Le troisième et dernier jour du festival Reeperbahn commence sous une belle lumière nordique. Il fait froid à Hambourg mais la pluie promise depuis trois jours s’est tenue à l’écart et le programme suffit à réchauffer cœurs et corps. On commence dans l’après-midi avec Let Me Play Your Guitar, sur la Stage West de la […]
Jour 2
Deuxième jour du Reeperbahn Festival, qui, on le rappelle, investit les clubs et bars du quartier du même nom à Hambourg, quartier connu pour avoir été celui des commencements des Beatles. Le groupe, je répète pour ceux du fond, y donna 300 concerts entre 1960 et 1962, souvent longs d’une dizaine d’heures- qui dit mieux ? Cette fois, l’épisode ne dure pas deux ans mais trois jours- le marathon, en revanche, est aussi en rendez-vous.
On commence la journée avec l’electro pop de This Sound Will Save You, duo venu d’Halifax réunissant un Canadien, Matthew Fudge, et une Anglaise, Chloe Jones. Cette dernière chante comme la petite fille de Kate Bush, ou une bonne copine de Lykke Li, des morceaux de pop acidulée et eighties- on recommande notamment leur Sacrifice, avant-goût piquant d’un album à venir.
Le folk mélancolique de Old Man River
Autre scène, autre continent, autre nouvelle tête : on découvre, quelques minutes plus tard, un Canadien bouclé officiant sous le nom de Old Man River. Si le nom fait référence à un classique de la chanson américaine, on pense aussi pas mal à Old Man tout court, celle de Neil Young : en acoustique, Old Man River prolonge cette tradition de folk mélancolique et enchaîne des ballades touchantes, de celles qui ravissent les fans de Josh Ritter et peuvent, parfois, provoquer de belles choses chez Jack Johnson.
On retraverse la grande place pour retrouver le Canada : Wintersleep, formation méconnue mais reine en son pays- elle y a remporté le Grammy local-, joue le rock à guitares façon Band of Horses, voire façon MGMT : le son est puissant, la salle hélas un peu trop bondée pour qu’on puisse se faire une idée fidèle du concert. Cap ensuite sur le sous-sol du Kaiserkeller : il y a cinquante ans, c’est là que les Beatles jouèrent pour la première fois avec l’ami Ringo Starr. Ce soir, ils sont trois sur scène : deux garçons et une fille. Ils viennent du Luxembourg, répondent au nom de Monophona et officient dans une veine trip-hop un tantinet surannée. On pense à Portishead un peu, à Emiliana Torrini beaucoup, notamment pour les voix féminines qu’assure avec grâce la bien nommée Claudine Muno. Un premier album est annoncé pour novembre.
Amatorski, dans les traces de Sufjan Stevens
Non loin du Luxembourg, il y a la Belgique : c’est cette dernière que représentent, quelques minutes plus tard et avec une classe folle, les jeunes musiciens d’Amatorski dans l’enceinte, magnifique, de l’église de St Pauli. Le Guardian en a récemment fait le meilleur groupe à suivre de Belgique, le Guardian a raison : Amatorski marche dans les traces de Sufjan Stevens ou des Concretes, agençant, à huit mains, une pop atmosphérique absolument délicieuse, digne des Scandinaves. C’est raffiné, délicat, mélodique, déjà subtil : le groupe offre le plus beau concert de la soirée.
Retour ensuite sur la Spielbundenplatz. Au passage, on tente de découvrir la fameuse rue interdites aux filles. L’accès nous est en effet refusé, oui à nous les femmes, et nous le charme…. Direction le Café Keese où Ewert and The Two Dragons, grand habitué des festivals européens, joue les chansons de son récent Good Man Down. Le groupe est à moitié estonien, à moitié letton : c’est pourtant loin des Pays Baltes, mais du côté de REM ou de dEUS que traînent ses chapitres folk-rock. Même sens mélodique, même jeu contagieux, même efficacité sur scène.
A quelques mètres de là, dans la salle bondée du pub Hasenschaukel, on part découvrir Common Tongues, soit cinq musiciens venus de Brighton. Dans leur besace, des morceaux qui semblent en contenir trente-six, sans cesse coupés, changés, détournés, et pour la plupart portés par une violon flirtant avec les musiques traditionnelles. On pense à des Local Natives qui se seraient perdus dans la campagne irlandaise, des Noah and the Whale qui auraient fait le conservatoire. A suivre, enfin, les Australiens de Husky, qu’on retrouve pour clôturer cette riche seconde journée. Signé sur le label Subpop, le groupe, dont le premier album Forever So est sorti il y a peu, joue la pop des grandes évasions, officiant à mi chemin entre Okkervil River et Paul Simon, les Fleet Foxes et The National. Un tableau mélancolique et brillant à la fois, qui trouve un écrin idéal dans l’enceinte de l’église de St Pauli.