Jurassic 5, Thee Oh Sees, The Experimental Tropic Blues Band: on est au Dour festival et on vous raconte tout.
JOUR 2
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Au réveil, les troupes accusent le coup. Sous les tentes alignées par milliers, les paupières peinent à décoller. D’aucuns maudissent, à pleine gorge ou en catimini, l’infâme DJ camping – particularité locale – qui bourrine aux platines sans discontinuer. Car, à Dour, la musique ne s’arrête jamais. Quand les sept scènes du site soufflent leurs dernières notes, l’animal pousse des disques nauséabonds à fond de caisse toute la nuit. Alors on s’occupe pour ne pas s’énerver. On parcourt la prog’ du jour en matant les passants. Et l’on mesure l’intensité des facéties de la veille à l’ouverture des yeux des âmes déambulantes. Si nos écoutilles saignent encore des assauts techno délicieusement anxiogènes du Lyonnais Gesaffelstein de la veille, on sait le menu moins épicé en cette deuxième journée. Alors nous nous sommes baladés, histoire de nous imprégner de ces lieux tellement singuliers.
Le Dour Festival est en effet un des rares endroits sur Terre où l’on croise en pagaille grands-mères, femmes enceintes ou enfants, bboys, gothiques, clubbers et métalleux, des mini-shorts fluo, des maxi-cuissardes en croco, des ados en costume (intégral) de chameau, des barbus en robes, des poupées gonflables, de jolies plantes dénudées, des coups de soleil au troisième degré et des brioches surexposées. Somme improbable d’énergies dévouées à la fête, le tout baigné d’une bonne humeur presque surréaliste. Un lieu où, même si beaucoup cahotent déjà dès 13h leur trop plein d’alcool, on vient aussi – d’abord? – pour la musique. Du coup, on est parti se prendre une première décharge avec Electric Electric.
Electric Electric: Noise’n’Fun
Voici donc qu’entrent en scène d’autres voisins français pour le moins énervés. S’il se révèle un tantinet frontal pour entamer une journée à l’heure du goûter, une chose est sûre, avec ce trio faiseur d’électricité, ça trace et ça galope d’entrée. Le genre de mets corsé qui vous réveille et vous remet les idées en place si, par hasard, sur le coup de 16h, ce n’était déjà fait. Une proposition presque instrumentale – si l’on fait abstraction du peu de chant murmuré – , un mur du son haute-tension expérimental. Sur la gauche Éric Bentz chatouille sa guitare, à droite Vincent Robert tamponne son clavier et, au centre derrière les fûts, Vincent Redel orchestre ses acolytes de son jeu de baguettes épileptiques. Disposés bien serrés sur les planches, les Strasbourgeois bastonnent et déversent sur une foule consentante les bombes de leurs deux albums (Sad Cities Handclappers, datant déjà de 2008, et le survitaminé Discipline sorti l’an dernier). Une heure de déflagration, quasi sans transition. Electric Electric, c’est méchant-méchant, mais qu’est-ce que c’est bon.
Une petite taffe d’Odezenne
« Au passage clouté un marginal me traite d’enculé... » Pas d’inquiétude, nous n’avons pas quitté le site pour rencontrer les autochtones dans le centre-ville. C’est juste qu’en fin d’après-midi, on croise la prose déliquescente de l’équipe Odezenne, qui nous emmène à bord de son Taxi. C’est dit, cette édition 2013 sera hip hop ou ne sera pas. Jeudi, le Master Chef Action Bronson avait d’ailleurs – et de fort belle manière – ouvert la voie. Comme lui, le moustachu Jaco et le rasé Alix ne sont encore que des « rappeurs sans millions » (cf. Gomez), qui riment à s’en user les gencives depuis plus de six ans. Deux emcees non-standardisés, pile et face d’un duo bordelais des plus enivrants, devenu Orchestre Virtuose Non Identifié depuis les doigts magiques de Merlin à la gratte et ceux experts de DJ Lodjeez aux platines. Récemment, le groupe bousculait les traditions du booking, jouant les artistes Universeul et proposant des tournées à la carte à ses fans via les réseaux sociaux. Un pari qui s’est avéré gagnant. Formation alternative s’il en est, Odezenne avait donc, plus que quiconque, sa place dans un événement comme le Dour Festival. Vendredi, comme chaque fois, leur rap fut drôle, pertinent, souriant et enthousiasmant. On s’est abreuvé de leur plume géniale, des métaphores filées, des allitérations, des figures inspirées et des jeux de mots chantants. Même La haine gratuite déversée sur la pauvre Mélanie Georgiades ne nous a pas déplue. Sans parler de la conclusion du tubesque Tu Pu Du Cu.
Le Magicien UZ
Juste avant le coucher du soleil et un retour très attendu vers des températures viables, Dan Deacon provoquait un dernier coup de chaud. Trônant devant ses machines, cerné par deux batteries, l’Américain a fait déferler dans la place sa psyché pop rythmique à la Grand Jojo. Ne nous épargnant ni les concours de danse, ni les farandoles, ni les chenilles participatives ou les monologues rigolos. Une joyeuse bouffonnerie effervescente où l’on cherche encore de véritables morceaux. Ensuite, le soir est tombé et la voix rauque du grand Mark s’est élevé sur la plaine. Lanegan nous fait du Lanegan. Rock, classe et ténébreux puis, sur la fin, un soupçon ennuyeux. Nous, nous avions envie de quelque chose de plus copieux.
C’est l’intriguant jeune prodige de la scène trap UZ (à épeler à l’anglaise) qui allait nous ravir. Un genre nouveau, une niche, que d’aucuns estiment éphémères, mais dont l’ombre aura plané sur les lieux depuis le coup d’envoi. Le trap, un endroit louche où il se passe des trucs pas nets en argot. Dans ces antres noires, on avance au radar. Et l’on oscille de l’occiput en cadence, au rythme de structures en forme de montagnes russes sombres et bondissantes, mêlant l’explosivité du dubstep et la lenteur moite du son Dirty South (hip hop de clubs et crunk d’Atlanta). Personne ne sait qui se cache derrière le masque du producteur. On cite Justin Martin, Jessie Andrews, Danny United, DJ Trouble, French Fries (membre de Birdy Nam Nam), Geoff Barrow (tête pensante de Portishead), Busy P, Hudson Mohawke, Deadmau5 et même Gesaffelstein (présent la veille, coïncidence?). Ce que l’on sait par contre c’est qu’à Dour il fut surpuissant.
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