry d’antan.
Parklife, son troisième album, est celui que le groupe ressuscitera le plus, provoquant l’hystérie du public en dégainant les imparables Girls & Boys et Parklife, rappelant son don pour l’écriture de ballades pop sensibles avec Bad Head, To The End et This is a Low. Dernier extrait du chapitre le plus platiné du groupe, le fougueux Trouble in the Message Center, dans une version pétaradante, joue parfaitement son rôle de petite madeleine de Proust britpop.
De The Great Escape, Blur ranime le riff irrésistible de Stereotypes, le lyrisme doux de The Universal et le moins attendu He Thought of Cars, dont il propose une belle version trouble qui, rétrospectivement, laisse entrevoir le virage expérimental pris par le groupe sur ses albums suivants. De ce triptyque-là (Blur, 13 et Think Tank) Blur ressuscitera d’autres paragraphes immanquables : le fatal Song 2, à réveiller les morts avec son refrain rouleau compresseur, le délicat Out of Time, joué pour la première fois à Paris avec Graham Coxon donc… Mais aussi le tendre Coffee and TV, le sentimental Tender et ses chœurs gospel, le toujours épatant Beetlebum et son refrain en apesanteur. Ou encore Trimm Trabb, un classique des concerts de Blur qui s’achève dans un dédale de riffs, cris et distorsions.
Décor ludique et multicolore (vidéos cocasses, cornets de glace lumineux, boules à facettes…), attitudes inchangées (Coxon maltraitant sa guitare, Albarn à l’aise dans son rôle de leader, Rowntree discret et James en dandy nonchalant), renfort d’une section de cuivres et d’un quatuor de choristes, tubes efficaces comme aux premiers jours…Toute la grammaire de Blur est, tout le théâtre est là. Et une fois évanouies les dernières cordes de The Universal, qui achève les festivités comme il avait l’habitude de le faire au siècle dernier, ne reste plus qu’à croiser ce que les applaudissements nous ont laissé de doigts pour que ce chapitre éclatant soit suivi par d’autres… Avant douze ans.
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