Des ravissants Gomina à l’imprévisible Zammuto, des généreux Zam Rock aux incandescents Black Strobe, des infernaux J.C. Satan à la création Licornia, sans oublier la dream-pop de Melody’s Echo Chamber : on vous raconte tout sur le troisième jour des Transmusicales.
Jour 1
C’est dans la salle de l’Etage que s’amorce cette première soirée de la 34e édition des Transmusicales de Rennes. Sélectionné pour apparaître sur la compilation inRocKs lab vol.1, (publiée chez Because Music dès le 28 janvier 2013 en physique et en digitale) le quintet Bow Low ouvre la marche. Les Normands jonglent entre mélodies ensoleillées inspirées par le Far West – qui touchent leurs cibles avec la précision de Lucky Luke – et rythmiques opulentes qui tombent parfois à l’eau malgré l’énergie déployée. On louera l’efficacité de leurs refrains turbulents et les références cinématographiques récurrentes (d’Ennio Morricone à Anthony Mann) qui sont autant de bonnes surprises.
Les Caennais de Goldwave nous baladent ensuite aux frontières du math-rock organique et du shoegaze progressif. Après une ouverture sonique qui rendrait Faris Badwan et sa bande probablement jaloux, les cinq jeunes musiciens alignent des morceaux à forte valeur ascensionnelle. Sunshine, qui alterne éclaircies synthétiques au clavier et solo de guitares ténébreux. La force de frappe contenue par l’énergie de Jesus and Mary Chain en plus. Tout en ruptures, en accélérations puis dans la retenue, leur concert bouscule et émeut. Avant de partir en direction du Parc Expo, on prend quelques minutes de pause pour déguster le cidre local.
A peine engouffré dans le hall 4 du Parc Expo que Camera entame son set à un rythme effréné et effarant. Il est 21h, les spectateurs – encore peu nombreux – s’apprêtent à rentrer dans l’éruptif et tortueux tunnel krautrock dont ils ressortiront sonnés quarante minutes plus tard. Le trio Berlinois produit des morceaux entêtants et instrumentaux, seule l’itération des sons compte désormais. Les musiciens de Camera portent fièrement l’étendard de leurs parents Neu ! et Can, ce qui ne les empêche pas de construire un morceau coldwave faisant écho à Pornography de The Cure ou des échappées bruitistes, dignes du rock industriel, comme seul Death In Vegas se le permet actuellement. L’exaltante Ausland, ardente cavalcade, clôt ce voyage instantané en terres germaniques.
Curieux de ce que peut rendre le projet de Nicolas Fromageau – co-fondateur de M83 -, on passe par le Hall 3 pour profiter du concert de Team Ghost. Le quintet glisse, sûrement par amour pour My Bloody Valentine, quelques pincées de shoegaze pour épicer ses mélodies électro-pop. On entend dire qu’ils inventent ainsi le stargaze – les pieds dans les abysses et la tête dans les étoiles – le problème réside dans le fait qu’ils ne décollent jamais vraiment du sol.
Il est temps de basculer à nouveau dans le Hall 4 afin de jouir de la rencontre prometteuse entre Chief Xcel de Blackalicious et Hervé Salters de General Elektriks. Pour son premier concert Burning House met la funk crue et l’abstract hip-hop à l’honneur. L’énergie et la bonne humeur de Salters est plus que jamais communicative mais le mélange – claviers et saxo à outrance, contrebasse et collages jazz en suppléments – est franchement aussi lourd à digérer qu’une galette saucisse locale. En songeant au nom choisi par le groupe, nous revient en tête Jacques Chirac qui clame au Sommet de la Terre de Johannesburg : « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». On comprend mieux.
Tout juste âgé de 25 ans le « blanc-bec » Nick Waterhouse nous fait replonger dans le rythm’ n’ blues et le rock de la fin des 50’s. Smokings pour ses musiciens, robes sobres et unies pour ses deux ravissantes choristes : on se croirait presque dans Mad Men. Les fantômes de Gene Vincent et de Buddy Holly rôdent et le Californien les accueille à bras ouvert. Son jeu de guitare est irréprochable, ajoutez à cela un charisme naturel et une voix soul élégante : impossible de ne pas tomber sous le charme de Waterhouse. Le musicien offre plus d’une heure de concert, dont le mémorable I Can Give You Everything et la reprise d’It, chanson de son camarade californien Ty Segall.
Peu avant minuit, Hugo Leclercq alias Madeon, s’apprête à mixer devant un public dense. Pleinement à l’aise, le jeune DJ assume d’entrée son statut de jeune prodige de l’électro et produit un premier concert survitaminé. On se noie dans de pénibles remix des chansons de Katy Perry et Madonna avant que la bouée Song 2 de Blur, version revue et corrigée, ne vienne le sauver.
Vestes en cuir et en jean sont de mise pour les China Rats. Leur entrée en scène ne laisse aucun fan des Sex Pistols et des Undertones indifférent. On ne retrouve (pas encore) la mésentente entre les musiciens, mais quatre jeunes garçons de Leeds – à l’accent à couper au couteau – heureux de faire du rock’n roll et c’est sacrément beau. Le public arrivé à la fin du set de Madeon ne parvient pas à rattraper le train en marche. Qu’importe, les teigneux enchainent des morceaux fulgurants, immédiats et éclatants comme on pu l’être ceux des Libertines.
Pour terminer la soirée, on se love dans la pop foisonnante de l’enfant du pays, Ghislain Fracapane. Le projet solo initial se développe désormais en large troupe sur scène. Quoi de plus émouvant que de profiter du spectacle de douze musiciens réunis pour jouer des mélodies innocentes et mélancoliques ? Grâce à cette robustesse tirée du collectif, les morceaux Grain et Monte de Mermonte n’en finissent pas de grimper et de nous emmener dans leur voyage sans fin. Cette première soirée a commencé avec les promesses à suivre inRocKs lab, elle se conclut sur les sublimes épopées sonores du lauréat inRocKs lab 2012. La boucle est bouclée. Au moins jusqu’à demain.
Brice Laemle