Une superbe troisième journée pour les Nuits Sonores, à Lyon. Disclosure, King Krule, Ben Klock, BRNS et d’autres : on y est, on raconte.
L’ÉVÈNEMENT : King Krule
Beaucoup avaient eu raison de lâcher quelques larmes ces dernières semaines, apprenant que King Krule annulait ses quelques dates en France au mois d’avril. Larmes de joie cette fois-ci : l’Anglais était présent aux Nuits Sonores hier soir. Avec son air un peu étrange, Archy Marshall (c’est son nom, derrière ses différents projets) nous a enfin dévoilé sa « blue wave » en live : on y goûte comme à un concert de jazz. On tapote du pied, on hoche tranquillement de la tête, on savoure chaque recoin de cette musique grande classe, précise, écorchée. L’esprit foutraque et nonchalant du post-punk, allié au confort feutré du blues : ce serait donc ça, la blue wave ? Ou serait-ce l’effet de cette guitare bleue, qu’Archy traine toujours un peu de côté, comme s’il n’osait pas trop regarder le public en face ? Peu importe : ce petit génie, à peine majeur, nous transporte là où le nom des couleurs n’a aucune importance.
LA DÉCOUVERTE : BRNS
Elle faisait pâle figure, depuis le début du festival, cette scène consacrée aux artistes Belges. Snobée par le public et surtout montée par des choses étranges, la scène extérieure des Subsistances a retrouvé la vie grâce aux quatre garçons de BRNS. Déjà efficace sur disque, la pop ébouriffée de ces Bruxellois prend une ampleur magique sur scène. Sorte de WU LYF sous le soleil ou de Foals un peu tribal, BRNS offre une musique riche et nerveuse, tendre et amoureuse. Un peu dissonante, cette pop est toujours harmonique, c’est étrange. Et toujours beau. En plus, ils utilisent un xylophone, des maracas, des clochettes, des mélodicas et ça, c’est vraiment très chouette.
LA CLAQUE : Disclosure
On comprend mieux l’engouement autour de ces deux jeunes gars de Londres. En même temps, repérés qu’ils furent par Joe Goddard de Hot Chip, il fallait bien se douter que Disclosure serait une terrible machine à danser, un vrai laboratoire sonore pour élargir le sujet d’étude. Ce sujet, c’est la house-music, que le duo embrasse à coups de samples élastiques, mais aussi de façon très instrumentale. A côté de leurs ordinateurs : des percus, une basse, des micros. Ouais, ils chantent même un peu. Pendant ce temps, dans l’ancienne usine Brossette, certains s’enlacent, s’embrassent. Cette house est la musique de l’amour ; on voudrait la partager avec ceux qui savent, un grand sourire dans le cœur. Lyon devient une lionne et danse comme une folle, dans une progression sonore très maitrisée.
LA DÉCEPTION : Jamie xx
Jamie xx, moitié des atmosphériques The xx, a bonne réputation en solo, connu comme fouteur d’ambiance de choix. Et pourtant, l’Anglais nous a bien fait bailler hier soir, enchainant un set sans réelle cohérence, sans progression harmonieuse, sans enchainements dignes de ce nom. Entre r’n’b, drum’n’bass, house et techno, ses intentions semblaient manquer cruellement de chaleur, de rondeur. Un set très sec, qu’une partie du public a progressivement déserté en direction d’Acid Washed.
LES HÉROS : Acid Washed
On a bien failli piquer du nez devant Jamie xx. Heureusement, Acid Washed étaient programmé peu après, sur la scène extérieure de Brossette. Les quatre loustics débarquent, et tout de suite on est sauvés : direction le cosmos pour une danse extraterrestre, dans des partitions krautrock, house et techno en forme de formules de physique quantique. Fermez les yeux devant Acid Washed : vous êtes à mach 3 dans un paysage de science-fiction, votre corps perd de sa matérialité, vous dansez au-dessus du sol en direction des étoiles. Essayez, vous verrez.
LA SURPRISE : Ben Klock
Voilà presque une quinzaine d’année que Ben Klock rénove la techno berlinoise. Hier, sous le soleil timide et la verrière des Subsistances, la puissance de Ben Klock : il commence par une longue traînée de ce qui ressemble à des ondes binaurales. Drogue auditive ? Tentative d’hypnose? Un peu des deux. De fait, on est aspiré dans un tunnel sonique duquel on ne voit pas la fin. Les basses viennent bientôt nous secouer de l’intérieur. Au bout d’une demi-heure, le rythme s’épaissit encore davantage. Minimale et concentrée, la techno de Ben Klock ne dérive vers la house que pour séduire un peu plus le public, l’emmener un peu plus profond dans les méandres d’une fête tribale, où les clubbeurs ont trouvé leur prêtre. Musique de fermeture sur soi mais de communion collective, c’est une grand-messe de danse débridée.
BONUS : la phrase du jour
Une festivalière, à propos de Disclosure : « Ils passent à quelle heure Disco George ? Il parait que c’est bien. »