Le prodige local Jacco Gardner et sa pop sixties étaient la principale attraction de cette deuxième journée. Sans oublier His Clancyness, Champs ou Nick Mulvey.
A Groningen en Hollande, on entame la deuxième soirée du festival Eurosonic éblouis par le nombre de salles de concerts qu’affiche la ville. Groningen est une ville de taille moyenne : elle héberge 180 000 habitants. Pourtant, on y trouve autant de salles de concerts que dans une capitale européenne- le festival se partage ainsi pas moins de trente salles dans un périmètre de la taille d’un arrondissement parisien. L’explication nous sera donnée par Peter Smidt, le directeur du festival. « Après la deuxième guerre mondiale, il y a eu à Groningen une loi obligeant tous les bars et les restaurants de la ville à arrêter la vente d’alcool après 22h. La seule possibilité pour ces lieux de s’affranchir de cette interdiction était de développer un espace consacré au live. Du coup, tout le monde ici a ouvert une scène et Groningen est devenue la ville avec le plus grand dynamisme musical du pays. Dans les années 80, on y comptait plus de cent groupes, on pouvait y voir des concerts tous les soirs. Herman Grood, le musicien hollandais le plus célèbre du pays, y a d’ailleurs développé sa carrière. » Aider à développer les carrières : c’est justement le principe du festival Eurononic. Que celui qui espère y trouver une tête d’affiche passe son chemin : avec ses 300 artistes émergents, l’événement est une plateforme de découvertes, un rendez-vous unique pour tous les acteurs de la filière musicale, venus dénicher les champions de demain. « L’objectif d’Eurosonic est de promouvoir toutes les musiques européennes. Souvent, les festivals se cantonnent aux artistes anglo-saxons. Il y a pourtant des scènes très dynamiques partout, en Italie, en Grèce, en Belgique, en France ou en Espagne… »
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On commence notre soirée avec des petits nouveaux venus de l’île de Wight. Réunis autour de Tom Gardner, ancien batteur des Bees reconverti en bassiste, les Anglais de Champs jouent sur la scène installée à l’étage du Groningen Museum- pour la rejoindre, il a fallu se frayer un chemin à travers les toiles du musée. Récemment signé chez Pias, le groupe demeure un mystère- un seul morceau, nommé St Peters, circule sur le net. Le coup de foudre, pourtant, est immédiat : on pense, à l’écoute de ces folksongs aux chœurs parfaits, à des Midlake sous vitamine C, des copains de Deerhunter ou des correspondants romantiques d’Okkervil River. Aériennes et flanquées d’harmonies savantes, ces chansons qui scrutent l’Amérique laissent augurer un premier album de toute beauté. Deuxième belle surprise quelques minutes plus tard quand on découvre sur la scène du Forum des images local le musicien Nick Mulvey. Revenu de Cuba où il a appris le piano et les percussions, cet Anglais a d’abord officié au sein du collectif londonien Portico Quartet. Désormais en solo, il joue le folk seul à la guitare, avec une écriture qui puise dans la musique africaine, et une sobriété qui évoque les travaux de Nick Drake, José Gonzales et Piers Faccini.
On regagne ensuite le News Café pour le concert du groupe grec Evripidis and His Tragedies. Le visuel de son premier album A Healthy Dose of Pain promettait un moment de partage- douze musiciens y squattent la pochette. Malheureusement, c’est seul qu’Evripidis déballe, au piano, ses chansons pop romanesques. Tel un Rufus Wainwright venu d’Athènes, le musicien chante des chansons d’amour cabossées, que portent un sens mélodique savant et des textes souent cocasses. Humour aussi du côté du Norvégien Mikhael Paskalev, qu’on découvre ensuite dans la salle du Stadsschouwburg : joueuse et radieuse, la prestation évoque celle d’hypothétiques Arcade Fire qui se mettraient à faire des blagues- on pense aussi à Of Monsters and Men improvisant avec Paul Simon. Sympathique, le concert vaut surtout son pesant d’or pour le cadre: imaginez une sorte de Cigale parisienne où on aurait inversé, non pas les rôles, mais les places : le public est débout sur scène, le groupe joue dans l’enceinte du théâtre- l’effet est impressionnant.
Quelques centaines de mètres plus loin, sur la scène de la salle Huis de Beurs, se produit le plus bel espoir du pays. Jacco Gardner est hollandais et est né dans les années 80. Pourtant, il joue la pop comme s’il était resté bloqué en 1968, à écouter les Zombies ou Syd Barrett. Impossible en 2013 de faire plus rétro, et peu importe : la musique du jeune homme affiche un sens de l’écriture prodigieux, probablement appris dans les disques des Turtles ou de Sagittarius. Gardner déroule des morceaux qui ressemblent à des classiques d’il y a quarante-cinq ans (Summer’s Game, Where Will You Go) alors que défilent, au fond de la scène, des extraits vidéo des 400 Farces du diable de Méliès. En Français, ce petit s’appelle Jaco Jardinier, et c’est un jardin extraordinaire.
On termine la soirée avec le nouveau projet du Canadien Jonathan Clancy, dont certains firent la connaissance l’an passé alors qu’il jouait au sein du groupe italien A Classic Eduction. Son projet solo se nomme His Clancyness et distille, sur album, une dreampop aérienne taillée pour les amoureux de Real Estate. Sur scène le Canadien dévêtit les chansons de son album Always Mist de leurs arrangements vaporeux. La guitare prend le dessus et Clancy livre une prestation rock brute et sensuelle, idéale pour clore, en beauté, une remarquable deuxième soirée.
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