Elu “meilleur festival du pays” par le public anglais lui-même, Bestival est devenu le rendez-vous bucolique et ouvert de la fin de l’été. On y était : on a fait de la méditation transcendantale avant d’aller danser chez Stevie Wonder, Alt-J et New Order.
Confortablement blotti dans les collines de la réserve naturelle de Robin Park, sur l’île de Wight, le festival Bestival devient d’année en année l’un des plus importants rendez-vous du circuit anglais, attirant cette année 50 000 personnes – sold-out. Il est ainsi passé de ce tendre et sympathique baiser d’adieu à l’été à ce que beaucoup décrivent comme le meilleur festival du Royaume. Un succès qui doit au lieu et à son usage : on peut facilement échapper aux têtes d’affiches pour contempler les sculptures venues du festival américain Burning Man dans la zone Bollywood, suivre un cours de méditation transcendantale offert par la Fondation David Lynch ou juste traînasser dans les hamacs situées dans la “ambiant forest”, où un DJ mixe sans éclats de voix. Un lieu idéal pour s’interroger sur la folie sublime qui consiste à accueillir une telle abondance, une telle diversité de groupes dans un espace et un temps aussi limités. Certes, ce n’est pas le marathon de South by Southwest ou la démesure de Glastonbury, mais il y a une vraie jouissance à se promener dans les bois en goûtant la musique venant de droite ou de gauche, en contemplant le spectacle insolite des spectateurs tous plus illuminés les uns que les autres, dans des décors personnalisés : chacun revient de Bestival avec son propre vécu, son propre parcours, ses propres coups de cœur. Voici les nôtres pour cette édition 2012.
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The XX
Le show est, comme d’habitude, minimaliste, renfrogné, stoïque et pourtant, même sur la plus grande scène, les Londoniens captivent chaque oreille disponible. Il y a tout juste deux ans, ils jouaient ici même pour les quelques milliers de courageux qui avaient réussi à ramper jusq’au grand chapiteau de Bestival. Là, alors que le nouvel album est à peine sorti, le groupe provoque un gigantesque mantra collectif avec son “being as in love with you as I am” et invite même à une danse mélancolique sur des chansons comme Sunset.
New Order
Se débattre contre le fantôme d’un des groupes les plus importants et influents de l’histoire du rock anglais : le pari ardu de New Order depuis le jour où les Mancuniens ont abandonné le nom de Joy Division pour rompre avec le passé et regarder en avant. Ce dogme de la marche en avant les a entraînés dans un trip tumultueux, qui les vit pionniers de l’électro-pop puis impuissants à se régénérer, gagnant des membres au passage – et en perdant surtout la basse violente de Peter Hook. Le groupe a aujourd’hui a sa disposition plus de trente ans de chansons (et de tubes) mais aussi l’âge de ses artères, ce qui n’empêche pas 50 000 personnes de les accueillir avec passion, notamment quand l’écran géant diffuse des images de Ian Curtis pendant Love Will Tear Us Apart. Certes, l’atmosphère des paroles et des images contraste sérieusement avec l’ambiance bucolique et le soleil radieux du festival, mais le concert est un triomphe juste.
Stevie Wonder
On se pince quand ce géant de la soul arrive sur scène : c’est un vieillard, chancelant et bedonnant. Mais très vite, on arrête de grincer des dents, notamment quand il se met enfin au piano après un douteux épisode à la guitare-clavier. Là, l’ambiance change totalement : sa voix défie avec insolence les années et ses prouesses au clavier, sa suavité rappellent aux plus jeunes à quel point leurs héros d’aujourd’hui, comme Frank Ocean, lui doivent. Son concert, des Beatles à Michael Jackson en passant par son sidérant répertoire, vire très vite au best of, qu’il accompagne de messages de soutien à Barack Obama – la foule est en transes.
Disclosure
Les disputes fusent devant la scène : comment peut-on décrire cette musique et à quelle scène la rattacher ? Certains parlent de post-dubstep, d’autres du future-garage, d’autres plus simplement d’immense house-music. Les deux frères Guy et Howard Lawrence s’en fichent pas mal : ils sont devenus déjà un étalon de la nouvelle électro anglaise. Malheureusement, leur set fantastique a lieu trop tôt, à 17h, heure à laquelle leur beats-trop-rapides-pour-danser ne sont pas encore adaptés. Ça ne les empêche de faire le plein sur la seconde plus grande scène de Bestival : visiblement, beaucoup d’entre nous attendaient de gigoter sur ces chansons avec lesquelles on vit intimement depuis un an.
Alt-J
A l’évidence, lors de la programmation, Bestival a largement sous-estimé la popularité possible des nouveaux über-geeks de la pop anglaise. Il faut en venir aux mains pour avoir le droit d’approcher de la petite scène Rob Da Bank Presents. Malgré la lumière du jour, l’absence de projections et une présence scénique pour le moins économe, leurs chansons nourries d’Hubert Selby Jr, leurs mélopées obsédantes et leurs guitares invraisemblables poussent le public vers l’extase.
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